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jeudi 30 juin 2011

Le festival d'Avignon 2011 : Jean Vilar

 Maison Jean Vilar  (festival 2010)

 Le festival d'Avignon 2011 va bientôt ouvrir ses portes.  Le In commence le 6 Juillet.  Le 8, c'est le festival OFF qui donne son coup d'envoi. Partout on sent une animation fébrile dans la ville. Les théâtres qui sont restés fermés toute l'année font leur ménage, des camions  déversent leur chargement, des techniciens s'affairent, à l'intérieur on aperçoit du matériel déballé, des projecteurs,  des sièges.. . en désordre. Les autres, ceux qui sont ouverts toute l'année, le Chêne Noir,  Le Balcon,  Les  Carmes,  Les Halles ... ont déjà fourbi leurs armes, autrement dit leurs affiches, leurs programmes. 

Il est donc normal aujourd'hui que la citation du jeudi soit consacrée  à Jean Vilar, (1912-1971) homme de théâtre, comédien,  directeur du TNP,  créateur du festival d'Avignon en 1947.




Le théâtre est une nourriture aussi indispensable à la vie que le pain et le vin... Le théâtre est donc, au premier chef, un service public. Tout comme le gaz, l'eau, l'électricité.

L'art du théâtre ne prend toute sa signification que lorsqu'il parvient à assembler et à unir.



mardi 28 juin 2011

Nicola Vanier : Le chant du Grand Nord : tomes 1 et 2


                                                            


 Le chasseur de rêve ( 1)

Voici ce billet sur le livre de Nicolas Vanier Le chant du Grand Nord, que j'avais lu le mois dernier et j'y ajoute quelques mots sur le tome 2 que je viens de terminer.

En lisant ce roman j'ai voulu retrouver les émotions de mon enfance à la lecture des romans de James Oliver Curwood ou de Jack London.
Dans Le chasseur de rêve, le premier tome de la série : Le chant du Grand Nord, nous sommes au XIXème siècle, transportés aux pieds des Rocheuses dans un paysage somptueux et nous suivons les aventures du jeune Ohio de la tribu indienne des Nahannis,  clan des caribous. Ohio est différent des autres. Il est né d'une mère indienne, la belle et charismatique Sacajawa, et d'un père anglais. Il est chassé pour avoir désobéi aux lois de son clan. Il entreprend alors un voyage vers le Grand Nord pour essayer de retrouver son père et peut-être aussi à la recherche de lui-même, dans une itinérance initiatique. Ce voyage va, en effet, transformer le jeune homme et l'amener à l'âge adulte. Il rencontre l'amour de la jeune indienne Mayoké protégée par Le Grand Esprit des bisons de sa tribu. Il se heurte  aussi aux hommes blancs qui tiennent les comptoirs de fourrures et dont la domination apporte à la population indienne un cortège de maux : division des tribus qui se dressent les unes contre les autres, dépossédées de leur terre et appâtées par le gain, abandon des rituels de chasse qui permettent une communion entre l'Homme et l'Animal sacralisé, destruction massive et inutile des troupeaux de bisons qui va provoquer leur disparition. A la fin de ce premier tome, la civilisation indienne est menacée par les Blancs et l'on se demande si Ohio parviendra à protéger sa tribu de tous ces méfaits. Ce premier tome est suivi d'un second, La Tempête blanche.


                                                          
La tempête blanche (2)

Le tome 2 de Le chant du Grand Nord, sous-titre : La tempête blanche est la suite des aventures de  Ohio, le jeune indien Nahanni et de sa femme Mayoké dont nous avions fait connaissance dans  Le chasseur de neige.
 Ohio, qui a maintenant un fils, continue son voyage à la recherche de son père,  un anglais nommé Cooper, qui a abandonné sa mère, la belle et charismatique Sacajawa. Le jeune couple  est confronté à de nombreux dangers, sort victorieux de l'attaque d'animaux sauvages, essuie des tempêtes redoutables, tombent dans les traquenards de la nature indomptée. Ohio et Mayoké connaîtront aussi de grands malheurs qui affecteront leur couple. Mais Ohio, avec l'aide de ses chiens Huskies et surtout de Torok, le magnifique chef de meute, parviendra  après une course de plusieurs milliers de kilomètres à Québec où  il retrouvera son père. Devenue une légende grâce à son exploit, Ohio accomplira avec Cooper un voyage de retour tout aussi périlleux  qui le ramènera à ses origines. On y retrouve aussi le thème de la civilisation indienne menacée dans sa survie et qui devra peu à peu se plier aux coutumes du peuple blanc. Même si tout n'est pas mauvais dans ce qu'apporte cette civilisation étrangère, Sacajawa parviendra à maintenir les coutumes de son peuple et la chasse qui assure la survie.

Il faut lire le roman de Nicolas Vanier comme un livre d'aventures agréable et divertissant. L'auteur décrit un pays qu'il connaît bien avec ses beautés, ses joies et ses dangers; il évoque la pêche au saumon dans les torrents aux eaux vives, la chasse aux caribous, impressionnante et solennelle, quand passe la Grande Horde dans sa migration annuelle, les bains régénérateurs dans les sources d'eau chaude par des températures glaciales, la descente vertigineuse des rapides en canoé kayak, les combats sans merci avec l'ours ou le carcajou, le passage des cols dans les Rocheuses en hiver. La description des attelages de chiens et de la conduite en traîneau est très réussi comme est plaisante l'histoire d'amour de Ohio avec ses chiens, en particulier avec l'intelligent et fidèle Torok. L'amour de la nature sauvage qui dispense ses bienfaits aux hommes en échange de leur respect est rempli de nostalgie tant on la sent fragile et prête à disparaître. Les coutumes des indiens, leur spiritualité, leurs croyances et leurs moeurs sont présentées d'une manière vivante qui sert l'action du roman.
Certes, Nicolas Vanier n'est pas un Jack London et son style n'a ni lyrisme ni puissance quand il célèbre la nature mais ce roman d'évasion procure d'agréables moments de lecture.

dimanche 26 juin 2011

Clément Marot : Epigramme de moi-même



Clément Marot par Corneille de Lyon

Après Charles d'Orléans (1394-1465), je continue à remonter le temps avec Clément Marot, (1496-1544), poète officiel de François Ier.

Je ne suis plus ce que j’ai été

Et je ne le saurais jamais être,

Mon beau printemps et mon été

Ont fait le saut par la fenêtre.
 
Amour, tu as été mon maître,

Je t’ai servi sur tous les dieux.

Ah, si je pouvais deux fois naître,

Comme je te servirais mieux !
Clément Marot


Les compagnons troubadours de Bookworm

dimanche 19 juin 2011

Eugenia Fakinou : La septième dépouille ou la femme grecque



J'ai lu La Septième dépouille de Eugénia Fakinou pendant mon séjour à Athènes. J'aime découvrir  les écrivains quand je suis dans le pays pour m'imprégner de sa culture. Et je n'ai pas été déçue! Voilà un livre qui force l'admiration. L'écrivain par le jeu de la construction du roman et les voix de femmes qui se répondent nous livre, en un va et vient incessant, l'Histoire de la Grèce. Il n'y a pourtant que trois femmes qui parlent mais  elles font défiler devant nous une galerie de portraits, d'hommes et de femmes d'aujourd'hui ou d'hier qui reviennent des Enfers comme des spectres convoqués par leurs appels.  Le titre La septième dépouille fait allusion à une tradition grecque qui veut que chaque aîné d'une famille soit représenté par une bannière composée d'un vêtement qu'il a porté (une dépouille) pour assister  aux funérailles de l'aîné de la génération suivante. Si l'un d'eux manque à l'appel, il est impossible à l'âme du nouveau défunt de passer dans l'au-delà. Or la septième dépouille a disparu!

ll y a d'abord La Mère.  C'est elle qui détient la clef du passé lointain  et qui connaît l'histoire de tous les ancêtres; c'est grâce à elle que nous traversons les siècles et prenons part aux déchirements de la Grèce, elle est le trait d'union entre le passé et le présent mais aussi entre la Grèce moderne et la Grèce antique. Car les Dieux anciens se mêlent intimement aux humains  et se fondent avec les saints et les pratiques du christianisme. Démeter, c'est son nom, est la mère nourricière, la terre à qui les arbres parlent comme ils s'entretiendront aussi avec Hélène, sa fille;  elle aussi erre à la recherche de sa fille Perséphone. Immigrée dans son propre pays, la Grèce, elle appartient à cette minorité grecque installée en Asie Mineure, chassée par les Turcs qui décapitent son mari. Elle fuit d'un point à un autre,  ce qui l'amènera dans ce coin reculé de  Grèce où elle se fixera. Hélène, sa fille, incarne la génération intermédiaire, celle qui ne s'est pas encore délivrée des coutumes et du poids de la tradition, enfin Roula sa petite fille représente  la jeunesse contemporaine, qui plus est, citadine. Sa vie à Athènes ressemble beaucoup à celle de tout habitant d'une capitale, travail, bus, dodo, une vie difficile  où elle a appris, après la mort de sa mère, à se débrouiller tant bien que mal et à se défendre des avances des hommes.
Parfois le roman, avec ses voix qui se répondent et leurs accents de tragédie antique, résonnent comme une pièce de théâtre. Je le verrai bien facilement transposable à la scène tant le style parlé est évocateur d'images, la parole tour à tour élégiaque et épique devient récit. Un récit jamais linéaire, fragmenté, disloqué mais qui peu à peu, comme un puzzle, acquiert une cohérence.

Mais au-delà de la virtuosité de la forme, ce roman nous touche par les personnages auxquels nous nous attachons : la Mère et son passé tragique et son bel amour pour Andronic, son mari, les sévices qu'elle subit de la part d'une brute sans qu'elle ait aucun recours pour lui échapper, son incarnation du mythe de Démeter qui la fait gardienne des traditions et des rites funèbres; Hélène, qui sacrifie sa vie de femme, en véritable prêtresse de l'arbre dans l'attente de l'oracle, Roula dont les réactions face  aux croyances de sa grand mère et de sa tante  sont  amusantes car elle a le franc parler populaire et  l'esprit rationnel des jeunes générations .. même si on la sent pourtant  vaciller  dans ses convictions quand s'introduit le surnaturel. Toutes incarnent la Femme grecque, trop souvent victime des hommes. Pourtant sous leur apparente fragilité, l'arbre, autre personnage du roman discerne leur force :

 Les femmes ont les grandes passions. Elles écrivent l'Histoire et portent sur leurs épaules le poids des instants décisifs 

Les femmes. Nous nous sommes toujours aimés. Même quand les grandes fêtes ont cessé et que les blanches prêtresses ont revêtu le noir. Il y a toujours quelque femme pour arriver jusqu'ici haletante, une question aux lèvres. Et moi je répondrai....
Parce que j'aime les femmes et les fleurs sauvages. Les grandes passions des femmes et les couleurs des fleurs. Le blanc, le jaune et le mauve.

Alice Hoffman : La lune tortue


L'action de la Lune Tortue se passe dans une petite ville, Verity, en Floride sous une température de 45°, en mai, ce qui est un circonstance aggravante car ce mois-là tout peut arriver et surtout les pires catastrophes! Lucy vient de divorcer et arrive dans cette ville où se réfugient d'autres femmes, divorcées comme elle. Le désespoir y est assez dense!  Elle s'occupe de son fils Keith, 12 ans, qui ne supporte pas d'être avec sa mère dans cette ville de fous! Il veut retourner avec son père à New York. Lorsqu'une femme est assassinée, Keith, qui est témoin, s'enfuit avec le bébé de la victime qu'il veut sauver. C'est à cette occasion que Julien Cash, un policier maître-chien, spécialisé dans la recherche des disparus se lance sur la piste des deux enfants. Il va rencontrer Lucy.

L'histoire est plus ou moins policière, je veux dire que ce n'est pas à mon avis, ce qui est le plus important. Elle est bien contée, les personnages sont intéressants, ils sont blessés par la vie et deviennent ainsi très attachants, proches de nous car l'écrivain sait nous faire partager leurs angoisses. Mais l'aspect le plus original du roman réside dans la description peu banale de cette ville de Floride! A une nature assez inhospitalière s'ajoutent les détériorations causées par l'homme. Les habitants doivent affronter, comme chaque année les tortues de mer qui s'échouent sur l'autoroute, véritables fléaux, lors de leur migration saisonnière, la multitude de serpents à sonnettes, la chaleur torride, écrasante, mais aussi les fuites de l'usine chimique. Les femmes ont les cheveux verdis par le chlore, les filles font des fugues ... Toute la ville semble prise de folie. Cette description crée un climat spécial, bizarre, qui échappe au rationnel. Ainsi cet Ange qui a élu domicile sur un gommier rouge ... En pénétrant dans ce roman, le lecteur se déplace dans un univers étrange, entre réalisme et fantaisie. Certaines images abstraites se matérialisent, le style transcende la réalité, la rend fantastique.  Alice Hoffman fait preuve d'un talent original, très personnel et son livre est passionnant. Du coup j'ai eu envie de continuer à découvrir cet auteur et j'ai lu "Un secret bien gardé" dont je parlerai bientôt.

samedi 18 juin 2011

L'été grec de Jacques Lacarrière (citation)

Le masque d'Agamemnon

Retour de Grèce! Dans le musée national archéologique d'Athènes, j'ai découvert les trésors de la civilisation mycénienne. Les masques d'or, en particulier, qui recouvraient le visage des défunts sont absolument stupéfiants.  Constitués par une feuille d'or qui prend l'empreinte du visage et en épouse les creux et les reliefs, ils donnent l'impression d'une réelle présence. Derrière le masque, on devine l'homme. Ils exercent sur ceux qui les regardent une fascination qui ne tient pas de la morbidité mais d'un autre sentiment. Voilà ce qu'en dit  Jacques Lacarrière dans L'été grec.

A l'encontre des masques égyptiens d'or massif (qui ne sont jamais des portraits mais une représentation idéalisée du mort devenu Osiris), à l'inverse des portraits du Fayoum (si fidèles que l'on peut reconstituer à leur seule vue l'âge, l'appartenance sociale, les fonctions du défunt), ces masques mycéniens sont à la fois d'étincelants portraits et des allégories de la mort souveraine. Souveraineté rendue encore plus apparente encore par cet ultime effort pour préserver le visage des hommes des altérations du néant mais aussi souveraineté de la vie sur la mort car nul doute que ces rois, ces despotes brutaux gavés de guerre, de chasse et de razzia n'aient cru continuer de régner sur leur peuple depuis leur tombe. Ils continuent manifestement de régner, de chasser, d'ordonner quelque part, entre le monde des ombres et celui des vivants et cette pérennité fantomatique, cette survie posthume marquent encore la Grèce classique (l'oeuvre d'Eschyle notamment) plus de dix siècles après la fin du règne de Mycènes.
 (...)  Si l'on veut tuer un roi mycénien, il faut le tuer deux fois, comme vivant et comme mort,  en ligotant son ombre par des rites appropriés. Ainsi dans son Agamemnon, Eschyle fait-il de Clytemnestre, meurtrière de son mari, un être écartelé entre la joie de la vengeance et la terreur de savoir qu'à Mycènes les morts ne meurent jamais entièrement. Dans son effort, dans son espoir dément d'abolir le règne posthume de son époux, elle mutile son cadavre en lui tranchant le sexe. Mais même ainsi, elle ne pourra vraiment le tuer : l'ombre continuera de vivre dans la tombe mais de vivre impuissante, sans action sensible sur les vivants.

 Les enfants des tombes royales de Mycènes

Ces masques proviennent de tombes royales. Dans l'une d'elles, à côté des adultes, deux jeunes morts. Leurs  jambes et leurs bras ont été recouverts de feuilles d'or, ce qui nous donne un aperçu de leur taille respective. Deux petits enfants revenus de la mort, présences éphémères et fragiles, dont l'or dessine une silhouette imprécise mais émouvante.


 Merci à Chiffonnette

Edward Abbey : Le feu sur la Montagne

Billy, 12 ans, vient passer les vacances chez son grand père dans un ranch du Nouveau-Mexique. Il se fait une joie de retrouver le vieil homme, John Vogelin, et son ami, Lee, mais aussi la liberté  des grands espaces, les bêtes du ranch, les chevauchées dans la nature... une nature pourtant peu hospitalière avec ce climat semi-désertique, ces terres arides, cette chaleur implacable, toutes calamités qui permettent  à peine au grand père de subsister.  Oui, mais les paysages ont une beauté magique, les couchers de soleil sont sublimes, sans parler des rencontres palpitantes avec  les animaux sauvages, des veillées autour d'un feu de bois, des nuits à la belle étoile... Billy est enthousiaste; plus tard, il aimerait bien venir travailler ici. Pourtant, lorsqu'il arrive il ne tarde pas à deviner la menace qui plane sur leur tête. L'US Air Force veut racheter le ranch de grand père pour y installer un champ de missiles.  Mais John Vogelin va se battre jusqu'au bout pour garder sa propriété, épaulé dans ce combat par son petit-fils. On devine pourtant que cette lutte est bien inégale.

J'ai vraiment adoré ce livre. Son charme tient, bien sûr, à la description de cette nature à laquelle Edward Abbey voue un grand amour qu'il a l'art faire partager. Il me donne envie de galoper à côté de nos héros malgré la chaleur, la soif, les fesses tannées par le cuir de la selle, de vivre à la dure, enserrant les dents, pour paraître costaud, comme le fait le petit Billy! Quand je lis un roman convaincant, je suis souvent capable de telles prouesses, mourant de soif dans le désert ou les pieds gelés dans le blizzard du Grand Nord canadien. C'est tellement bon de vivre à l'extrême, confortablement installée dans un fauteuil! 
Et puis derrière cette beauté, apparaît la fragilité de cette nature, des animaux, d'abord, que l'homme déclare nuisibles et qu'il détruit sans discernement, de ces paysages splendides que l'on va sacrifier à la guerre, que l'on va livrer à la destruction. Il y a la dénonciation du pouvoir exorbitant de l'armée qui peut exproprier les gens, les envoyer en prison s'ils résistent. Edward Abbey, exprime ici un sentiment écologique et antimilitariste. Contestataire, il prône le refus d'obéissance, le recours à l'auto-défense qui n'a rien de pacifique d'ailleurs! C'est l'arme à la main que le vieux Vogelin entend défendre son domaine, dans le meilleur style des westerns.

J'ai aimé aussi les liens qui unissent le grand père et le petit fils, cette conformité d'humeur et de goûts, cette solidarité farouche de l'enfant envers le vieillard, cette tendresse pudique que l'un ou l'autre ne veut pas exprimer mais qui apparaît à tout moment dans un mot, dans un geste, dans leur complicité étroite. C'est à travers des dialogues pleins d'humour, assez pince-sans-rire, que se dessine le caractère de l'enfant, les principes d'éducation du vieil homme et ses contradictions, et aussi la belle amitié et le respect mutuel qui lient le vieil homme, l'enfant et Lee, autre personnage important du récit.

Les engoulevents montaient et plongeaient sur le rideau de l'aube naissante, conscients de l'imminence du jour. Des pies firent leur apparition, oiseaux affamés au plumage noir et blanc d'universitaires guindés, et se mirent à piailler et piailler comme des théologiens qui se  querellent. Un troglodyte s'éveilla et poussa son chant de chute d'eau cristalline.
-Le paradis peut-il être plus beau? demandai-je.
- Le climat  est un peu meilleur ici, répondit Grand-père
- Il y a moins d'humidité, dit Lee.



J'ai découvert ce livre et ai eu envie de le lire dans le blog de Mango

Lire aussi Keisha

et aussi Folfaerie

Andres Serrano : le Piss Christ ou le Christ recrucifié



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Le jour où je me suis enfin décidée à aller voir l'exposition de la Fondation Lambert  :Je crois aux miracles, j'apprends que le musée est fermé parce que l'oeuvre  Andres Serrano, le Piss Christ, a été vandalisée par un groupe de catholiques extrémistes.
piss-christ-endommage.1305887035.jpgC'est donc plus tard que j'ai pu visiter l'exposition. La vision de Piss Christ que le conservateur a choisi de montrer après sa partielle destruction m'a choquée. Le visage du Christ est martelé, défoncé, amalgamé aux débris de verre. L'image en acquiert une force décuplée. Elle est le témoignage de la violence, du fanatisme mais aussi de la sottise humaine, c'est le Christ recrucifié!
La première fois que j'ai vu cette photographie qui a déjà été exposée à la Fondation Lambert, j'ai été frappée par la spiritualité qui émane de cette image. Sur ce fond de sang, le crucifix trempé dans l'urine se détache, dorée, comme habitée par une lumière qui provient non d'une source extérieure mais du Christ lui-même. Et cette lumière est si intense que le corps crucifié semble se dissoudre, se dématérialiser devant nos yeux. L'effet est d'une grande beauté mais aussi d'une vraie religiosité. Les éléments organiques, sang et urine, qui  composent la photo créent un effet de matière, d'épaisseur, qui contraste avec cette impression de sacré et rappellent la dualité du  Christ, Dieu mais homme aussi.
Je ne connaissais pas du tout, à l'époque, les intentions de l'artiste et je me suis demandé ce que l'oeuvre signifiait.
Le sang et l'urine étaient-ils le symbole de la Passion du Christ  : le sang de la souffrance  sous la torture, la flagellation, la crucifixion; l'urine, symbole de l'humiliation, des insultes, du calvaire vécu par l'homme livré à l'animalité de la foule?
Ou bien, au contraire, Andres Serrano, signait là une oeuvre volontairement provocatrice, pour dénoncer les crimes de la religion chrétienne, ces siècles d'obscurantisme, de fanatisme, de haine qui ont fait fleurir en Europe les tribunaux et les bûchers de l'Inquisition, les autodafés, les lynchages, les croisades et autres ignominies?
Pour avoir la réponse, il faut lire l'interview de Andres Serrano paru dans La Provencelors du passage de l'artiste à Avignon après la destruction de son oeuvre : Je ne suis pas un blasphémateur dont voici un extrait :
- Quel est le message de "Piss Christ" ? 
A.S. : Vous savez, les artistes ne pensent pas vraiment au message, il faut préserver une part de mystère... Maintenant, si on parle de ce que dit cette oeuvre sur le Christ, je voulais rappeler ce qu'est vraiment une crucifixion. Parce qu'un crucifix, ce n'est qu'un objet en bois familier, dont on ne se rappelle pas vraiment le sens. Le Christ a été mis en croix, il a été battu, on lui a percé le flanc avec une lance, il a pissé, il a chié et il a saigné jusqu'à la mort... Je veux qu'en regardant "Piss Christ", les gens se rappellent de ça.

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Les autres oeuvres exposées dans la pièce avec le Piss Christ témoignent de cette même spiritualité. Parmi elles, la Pieta aux couleurs riches et somptueuses, semblable à une Vierge de la Renaissance, montre le visage vieillie, marqué par la souffrance de la Mère de Dieu qui tient dans ses bras son fils couronné d'épines. Que le Christ soit noir provoque un choc et donne une autre signification au tableau qui devient alors témoignage des souffrances du peuple noir. Une autre photographie intitulée Soeur Jeanne Myriam montre les mains humbles, ridées d'une religieuse se détachant sur l'aube blanche, symbole de foi et de pureté. Elle aussi a été stupidement endommagée par les intégristes qui non seulement ne comprennent rien à l'art mais dénient à l'artiste sa liberté de penser et de créer .
Ce sont les mêmes qui, il y quelques  siècles, brûlaient les oeuvres de Boticelli!

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Dimanche poétique : Charles d'Orléans, Las! Mort...


 Après avoir lu le beau roman de Hella H. Haasse, En la forêt de Longue attente qui retrace la vie de Charles d'Orléans, chef de la lignée d'Orléans, père de Louis XII et ... poète, voici une ballade dédiée à Bonne d'Armagnac, sa deuxième femme! Fait prisonnier à la bataille d'Azincourt par les anglais, Charles d'Orléans est resté vingt-cinq en exil et n'a jamais revu son épouse.  Il apprend sa mort lorsqu'il est en captivité, ce qui lui inspire ce poème.
 Las ! Mort, qui t'a fait si hardie

De prendre la noble Princesse

Qui était mon confort, ma vie,
 
Mon bien, mon plaisir, ma richesse !

Puisque tu as pris ma maîtresse,

Prends-moi aussi son serviteur,

Car j'aime mieux prochainement 
m
ourir que languir en tourment,

En peine, souci et douleur !



Las! de tous biens était garnie

Et en droite fleur de jeunesse!

Je prie à Dieu qu'il te maudie,
 
Fausse Mort, pleine de rudesse!

Si prise l'eusses en vieillesse,

Ce ne fût pas si grand rigueur;

mais prise l'as hâtivement,

Et m'as laissé piteusement

En peine, souci et douleur !



Las ! je suis seul, sans compagnie!

Adieu ma Dame, ma liesse !

Or est notre amour departie,

Non pourtant, je vous fais promesse

Que de prières, à largesse,
 
Morte vous servirai de coeur,
  
Sans oublier aucunement;

Et vous regretterai souvent

En peine, souci et douleur.



Dieu, sur tout souverain Seigneur,

Ordonnez, par grâce et douceur,

De l'âme d'elle, tellement

Qu'elle ne soit pas longuement

En peine, souci et douleur !


Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres… Des Histoires…Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe : Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d’Hilde , Katell : Chatperlipopette, L’Ogresse de Paris : L’Ogresse de Paris, L’or des chambres : L’Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page, Lystig : L’Oiseau-Lyre (ou l’Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou,Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin : Chroniques de lectures Océane :

Jorge Semprun, L'écriture ou la vie ( citation )


 L'écriture ou la vie


Je ne possède rien d'autre que ma mort, mon expérience de la mort, pour dire ma vie, l'exprimer, la porter en avant. Il faut que je fabrique de la vie avec toute cette mort. Et la meilleure façon d'y parvenir, c'est l'écriture. Or, celle-ci me ramène à la mort, m'y enferme, m'y asphyxie. Voilà où j'en suis : je ne puis vivre qu'en assumant cette mort par l'écriture, mais l'écriture m'interdit littéralement de vivre.
 

La vie était encore vivable. Il suffisait d'oublier, de le décider avec détermination, brutalement. Le choix était simple : l'écriture ou la vie. Aurais-je le courage- la cruauté envers moi-même- de payer ce prix?




La Mort qu'il faut

Une année à Buchenwald m'avait appris concrètement ce que Kant enseigne, que le Mal n'est pas l'inhumain, mais, bien au contraire, une expression radicale de l'humaine liberté.





vendredi 17 juin 2011

Jorge Semprun et Charles Baudelaire : Ô Mort, vieux capitaine...




En apprenant la fin de Jorge Semprun, j'ai envie de publier ce texte.  Il réunit dans la Mort, Charles Baudelaire et Jorge Semprun, le grand poète du XIX ème et le grand écrivain du XXème siècle.

O Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre!
Ce pays nous ennuie, ô Mort! Appareillons!
Si le ciel et la mer sont noirs comme de l'encre,
Nos coeurs que tu connais sont remplis de rayons!
Verse-nous ton poison pour qu'il nous réconforte!
Nous voulons, tant ce feu nous brûle le cerveau,
Plonger au fond du gouffre, Enfer ou Ciel, qu'importe?
Au fond de l'inconnu pour trouver du nouveau!
Charles Baudelaire (les Fleurs du Mal)
O Mort, vieux capitaine, il est temps! levons l'ancre... J'aime ces mots qui éveillent en moi la vision d'une grande nef aux voiles noires levant l'ancre pour un dernier voyage, une image si belle que curieusement elle provoque en moi ni crainte ni angoisse mais simplement une douce nostalgie. Pourtant, ce n'est pas ce sentiment que je veux retenir à propos de ce poème mais plutôt celui que j'ai éprouvé en lisant le livre de Georges Semprun : Quel beau dimanche

O Mort, vieux capitaine.. C'est ainsi que Georges Semprun accompagne et réconforte son ancien maître et ami mourant dans un camp de concentration. Et ces vers qui éclairent les derniers instants du vieux professeur sont comme une mince trouée d'espoir dans les ténèbres. Ils sont une petite flamme vacillante, toujours prête à s'éteindre mais pourtant tenace et courageuse, perçant l'obscurité.  Ils sont la réponse athée, pleine de tendresse et de beauté, au sentiment de déréliction qui s'empare de l'homme face à la mort. Ils affirment, face aux bourreaux qui le leur dénient, l'humanité des victimes et leur volonté de préserver intact ce qui les rattache à l'humain : amitié, respect, attention à l'autre..  La poésie répond ainsi à un monde barbare et sa force est telle qu'elle est comme un coup de tonnerre dans le ciel noir d'orage de l'enfer nazi.
   




Hella S. Haasse : En la forêt de longue attente


Le roman de Charles d'Orléans (1394-1465).
En la forêt de la longue attente  est  l'histoire de Charles d'Orléans, petit-fils de Charles V, neveu de Charles VI le Fou. Son père, Louis d'Orléans, frère de Charles VI, a été assassiné par le duc Bourgogne, Philippe le Hardi, très puissant seigneur qui n'a de cesse d'étendre son duché, profitant de l'incapacité à régner de Charles VI pour faire de la Bourgogne un puissant royaume, indépendant de celui de France. A l'âge de 14 ans, Charles d'Orléans se retrouve orphelin et à la tête de la puissante maison d'Orléans. Il doit venger son père comme il l'a promis à sa mère Valentine Visconti en tenant tête à Bourgogne devenu le conseiller du roi. Il lui faut guerroyer aussi contre l'Angleterre, en particulier contre Henry V qui prétend avoir des droits légitimes sur la couronne de France, déjouer mille intrigues de cour, complots sournois auxquels succèdent des  traités et des promesses solennelles d'amitié, vite suivis de trahisons. Or, Charles d'Orléans n'est pas un guerrier ni un courtisan, ni un politique! C'est un érudit qui aime l'étude, la lecture, excellent latiniste de surcroît, un penseur et surtout un poète. L'amour de la poésie l'accompagnera toute sa vie et l'aidera pendant les vingt-cinq années qu'il vécut en Angleterre après avoir été fait prisonnier à la bataille d'Azincourt.
Le titre du roman est issu du premier vers de ce poème de Charles d'Orléans  :
En la forêt de Longue Attente,
Chevauchant par divers sentiers,
M'en vais, cette année présente,
Au voyage des Désiriers.
Devant sont allés mes fourriers
Pour appareiller mon logis
En la cité de destinée;
Et pour mon coeur et moi ont pris
L'hôtellerie de Pensée.
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Charles d'Orléans, fils de Louis d'Orléans et de Valentine Visconti
Dans son avant propos, Hella Haase affirme que si ce roman historique est étayé par de solides recherches son but n'est pas de reconstruire le passé médiéval. L'Histoire n'est pas ici une fin mais un moyen dit-elle de "retracer  la lente et douloureuse évolution d'un être qui parvient, grâce à la découverte de la créativité, à rester fidèle à lui-même en dépit du rôle social que les circonstances l'obligent à assumer".
Autrement dit, dans ce personnage, c'est l'homme et le poète qui touchent l'écrivain. Grâce à ce que Marguerite Yourcenar appelait la magie sympathique, cette puissance suggestive qui jaillit d'une complicité secrète, Hella S. Hasse nous livre un portrait passionnant, émouvant et profondément humain de cet homme pourtant si éloigné de nous dans le temps. L'art de l'écrivain, sa  perception intuitive de l'homme, nous révèlent un être de chair et de sang qui nous émeut, un poète délicat qui exprime des sentiments sincères dans une langue pleine de raffinement et de beauté. J'ai vraiment pleinement aimé ce portrait qui met en valeur, comme le disait Paul Eluard, un "des plus grands poètes français" mais aussi un homme sensible, intelligent et lettré, qui a été séparé de la femme qu'il aimait, Bonne d'Armagnac, sa seconde épouse, par la captivité et ne l'a jamais revue, une existence douloureuse, sacrifiée à la raison politique.
A côté de ce portrait passionnant, l'écrivain fait revivre des hommes et des femmes tourmentés, déchirés, machiavéliques, perfides ou parfois innocents, qui forment une tragi-comédie humaine haute en couleurs. Le contexte historique nous rappelle les moments les plus sombres de la guerre de Cent ans :  Charles VI, le roi enfermé dans sa folie, horriblement séquestré dans son propre palais, manipulé par la reine et par ses conseillers, Isabeau de Bavière, la Reine obèse dans son fauteuil roulant, reniant son propre fils Charles VII pour servir ses intérêts et sa cupidité, les Grands, ducs de Bourbon, Bourgogne,  Berry s'acharnant à défendre leur pouvoir et leur fortune dans une France rendue exsangue par les guerres, sans pitié pour un peuple agonisant sous les impôts, la famine, les épidémies. Le Moyen-âge français nous est ainsi restitué à travers la vision contemporaine d'un écrivain qui aborde l'Histoire non par des détails extérieurs et superficiels mais par l'essentiel, l'essence de l'Homme.
Un grand roman que j'ai vraiment beaucoup aimé.

La maison royale de Valois


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Charles V Le Sage                   Jeanne de Bourbon
(1338 à 1377)                   (1338 à 1380)
Roi de France                    Reine de France
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Charles VI  Le Fou                     Isabeau de Baviere
Roi de France                             Reine de France
(1368 à 1422)                             (1371-1435)
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Charles VII le Victorieux              Marie d'Anjou
Roi de France                                (1404 1463)
(1403 146)
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Louis XI le Prudent
Roi de France
(1423-1483)

La Maison d'Orléans

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Louis d'Orléans                      +   Valentine Visconti
(frère de Charles VI Le Fol)          (1366 à 1408)
(1372 à 1407)
Charles d'Orléans et Marie de Clèves
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Charles d'Orléans            trois épouses
(1426 à 1486)                   +Isabelle de France
Duc d'Orléans                    +Bonne D'Armagnac
+Marie de Clèves
Louis XII fils de Charles d'Orléans et de Marie de Clèves
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Louis XII
Roi de France

(1483 1515)

Départ en Lozère

Je pars pour quelques jours en  Lozère. A bientôt!

Sylvie Germain : Le Monde sans vous


Dans Le Monde sans vous, Sylvie Germain réunit deux textes à la mémoire de ses parents disparus. Elle ne cherche pas, dit-elle, à édifier un mausolée à la manière de Mallarmé écrivant pour les Grands, écrivains ou artistes disparus. Rien de spectaculaire ici maisdes mots, de simples mots sans prétention, moins pour chercher à bâtir de superbes tombeaux que pour tenter d'ouvrir en grand les tombeaux vides, et de les maintenir tels."
Les Variations sibériennes sont dédiées à sa mère qui vient de mourir. L'écrivain voyage dans le Transsibérien et écrit au rythme de ce paysage qui défile devant elle, dans un mouvement perpétuel :  Sombre et grasse est la terre. Tchernoziom. Noirs et luisants sont les sentiers de boue entrevus en bordure des forêts.  (..) Mais d'un blanc étincelant, marbré d'écorchures noires, défilent les bouleaux." Et cette symphonie de la nature convoque une image inversée de la mère, un peu comme le négatif d'une photographie : Sibérie : un pays où tu n'es jamais allée, ma mère, et qui n'éveillait aucun désir en toi. (...) Tu aimais le midi et ton coeur était couleur de Méditerranée.La voix des grands  poètes se mêlent à la sienne comme une incantation pour célébrer la mère : Ossip Mandelstam, Arseni Tarkovski, Boris Pasternak, Blaise Cendrars...  Ma mère, tu n'étais pas poète, et ta main n'était pas celle d'un merle blanc. Tu étais une vivante et tu étais ma mère. Cela constitue déjà une ample prose, et c'est par voie de prose que je m'adresse à toi.

Variations sibériennes est un texte à savourer par petites gorgées, pour mieux goûter certains passages magnifiques et se laisser gagner par l'émotion. Pour dire la beauté de cette nouvelle prose du transsibérien -après celle de Cendrars- il faut se taire! Lire, revenir en arrière, repartir. Il faut se laisser envahir par ce style poétique, par la beauté des mots et des paysages de ce pays du Nord, du froid, de la vie, de l'infertilité. Terre de l'en-deçà et de l'au-delà de la vie.  Nous vivons avec la voyageuse, l'étendue, la vastitude, la profondeur de cette terre qui dort, de ce pays où le vent est maître de l'espace. Le Transsibérien nous entraîne toujours plus loin là où le train achève sa course : Vladivastok, un nom superbe, signifiant "le Possesseur, le Souverain de l'Est".  Ainsi semblable à  la petite Jéhanne de France en route avec Blaise Cendrars, la mère, la Petite Henriette de France, accompagne sa fille et part vers un lointain bien plus loin même que  la Sibérie : "Tu es, tu vas dans l'absolu du Loin.Tu t'éloignes de ta fin, et c'est un commencement."
Dans le deuxième texte très court Kaléidoscope ou notules en marge du père, Sylvie Germain va tenter de reconstituer l'image fondatrice, celle du père. Mais cette image est mouvante, fragmentée, jamais achevée, belle pourtant. Comme dans un kaléidoscope, elle semble faite de "poussières d'étoiles",  de petits éclats de rien ou de tout glanés de ci de là, dans une fresque de Piero della Francesca, dans "l'or qui tremble au coeur des roses" que cultivaient le père mais aussi le père de son père, dans ce terrain en jachère au-dessus de la basilique de Vézelay,  dans le Saint Christophe d'un peintre ardennais... Kaléidoscope: la beauté d'une image regardée sous l'angle le plus aigu, le plus abscons, sous l'éclairage le plus impondérable : le Père à l'Enfant. Mon père."
Voir aussi le billet de Clara

dailogues-croises-capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1304455409.pngMerci à la librairie Dialogues croisés et aux Editions Albin Michel

Sylvie Germain : Le Monde sans vous Liouba (citation)


Liouba, bébé mammouth de 40000 ans


Dans Le Monde sans vous, Variations sibériennes, Sylvie Germain voyage dans le Transsibérien. Voilà ce qu'elle écrit sur Liouba, un bébé mammouth découvert en Sibérie.
Ne rêve-t-elle pas la science de rendre vie à des espèces animales disparues dont les restes ont été retrouvés  alors que pendant ce ce temps d'autres espèces encore vivantes sont condamnées à s'effacer de la terre, du fait du saccage de leurs territoires ancestraux sans que cette extinction n'émeuve grand monde?
Il y a quelques années, un éleveur de rennes nénètse de la péninsule de Yamal, au nord de la Sibérie, a découvert le corps congelé d'un bébé mammouth. Son excellent état de conservation, qui a permis d'analyser la majeure partie de son code génétique, donne bon espoir à des chercheurs de faire naître un nouveau rejeton mammouth par introduction de séquences de son ADN dans le génome d'un éléphant actuel. Le bébé Liouba deviendrait ainsi, après une sieste de 40 millénaires, la grand mère de petits bâtards laineux dont on pourrait exploiter fructueusement le poil, les défenses d'ivoire, la force énorme, et certainement bien d'autres richesses encore, dont la vente de quelques spécimens à des parcs zoologiques.
C'est joli "Liouba", ça signifie "Amour".


56270471_p1287677965.1303333736.gif Initié par Chiffonnette


Jean-Baptiste Clément : Le temps des cerises


Cette chanson de Jean-Baptiste Clément est dédiée : A la vaillante citoyenne Louise, l'ambulancière de la rue Fontaine-au-Roi, le dimanche 27 mai 1871. 
Jean-Baptiste Clément, partisan de la Commune de Paris, socialiste révolutionnaire, composa cette chanson en 1866. Elle fit publiée en 1867 avec la musique de Renard.  Il la dédia plus tard  à Louise, une courageuse jeune fille de vingt deux ans, venue aider les communards le 28 Mai 1871 alors qu'ils étaient encore en train de lutter sur une barricade de la rue Fontaine-au-Roi bien que Paris fût déjà aux mains des Versaillais.
" Qu'est-elle devenue? A-t-elle été comme tant d'autres fusillée par les Versaillais," s'interroge Clément . N'était-ce pas à cette héroïne obscure que je devais dédier ma chanson la plus populaire?"
Jean Baptiste Clément est aussi l'auteur d'airs aussi connus que : Dansons la Capucine, La Marjolaine ...
Quand nous en serons au temps des cerises,
Et gai rossignol et merle moqueur
Seront tous en fête.
Les belles auront la folie en tête
Et les amoureux du soleil au coeur.
Quand nous en serons au temps des cerises,
Sifflera bien mieux le merle moqueur.
Mais il est bien court, le temps des cerises,
Où l'on s'en va deux cueillir en rêvant
Des pendants d'oreilles.
Cerises d'amour aux robes pareilles
Tombant sous la feuille en gouttes de sang.
Mais il est bien court le temps des cerises,
Pendants de corail qu'on cueille en rêvant.
Quand vous en serez au temps des cerises,
Si vous avez peur des chagrins d'amour
Evitez les belles.
Moi qui ne crains pas les peines cruelles,
Je ne vivrai pas sans souffrir un jour.
Quand vous en serez au temps des cerises,
Vous aurez aussi des chagrins d'amour.
J'aimerai toujours le temps des cerises :
C'est de ce temps-là que je garde au coeur
Une plaie ouverte,
Et dame Fortune, en m'étant offerte,
Ne saurait jamais calmer ma douleur.

Les compagnons Troubadours du dimanche de Bookworm :
Alex : Mot-à-mots Alinea66 : Des Livres… Des Histoires…Anne : Des mots et des notes, Azilis : Azi lis, Cagire : Orion fleur de carotte, Chrys : Le journal de Chrys, Ckankonvaou : Ckankonvaou, Claudialucia : Ma librairie, Daniel : Fattorius, Edelwe :Lectures et farfafouilles, Emmyne : A lire au pays des merveilles, Ferocias : Les peuples du soleil, George : Les livres de George, Hambre : Hambreellie, Herisson08 : Délivrer des livres?, Hilde : Le Livroblog d’Hilde , Katell : Chatperlipopette, L’Ogresse de Paris : L’Ogresse de Paris, L’or des chambres : L’Or des Chambres, La plume et la page : La plume et la page,Lystig : L’Oiseau-Lyre (ou l’Oiseau-Lire), Mango : Liratouva, MyrtilleD : Les trucs de Myrtille, Naolou : Les lectures de Naolou,Oh ! Océane !, Pascale : Mot à mot, Sophie : Les livres de Sophie, Wens : En effeuillant le chrysanthème, Yueyin :Chroniques de lectures Océane :