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vendredi 9 mai 2014

Louise Erdrich : Dans le silence du vent



Ojibwe par sa mère, germano-américaine par son père, Louise Erdrich a grandi sur une réserve indienne du Dakota du Nord. Considérée comme l’un des plus importants écrivains américains contemporains, elle bâtit, livre après livre, une œuvre forte et singulière, couronnée de nombreux prix dont le National Book Critics Award pour Love medecine ou les National Book Award et American booksellers Award pour son nouveau roman Dans le silence du vent (élu un des 10 meilleurs livres de l’année 2012 par l’ensemble de la presse américaine).
Louise Erdrich, pour son roman Dans le silence du vent, a remporté le prix de littérature traduite de la ville de Brignoles et figure dans la dernière sélection du prix des libraires du Québec, catégorie « Romans hors Québec ».

Dans son  roman Dans le silence du vent Louise Eldrich s'attaque à un sujet qui lui tient en coeur et qu'elle porte en elle depuis des années, celui des viols des femmes amérindiennes. Un cri de révolte, un appel aux consciences quand on sait que deux femmes sur trois subissent ces actes brutaux et que ceux-ci demeurent pour la plupart impunis. En effet, dans les réserves, la justice indienne ne peut s'appliquer à un homme blanc, or ce sont en majorité ceux-ci qui se rendent coupables de cette violence faite aux indiennes.
Pour autant Louise Eldrich n'est pas tombée dans le piège du roman polémique et démonstratif qui finit par se réduire à une idée mais elle a écrit un roman sensible bien que sans pathos dont le héros principal n'est pas la femme violée mais un garçon. C'est en effet, d'après le point de vue de Joe, son fils âgé de 13 ans, que le lecteur découvre le viol et ses conséquences sur la mère qui souffre dans son âme et sa chair et se réfugie dans le mutisme mais aussi sur toute la famille, son mari et son enfant et toute la communauté. Ce qui est arrivé à sa mère, Joe le vivra comme une bouleversement total, une sorte de séisme qui va définitivement modifier sa conception de la vie et le projeter dans l'âge adulte; désormais, il y aura un avant et un après le viol. Un roman d'initiation donc, en même temps que psychologique, mais d'une violence absolue car le jeune garçon n'aura de cesse de trouver le coupable pour venger sa mère. Il y a des manières plus humaines, plus douces, de quitter le monde de l'enfance! A côté de cette brutalité extrême, nous verrons aussi agir le racisme au quotidien, moins terrible, peut-être, mais qui sape les bases de la confiance en soi, qui fait mal insidieusement. Ainsi quand Joe va rendre visite à sa mère hospitalisée hors de la réserve, il se heurte aux réflexions de femmes blanches  méprisantes qui ne supportent pas la mixité : Vous les indiens, vous n'avez pas d'hôpital, là-bas? On ne vous en construit pas un neuf? Le roman se double d'une enquête policière, d'abord menée par le père de Joe qui est juge dans cette réserve du Dakota, puis par le jeune garçon qui constate l'impuissance de son père.

J'ai  beaucoup aimé ce roman même si je l'ai trouvé plus classique et donc moins original que La malédiction des colombes un livre polyphonique qui m'avait emballée par la diversité de ses personnages extrêmement typés et attachants, par une conception romanesque très neuve. C'est le premier livre de la trilogie dont Dans le silence du vent est le second.  Il reste mon préféré. Mais le sujet de Dans le silence du Vent est prenant, l'intrigue bien construite, le style efficace et fort, la psychologie des personnages bien analysée. Depuis Février 2013, comme le souligne Louise Eldrich, les lois ont changé et la justice indienne dans les réserves peut désormais s'exercer sur les blancs. On ne peut douter que ce roman, en dénonçant une société raciste et  inégalitaire, une justice à deux vitesses, ait  contribué à servir  la cause des femmes indiennes.


ELLE. Alors, pourquoi une seule voix, celle de Joe, quand tous vos autres livres sont des romans choraux ?
Louise Erdrich. Je voulais aussi raconter, dans « The Round House », comment une vie peut basculer en un instant. C’est pourquoi j’aime le titre français, « Dans le silence du vent ». Ils sont si rares et forts, ces moments de silence, dans les grandes plaines du Dakota ! Quand ça vous tombe dessus, vous êtes seul au monde et toute votre vie défile sous vos yeux. Le roman ne pouvait s’écrire qu’à la lumière d’une telle révélation. Ce moment où le temps s’arrête et où Joe prend conscience du drame qui vient de se jouer. Soudain, il est face à son destin – et le roman peut commencer.

ELLE. Que retenez-vous de ce personnage, maintenant que le livre est derrière vous ?
Louise Erdrich. Ce livre n’est pas derrière moi. Depuis que je l’ai terminé, je suis hantée par la voix de Joe et je pense encore qu’il reviendra dans l’un de mes prochains romans. Après tout, « Dans le silence du vent » est le deuxième volet d’une trilogie sur la violence et la fin de l’innocence. Sur une jeunesse sacrifiée par les crimes des adultes. Cette histoire entamée avec « La Malédiction des colombes » n’est pas encore terminée. Dans le troisième tome, que je suis en train d’écrire, la justice sera bel et bien restaurée.

ELLE. C’est pour transmettre que vous écrivez ?
Louise Erdrich. Il ne faut jamais oublier que le crime originel de ce pays est d’avoir tenté d’effacer les territoires indiens et de nous réduire au silence. Notre histoire est faite d’âpres négociations pour continuer d’exister. Dans le Dakota du Nord, mon grand-père était le chef de la tribu Chippewa de Turtle Mountain, et il a dû user, toute sa vie, de tactiques et de stratégies pour préserver notre réserve et l’aider à trouver sa place dans la culture américaine. Tous mes livres lui rendent hommage, quelque part, car ils luttent contre l’oubli et la perte de notre identité. J’écris pour que les Indiens survivent.

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