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mardi 3 novembre 2015

Philippe Jaenada : La petite femelle

Résumé de l'éditeur:

Au mois de novembre 1953 débute le procès retentissant de Pauline Dubuisson, accusé d'avoir tué de sang-froid son amant. Mais qui est donc cette beauté ravageuse dont la France entière réclame la tête ? Une arriviste froide et calculatrice? Un monstre de duplicité qui a couché avec les Allemands, a été tondue, avant d'assassiner par jalousie un garçon de bonne famille? Ou n'est-elle, au contraire, qu'une jeune fille libre qui revendique avant l'heure son émancipation et questionne la place des femmes au sein de la société? Personne n'a jamais voulu écouter ce qu'elle avait à dire, elle que les soubresauts de l'Histoire ont pourtant broyée sans pitié. Voir Editions Julliard ICI

Le livre de Philippe Jaenada, La petite femelle,  sur Pauline Dubuisson, cette jeune et belle meurtrière dont le procès a passionné la France en 1953, paraît en même temps que le roman de Jean-Luc Seigle sur le même sujet. Une occasion pour Jaenada de préciser dans un prologue ce qu’il ne veut pas faire : recréer une Pauline par l’imagination, comme on l’a déjà trop fait et dresser d’elle un portrait faux, « plus faux que faux » comme celui de Jean-Luc Seigle. 

Ce qu’il veut?
Pour essayer de ne trahir ni Pauline ni mon projet, il faut que je sois rigoureux et -comme un petit chercheur en blouse blanche (au coeur tendre, allez) qui baisse le nez sur son microscope- soucieux des détails. Où se trouve le diable, paraît-il.

Et en effet, Philippe Jaenada  a étudié au microscope la vie de Pauline, lisant toutes les archives la concernant, tous les articles des journaux, menant une enquête auprès de ceux qui l’ont connue, se rendant dans tous les lieux où elle a habité… Une enquête minutieuse que l'on suit avec intérêt. Une étude rigoureuse qui exclut tout ce qui n’est pas avéré, comme le viol qu’elle aurait subi à la libération après avoir été tondue pour avoir couché avec des allemands, viol dont on n’est pas sûr qu’il a eu lieu.
Une analyse soucieuse des détails, effectivement mais… car il y a un mais! Les petits chercheurs en blouse blanche s’éprennent-ils de leur sujet d’étude, tombent-ils amoureux des petites cellules, des  beaux virus qu’ils observent? L’écrivain lui, le fait, on sent que le personnage le passionne, l’obsède et son étude est avant tout une réhabilitation de Pauline, un cri de révolte contre les mensonges qui l’ont discréditée aux yeux de l’opinion publique et surtout des jurés, une dénonciation de ceux, qui, par parti pris, par étroitesse d'esprit, par bégueulerie, par haine de l'indépendance féminine, médias ou officiers de justice, ont falsifié les dossiers, faisant disparaître les témoignages en sa faveur pour ne retenir que ceux qui aggravent son cas.
Pourtant, l'écrivain est parfois obligé quand il n’y pas d’autres possibilités d’imaginer ce qui a dû se passer, s’il ne trouve pas de preuves. Objectif, Philippe Jaenada? Non! trop « coeur tendre, allez! » rigoureux dans ses recherches mais sincère, passionné; parfois son tempérament prend le dessus et devient une déclaration d’amour à Pauline et une vocifération contre tous ceux qui lui ont fait du mal! Il faut dire que le personnage de Pauline est fascinant non seulement parce que la jeune fille est d'une beauté, d'une distinction bien au-dessus de la moyenne mais aussi d'une intelligence remarquable. Elle fait des études de médecine à une époque ou peu de femmes pouvaient arriver jusque là! Et son père lui donne à lire Nietzsche au biberon, ce qui crée bien des ravages dans sa tête mais en fait quelqu'un de peu banal.

Finalement, Pauline ne sera pas jugée pour son crime -elle a tué son amant qui allait se marier avec une autre -mais pour avoir été, selon la morale de l'époque, une femme de mauvaise vie, dévergondée, trop libre, pensez donc! elle a eu jusqu’à six amants! Jugée aussi pour avoir eu des relations avec des allemands pendant la guerre, alors que son père qui faisait ami-ami avec les nazis, la poussait, elle, petite Lolita de 14 ans, dans leur lit. A noter que le père, important industriel, n’a jamais été inquiété mais sa fille, oui. C’est la thèse que veut démontrer l’auteur. En ce sens son livre est une revendication féministe que j'ai entièrement suivie.
Ce qui m’a le plus bufflée,  c’est le style de l’écrivain avec toutes ses digressions qui abordent toutes sortes de sujets y compris sur sa vie privée… Et que dire de ses apostrophes et ses injures à tous ceux qui se sont laissés égarer par leur haine de Pauline et ceci au détriment de la vérité! Un livre surprenant par certains de ces aspects, plein de fougue, de passion, et incontestablement intéressant.

14 commentaires:

  1. Ah les digressions de Jaenada, tu parles si j'en raffole! Je veux le lire!

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    1. C'est incroyable ce style d'écriture! Il paraît qu'il fait toujours ça! Moi, c'est le premier que je lis de lui.

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  2. J'aime bien cet auteur, mais le sujet ne me passionne pas, et je pense que je ne lirai ni le roman de Jean-Luc Seigle, ni celui-ci...

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    1. Personnellement le sujet m'a intéressé par l'enjeu de ce fait divers tragique qui est, en fait, une réflexion sur la justice et le rôle des médias.

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  3. je suis bluffée par ton billet car quand il s'annonce comme celui qui va démêler le vrai du faux et qu'il condamne donc le livre de Jean-Luc Seigle .. pour au final accoucher des mêmes conclusions !
    Car j'ai adoré le livre de Seigle qui redonne une voix à Pauline, pas celle d'une sal... (comme l'avait appelé le Procureur) mais celle d'une jeune femme perdue. Jamais Seigle ne fait de procès et surtout il ne créé pas de toute pièce Pauline, il laisse toujours au lecteur le soin de pouvoir interpréter ses propos, si je suis claire.

    J'avais envie de lire celui-ci mais ton billet me pousse plutôt à faire le contraire ! et quand tu dis qu'il se base sur des article de journaux .. la presse était terrible à cette époque ! un historien ne se baserait jamais sur ce genre de sources. Bref, "la thèse" qu'il défend est celle reprise aujourd'hui par tous, elle fait l'unanimité et même Seigle donc je ne voix pas ce qu'il apporte de nouveau . oui elle a été jugée pour son comportement (mais aussi pour son crime, victime il y a eu quand même), oui elle a été tondue, oui son père l'a mise aux mains des Allemands .. Pour le viol, chacun son histoire. Mais douter des propos d'une femme....
    Pour la père, Seigle décrit bien la relation étrange entre le père et la fille, le comportement de ce dernier, mais c'est lui qui ira la sortir des griffes du peuple en colère à la libération. Bref, je vais rester sur Seigle qui au final, offre sans doute moins de passion, mais redonne vie et justice à cette jeune femme.

    merci pour ce billet qui m'a fait tant réagir ce matin ;-)

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    1. Attention, je n'ai pas dit qu'il se basait sur des articles de journaux pour connaître les faits.Effectivement ce ne serait pas digne d'un historien. En fait, il analyse tous les textes journalistiques pour montrer combien ils ont été tendacieux, falsificateurs, haineux et comment ils ont exercé une pression sur les jurés. . Et il se tient aux faits avérés pour raconter l'histoire de Pauline ense livrant à une enquête réelle et sérieus,, il cherche des preuves, rejette ce qui n'est pas prouvé. Il affirme qu'il y a beaucoup d'inexactitudes et d'erreurs dans le livre de Seigle; Personnellement, cela me paraît normal et pas répréhensible puisqu'il s'agit d'un roman et un romancier a tous les droits par rapport aux faits.
      Jaenada veut enquêter, être au plus près de la vérité. Ceci dit, c'est vrai que le romancier et l'essayiste ( ou l'enquêteur?) vont dans le même sens. Réhabiliter Pauline non pour la disculper du crime qu'elle a commis, qui est incontestable, mais parce qu'elle a été victime de mensonges, de préjugés et que son enfance particulière a certainement fait d'elle une jeune femme fragile et instable.
      Finalement ce n'est pas la thèse qui diffère mais la manière de l'aborder et la forme prise pour l'écrire. Je n'ai pas lu le roman mais je pense que les deux oeuvres doivent être tous les deux intéressantes.

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  4. J'avais lu une critique dans un magazine et il me tentait beaucoup. Ce qui confirme ton billet...

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    1. Il est très intéressant pour qui s'intéresse au sujet.

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  5. Bon alors il faut lire les deux romans pour se faire vraiment une idée? Tu n'arranges pas notre PAL, Claudia! ;-)

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    1. L'un (celui de Seigle) est un roman, l'autre une enquête... La forme est différente, le romancier peut se permettre plus de libertés mais tous les deux connaissent bien leur sujet et arrive à la même conclusion (voir réponse à Electra)

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  6. J'ai très envie de lire Jaenada, mais je ne pense pas que je commencerai par ce titre-là.

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    1. Je ne connais pas ses autres livres, aussi je ne peux te conseiller. Mais demande à Keisha, qui a l'air de le connaître.

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  7. Je commencerai par celui de Seigle, qui me tente depuis sa sortie :)

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