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mercredi 10 août 2011

Ya Ding : Le Sorgho Rouge



Le Sorgho rouge de Ya Ding paru en 1987, écrit en langue française par un jeune écrivain chinois intallé en France en 1986 -il avait 31 ans-, est un récit qui prend ses racines dans l'expérience vécue de l'auteur  mais se refuse d'être une autobiographie ou un témoignage. C'est "un roman", affirma l'écrivain  interviewé par Bernard Pivot à l'époque où  le livre fut présenté au prix Goncourt, un choix qui doit permettre aux lecteurs de s'identifier aux personnages et de partager avec eux le quotidien, les coutumes des paysans.
Le héros du roman Liang est un enfant de neuf ans qui arrive avec ses parents et sa petite soeur dans un village rural de la Chine du Nord. Son père, Li, membre du parti qui vénère Mao et croit à la Révolution nécessaire, selon lui, pour apporter le bonheur au peuple, a été nommé préfet. Il est chargé d'éradiquer les vieilles croyances d'une population reculée, peu gagnée à la nouvelle idéologie. Contrairement à la camarade Song qui veut imposer les idées révolutionnaires par la force, le préfet Li cherche à changer les mentalités en sortant les paysans de la misère.  Or dans cette région désertique, le fléau est la sècheresse. Le préfet Li avec l'aide de tout le village creuse des puits pour l'irrigation, construit un canal pour éviter l'inondation pendant la saison des pluies. La récolte s'annonce belle. Mais la Révolution Culturelle est mise en place. Ceux qui détiennent le pouvoir sont alors acccusés : le préfet Li d'avoir voulu embourgeoiser le peuple en l'enrichissant, la mère de Liang, Wang, d'avoir eu un grand-père Général, traître à l'armée de Mao. Les persécutions commencent, accusations dénonciations, auto-critiques publiques. La peur et la honte s'abattent sur la famille.
Le récit qui est captivant épouse le point de vue de l'enfant, trop jeune encore pour tout comprendre mais qui va peu à peu prendre conscience de ce qui se passe autour de lui et devenir adulte.
On peut dire que pour Liang, il y a, par rapport à la Révolution culturelle, un avant et un après.
Un Avant, avec l'installation dans le village, la naissance de son amitié avec Tiang, la découverte des coutumes des anciens, les légendes et les croyances qui animent la vie du village. C'est le temps de l'innocence.  Le petit garçon est plein de certitudes. Il adore son père, il est très fier de lui, fier aussi d'être le fils du préfet. Il croit en la révolution qui assurera le bonheur et la paix, il aime le président Mao qu'il voit comme une image tutélaire chargée de veiller sur ses enfants. Ses chagrins sont ceux d'un garçon de son âge, il ne voit pas assez son père toujours pris par son travail, le directeur de l'école ne l'aime pas, sa petite soeur est la préférée de ses parents. Pourtant déjà des ombres menacent, la camarade Song et son fanatisme, le marchand de melon et sa perversité...
Un Après : pendant la Révolution culturelle, les enfants sont chargés de faire la chasse à tout ce qui est pratique anti-révolutionnaire : signes de richesses ou de frivolités, vêtements hors norme, cheveux longs pour les filles, jouets, anciennes croyances. Liang est le premier à monter sur le clocher de l'église contruite jadis par des missionnaires pour démanteler le Christ en croix, il  poursuit une jeune fille et  lacère son  pantalon trop étroit, il est transformé en petit tortionnaire fanatique comme l'ont été avant eux et de tous temps, les enfants de Savonarole, les enfants nazis, les enfants soldats. C'est la perte de l'innocence. Et puis il y a l'impensable, son père mis au ban de la société, sa mère humiliée  emprisonnée, et tout bascule pour Liang, plus rien ne sera jamais comme avant.
Le roman présente des scènes et des personnages superbes : l'arrivée de l'électricité dans le village, la cérémonie ancienne des Seigneurs du Ciel que l'on brûle chaque année dans la cheminée à l'arrivée du printemps, l'enterrement du grand-père de Tiang, les champs de Sorghos rouges et les puits qui sécroulent avec le départ du préfet Li...