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dimanche 12 juin 2011

Mary Elizabeth Braddon : Henry Dunbar




Avec Henry Dunbar, Mary Elizabeth Braddon concocte pour ses lecteurs une ténébreuse histoire dont elle seule semble avoir le secret avec un assassin machiavélique, rongé par la peur d'être découvert et en proie au remords,  une jeune héroïne décidée à aller jusqu'au bout pour connaître la vérité et un jeune homme qui parvient à dénouer les noeuds de l'intrigue avec l'aide d'un vrai policier.
Toute cette sombre affaire a son origine dans la faute de jeunesse commise par Henry Dunbar, héritier par son père et son oncle de la grande banque londonienne Dunbar et Baldebery, l'une des plus riches de la Cité. Henry Dunbar demande à son jeune ami Joseph Wilmot, modeste employé à la banque, de lui faire un faux en imitant une signature. La malversation destinée à couvrir les dettes de jeu d'Henry est découverte. Henry est expédié dans une succursale de la banque aux Indes orientales par son père et son oncle et en guise de punition devra apprendre le métier en partant au bas de l'échelle. Joseph Wilmot, lui, est renvoyé sans que Henry, lâche et égoïste, cherche à le défendre. Ce renvoi sera pour Joseph le départ vers une vie ratée et sa haine envers Dunbar ne cessera de croître. Aussi lorsque Henry Dunbar revient des Indes prendre possession de la fortune de son père à la mort de celui-ci, Joseph Wilmot décide d'agir et de se venger. Mais l'on apprend peu après que Wilmot a été sauvagement assassiné alors qu'il se trouvait avec Henry Dunbar.
Autour de ces deux hommes, clefs de l'intrigue, gravitent toute une série de personnages : La fille de Dunbar, Laura  qui n'a jamais vu son père ayant été élevée en Angleterre par son grand père et celle de Wilmot, Margaret. Jeune et belle musicienne qui gagne sa vie en donnant des leçons de piano,Margaret est très dévouée à son père. Elle n'aura de cesse de retrouver son meurtrier. Elle est persuadée que Henry Dunbar est le coupable. La jeune fille est aimée de Clément qui travaille à la banque Dunbar et qui, par amour, sacrifie son ambition et sa carrière prometteuse pour venir en aide à sa fiancée affligée.
Comme dans Le secret de Lady Audley, la romancière nous laisse tout de suite deviner la vérité, sans nous la révéler vraiment.  Aussi l'intérêt du récit n'est pas tant dans le mystère lui-même que dans la façon dont il va être levé et dans les différentes étapes de l'enquête policière qui va nous réserver maintes surprises et péripéties.
Henry Dunbar a de plus  le mérite de nous présenter la société  du XIXème siècle avec ses classes, ses inégalités sociales marquées,  sa conception du mariage basé sur l'argent et considéré comme un moyen de s'élever socialement. Le roman se lit avec plaisir et nous nous intéressons  non seulement à l'intrigue mais aussi aux personnages, en particulier aux jeunes gens, à leurs difficultés, leurs peines mais aussi leurs amours.
* Le challenge Mary-Elizabeth Braddon se termine ce mois-ci. Je l'ai rejoint en route et j'ai lu trois livres tous très agréables de cette auteure anglaise de l'époque victorienne douée d'une imagination débordante; Elle nous prouve  par son talent et son anti-conformisme que certaines femmes comme George Sand en France pouvaient échapper au carcan dans lequel elles étaient emprisonnées.
Henry Dunbar; Le secret de Lady Audley; Sur les traces du Serpent (mon préféré)
Il en est de même du challenge English Classics que Karine clôt avec la nouvelle année. Elle nous promet une récapitulation au mois de Janvier dans Mon coin lecture.

Challenges English classique de Karine et  M. E. Braddon de Lou

Mary Elizabeth Braddon : Le secret de Lady Audley

 


Le secret de Lady Audley est ma deuxième lecture après Sur les traces du serpent de Mary Elizabeth Braddon, écrivain anglais, contemporaine de Dickens et Wilkie Collins .
Dans Sur les traces du serpent Mary Elizabeth Braddon fait preuve d'une imagination débridée et m'avait amusée par son humour, ses personnages décalés et loufoques, son recul sur l'art de l'écrivain. De plus, elle y créait le personnage du détective qui allait connaître une grande vogue dans le roman policier.
Le secret de lady Audley est moins original mais bien mené et écrit d'une plume alerte: Lucy Graham, la très jolie gouvernante de de Mr et Mrs Dawson est une jeune fille simple, intelligente et vive, toujours de bonne humeur mais pauvre. Aussi quand Lord Audley la demande en mariage, elle n'hésite pas et accepte avec ravissement. Certes, elle n'aime pas son époux qui est plus vieux qu'elle et a une fille de son âge, Alicia, mais il est riche! D'autre part, il est en adoration devant elle et la fait vivre dans le luxe. Pourtant, quand Robert Audley, le neveu de son mari, vient leur rendre visite au château accompagné de son ami George Talboys qui rentre d'Australie, lady Audley a un comportement étrange. Elle refuse de les recevoir. George, très déprimé par le décès de sa femme qu'il a appris en rentrant en Angleterre, se conduit lui aussi d'une manière surprenante et insiste pour avoir une entrevue avec la châtelaine. Mais c'est seulement quand George disparaît après l'avoir rencontrée que Robert Audley va commencer à se poser des questions. Avocat de profession qui n'avait jamais exercé sa charge par nonchalance ou paresse, il se lance alors dans une enquête qui lui permettra de découvrir le secret de Lady Audley.
Le personnage de Robert Audley ne manque pas d'intérêt. Ce jeune homme si amorphe qu'il paraît dépourvu d'intelligence et de sentiments aux yeux des autres va sortir de sa léthargie pour sauver son ami. Il se révélera non seulement perspicace, courageux et énergique mais capable d'amitié vraie et découvrira l'amour.
Quant à l'intrigue, l'écrivain nous révèle rapidement qui est George Talboys et ce qui le lie à la jeune femme. Aussi Le secret de Lady Audley ne réside pas dans cette relation mais ailleurs... Le personnage de la jeune femme n'en est pas moins inquiétant même si je trouve sa reddition un peu rapide surtout au moment où elle avait décidé d'une stratégie qui la rendait encore plus machiavélique et qui pouvait aboutir. J'ai eu l'impression que la conclusion était un peu précipitée voire bâclée, ce qui m'a gênée.  Cependant le livre reste agréable à lire et inventif.



                        

Wilkie Collins : Une belle canaille




Les jours se suivent et ne se ressemblent pas! Hier c'était un roman désespérant que je présentais, L'oiseau Bariolé. Aujourd'hui, je passe à un genre plus léger et qui m'a bien amusée!
Le roman Une belle canaille  est paru en 1879 alors qu'il a  été écrit en 1856 dans une période très heureuse de la vie de Wilkie Collins invité alors à Paris par son ami, Charles Dickens. Le ton de ce roman étonnant et même détonant dans la prude Albion de la reine Victoria explique ce retard!
Ce récit gai, insolent, et même iconoclaste, est le reflet de cette insouciance ressentie par Wilkie Collins alors qu'il passait avec Dickens joyeusement ses heures de loisir en compagnie de maints autres amis qui tous avaient à voir avec l'art et la littérature. Tellement désinvolte, d'ailleurs que Collins est très conscient de ce que les pisse-vinaigre (j'espère que vous ne vous reconnaissez pas dans ce termes!)vont en penser!
Francis Softly est un rejeton de bonne famille, petit-fils de lady, et fils de médecin et il a reçu, noblesse oblige, une éducation soignée même si la fortune de son père laisse à désirer. Cependant, s'il écrit pour nous ses confessions, ce n'est pas, surtout pas, dans un but moralisateur mais parce qu'il a eu une vie "hors du commun". Car toutes les turpitudes qu'il nous expose joyeusement, non seulement, il ne s'en repent pas mais encore il s'en vante! Auteur de caricatures qui sont publiées sous un pseudonyme, ne voilà-t-il pas qu'il se laisse aller à caricaturer sa grand mère elle-même et à la représenter en vieille chouette. Et lorsque son père lui enjoint de renoncer à cette activité lucrative, il quitte la maison pour vivre de son art et connaître toutes sortes d'aventures : tour à tour emprisonné pour dettes, faussaire ...  il multiplie les exactions avec une bonne humeur et une drôlerie irrésistible. Et puis, il est amoureux, d'un amour vrai, sincère, et pour les beaux yeux d'Alicia, que ne ferait-il pas? Voilà qui nous le fait juger fort sympathique, ce mauvais garçon! D'ailleurs, le méchant, (car il y a toujours un méchant chez W Collins) ce n'est pas lui! Vous le découvrirez en lisant le livre.
La lecture de ce roman est donc réjouissante d'autant plus que l'humour s'exerce aux dépens d'une société bien pensante, hypocrite et près de ses sous et ceci avec une audace certaine. Jugez plutôt :
A force de tendre ses filets avec beaucoup de dextérité et de patience sous la houlette de ses père et mère ma séduisante soeur Annabella avait réussi à capturer un bon parti en la personne d'un quinquagénaire fané, pingre, au teint bistré, ayant fait fortune aux Antilles.(...) Ce poisson-là avait été très difficile à ferrer et même après qu'Annabella l'eut pris à l'hameçon, mon père et ma mère eurent toutes les peines du monde à le sortir hors de l'eau..
Et voilà pour le mariage, une des institutions les plus sacrées de l'époque victorienne!
Il en est de même pour la Famille considérée comme la valeur la plus noble! Or, notre canaille n'a l'air d'éprouver pour ses parents et sa soeur que de l'indifférence et réciproquement! Le seul qui témoigne un réel intérêt pour sa santé est son beau-frère mais l'on apprend bien vite que c'est parce qu'un héritage est en jeu.
Quant à la leçon de morale que Franck reçoit et respectera toute sa vie -la seule peut-être- elle lui est donnée en prison et à coups de poing par Gentleman Jones, son codétenu :
Il m'a apporté le seul enseignement utile que j'aie jamais reçu; et pour le cas où ceci tomberait sous ses yeux, je le remercie ici d'avoir entrepris et achevé mon éducation en deux soirées et sans qu'il m'en coûtât un sou, à moi ou à ma famille.
Enfin, Francis Softly finira par devenir respectable mais ce n'est que lorsqu'il sera devenu riche; peu importe alors qu'il soit  bagnard et transporté en Australie.
Et Wilkie Collins de conclure avec ce trait d'esprit féroce :
Non, non, mes bons amis! Je ne suis plus intéressant; tout comme vous je suis devenu respectable.



 Voir les billets de Cryssilda et Schlabaya

Mary Elizabeth Braddon : Sur les traces du serpent


Mary Elizabeth Braddon fut un des écrivains les plus célèbres de son époque et si elle a été un peu oubliée par la suite, il semble qu'elle connaisse un renouveau d'intérêt. En témoigne le grand nombre d'articles qui lui est consacré dans le cadre du challenge English classics et qui la place en tête devant de grands auteurs comme Dickens ou Hardy et même Austen!
Pour moi qui ne la connaissais absolument pas alors que je fréquente la littérature victorienne depuis longtemps, j'étais un peu sceptique en ouvrant le premier livre que je lisais d'elle : Sur les traces du serpent. Je savais qu'elle était considérée comme l'inventeur du "sensationnal novel" et je pensais découvrir dans les pages de ce roman toutes sortes de situations rocambolesques plus ou moins crédibles, ce en quoi je n'ai pas été déçue! Par contre, je ne m'attendais pas à la hardiesse du ton, la vivacité du regard qu'elle porte sur la société et l'humour dont elle fait preuve.
Car le moins que l'on puisse dire, c'est que Mary E. Braddon ne manque pas d'imagination, on peut même affirmer à ce propos que c'est un Wilkie Collins multiplié par dix : enfant prodigue qui revient au bercail, assassinat sordide, innocent injustement accusé, méchant le plus noir de la littérature, fille séduite qui se suicide, enfants abandonnés qui découvrent le mystère de leur naissance, femme jalouse prête à tuer son bien aimé infidèle, morts qui ne le sont pas, empoisonnement, incarcération, évasion... Nous allons de surprises en surprises, de rebondissements en rebondissements.
L'écrivain sait utiliser les codes du roman à suspense, du roman noir, du roman policier (comment appeler ce type d'ouvrage car il est tout à la fois!) et en même temps s'en jouer, se moquant bien que son lecteur la suive sur ce terrain ou pas : ainsi Richard Marwood, le beau et malheureux jeune homme qui va être accusé injustement de l'assassinat de son oncle, utilise la lettre qui aurait pu l'innocenter pour allumer sa pipe. De même quand Jabez North, "le serpent", odieux, cruel et ambitieux, va apprendre le secret de sa filiation, l'écrivain ironise sur le fait que comme dans tout bon roman le héros va se découvrir fils de prince; en fait, il est fils de marquis!
Elle est aussi la première, nous dit-on, à inventer le personnage du détective qui s'appuie sur des observations et des faits concrets et se fie à son intuition pour découvrir le vrai coupable. Elle donne, ici, ce rôle à un muet, M. Peters, que tout le monde croit sourd! Très pratique quand on est détective; il suffit de  laisser traîner ses oreilles! Il est secondé par un drôle de petit bonhomme, son fils adoptif, qui a quelque chose du Gavroche de Victor Hugo ou du Pip de Dickens. Car l'écrivain a un don pour mettre en scène et faire vivre des personnages du peuple pris sur le vif. Elle a un art du portrait satirique plein de saveur et elle excelle, par exemple, dans la description des amis de Richard Marwood, la bande des joyeux Cherokees, qui aiment bien la bonne chère et n'hésitent pas à lever le coude un peu plus qu'il ne le faudrait!
Elle épingle aussi au passage les petits et les grands travers de sa société et dénonce avec beaucoup de vigueur, lorsque son héros s'enfonce dans les quartiers pauvres de la ville, la misère totale du peuple face à l'indifférence des nantis.
Un vrai plaisir de découverte!



Jane Austen : Emma

 Participer au challenge English classics me pousse non seulement à découvrir mais à relire des romans que j'avais lus il y a bien longtemps comme Emma de Jane Austen

Emma Woodhouse est une jeune fille riche, intelligente, séduisante qui vit seule avec son père depuis le mariage de sa gouvernante, Melle Taylor. Cette dernière avait remplacé la mère d'Emma, morte quand celle-ci était une enfant. Sa soeur aînée habite à Londres avec son mari et ses enfants. Emma est entourée d'un petit noyau d'amis que son père reçoit volontiers chez lui, de son beau frère M. Knightley, plus âgé qu'elle et qui la critique souvent sans qu'elle s'en laisse remontrer.
Car la grande distraction d'Emma qui se pique d'être une fine analyste des sentiments amoureux est de faire des mariages. Pour l'heure, Emma pense que le pasteur, M. Elton, est amoureux de sa meilleure amie, une jeune fille de dix sept ans, Harriet Smith, enfant naturelle, donc déclassée dans la société. Elle décide de tout mettre en oeuvre pour les amener au mariage. Inutile de dire qu'elle se trompe et que cette erreur ne sera pas la seule!
Emma, en effet, comme toutes les autres héroïnes de Jane Austen, Elizabeth de Pride and Prejudice, Marianne de Sense and sensibility, Catherine de Northanger abbey ... est dans l'erreur. Menée par l'orgueil, par la passion ou par un idéal romantique suranné, et toujours par l'ignorance, l'héroïne de Jane Austen ne peut faire l'économie d'une expérience parfois désagréable pour parvenir à y voir clair dans son coeur comme dirait la Sylvia de Marivaux.
En ce sens, les romans de Jane Austen sont tous des romans d'apprentissage où l'héroïne apprend, souvent à ses dépens, à mieux connaître la société, à être plus lucide sur ceux qui l'entourent et au terme de son histoire à découvrir la sagesse!

user1610.1274353531.jpgCependant, et c'est ce qui ne rend pas Emma très sympathique, c'est toujours au dépens des autres et non d'elle-même que notre héroïne se trompe et elle sort toujours indemne de ses erreurs. Quant elle détourne Harriet du seul homme qui l'aime vraiment, le fermier M. Martin, pour la pousser dans les bras du pasteur Elton qui n'en veut pas, la seule à en souffrir est Harriet! Le fait que cette dernière soit d'une condition inférieure, manque d'intelligence, semblable à une poupée de cire malléable, n'est pas une excuse. Le lecteur a l'impression qu'Emma manipule sa jeune amie comme une marionnette sans âme. Et les remords qu'elle  en éprouve ne la rendent pas plus lucide puisqu'elle est prête à récidiver. Elle se trompera de même à propos de Jane Fairfax et de Frank Churchill. Il lui en faudra plus pour admettre ses erreurs, à croire que l'intelligente Emma a l'esprit brouillé par la bonne opinion qu'elle a d'elle-même, par une certaine vanité et par des préjugés sociaux si fortement ancrés qu'ils l'empêchent de voir l'homme véritable sous l'appartenance sociale, les qualités d'un M. Martin, fermier, et les bassesses d'un M. Elton, pasteur, par exemple.
Jamais, d'ailleurs, Jane Austen n'avait souligné avec autant d'amertume le pouvoir de l'argent et de la hiérarchie sociale qu'elle décrit pourtant dans tous ces romans. Il n'y a pas dans Emma, l'humour piquant, caustique toujours présent qui fait le charme de Pride and prejudice, le regard amusé et attendri qu'elle porte sur la Catherine de Northanger abbey ou la compréhension attentive envers la souffrance de Marianne dans Sense and sensibility. Certes l'ironie austenienne est là. Les portraits des différents personnages tournent à la caricature comme celui de la bavarde et futile Melle Bates, de l'insuportable Mme Elton, épouse du pasteur, infatuée d'elle-même, snob, commère difficilement supportable qui cherche à régir la vie de tous. L'on  pourrait rire aussi de M. Woodhouse, un charmant vieillard, pour qui un mariage est toujours un évènement malheureux car il lui enlève les gens qu'il aime si cela ne soulignait un égoïsme forcené qui le pousse à sacrifier sa fille cadette. Bref! rien ne semble atténuer le pessimisme de l'écrivain dans ce roman.
En effet, quand Jane Austen se décide à remettre de l'ordre dans l'imbroglio sentimental créé par Emma, elle redonne à chacun la place qu'il mérite : la jeune fille bâtarde avec le fermier, le pasteur avec une femme qui a 200 mille livres de rente (une bonne affaire pour Elton mais moins que ce qu'il visait, la fortune colossale d'Emma!), Jane Fairfax modeste- mais éduquée par une famille riche- avec Frank, et Emma elle même avec M. Knightley, entre pairs, bien sûr!
Dans la société de Jane Austen, et dans ses romans, pas de miracle! On ne mélange pas les torchons avec les serviettes!
Quant à l'amour entre Emma et George Knigthley, on peut dire qu'il est bien cérébral et que la passion n'a pas l'air d'être de mise!
Qui a dit que Jane Austen était romantique?

Emma est-il un personnage symptathique ou antipathique?  Les avis sont partagés :
Voir le commentaire de Karine dans mon coin lecture
Voir aussi Wictoria dans Des Livres et des heures 
Lou dans My Lou book

Mary Shelley : Maurice ou le cabanon du pêcheur



Maurice ou le cabanon du pêcheur est un roman que Marie Shelley a écrit pour Laurette, petite fille de ses amis, alors  âgée de 10 ans, lorsque Mary séjournait à Pise en 1820. Le manuscrit, deux petits cahiers, fut retrouvé dans une malle par Cristina Daci, une descendante de Laurette, et authentifié par Claire Tomalin, auteur de la  postface de ce livre publié chez Gallimard en 2001.
Maurice ou le cabanon du pêcheur est l'histoire d'un petit garçon, Henry, enlevé à ses parents par une femme en mal d'enfant. Chez sa nouvelle "mère", Henry qui se prénomme désormais Maurice, est maltraité par le mari de celle-ci et préfère s'enfuir. Il cherche à gagner sa vie en travaillant dans une ferme mais il est trop frêle pour accomplir certains travaux et il se retrouve à la rue. Il est heureusement recueilli par le vieux Barnett,  dont la femme vient de mourir. Maurice accomplit de menus travaux et mène une vie heureuse dans cette cabane située sous une falaise, face à l'océan dont les vagues, au temps des grandes marées, viennent lécher le seuil. Le père d'Henry qui n'a jamais cessé de chercher son petit garçon va retrouver la femme qui le lui a volé, ce qui l'amènera jusqu'à Maurice en qui il reconnaîtra son fils.
Le thème de l'enfance malheureuse, orpheline, abandonnée, volée, est fréquent au XIXème siècle pour ne pas dire banal. Le récit de Mary Shelley est court, écrit dans une langue simple car il s'adresse à une petite fille. Il ne peut être considéré comme une oeuvre majeure mais sa structure est complexe puisqu'il est découpé en trois parties qui présentent chacune le point de vue  d'un personnage différent, chacun apportant des renseignements complémentaires sur les personnages et sur le  récit, un peu comme les pièces manquantes d'un puzzle. La première partie donne la parole à un jeune homme, voisin des Barnett, qui s'adresse à un  voyageur étranger. Dans la seconde partie, Maurice donne l'hospitalité au voyageur et  lui raconte sa vie, du moins ce qu'il en connaît. Enfin, dans la troisième, l'étranger qui n'est autre que le père d'Henry explique à Maurice ce que lui a confié la femme qui a volé son enfant. Tous deux comprennent que Maurice et Henry ne font qu'un!
La postface de Claire Tomalin est aussi longue que le roman. L'auteur nous conte l'histoire du manuscrit retrouvé comme une belle aventure littéraire, elle nous livre le résultat de ses recherches sur Laurette et sa famille. De plus, elle  présente une rapide biographie de Mary Shelley qui donne un éclairage intéressant à Maurice ou le cabanon du pêcheur. Le thème de l'enfant perdu apparaît, en effet, sous un autre jour si l'on sait qu'elle a perdu trois de ses quatre enfants, décédés tous trois pendant qu'elle était en Italie. Son mari, le poète Percy Shelley, lui, s'est vu retirer la garde des siens après le suicide de sa première épouse, Harriett. Mary souffrait d'une profonde dépression et le choix du sujet qui paraît un peu conventionnel au niveau littéraire en devient poignant. 

W. Wilkie Collins : Basil, un roman de la trahison et de la vengeance



   
Basil de Wilkie Collins raconte une histoire qui ne peut avoir lieu qu'à l'époque victorienne, dans ce XIXème siècle austère, qui professe une hypocrisie complète en ce qui concerne la sexualité. Avec tous les interdits qui pèsent sur eux, il n'est pas bon d'être un jeune homme et encore moins une jeune fille dans cette société capable de vous enfermer dans un carcan si rigide qu'il est impossible de s'en libérer.
Basil est un jeune aristocrate sans histoire. Il tient à l'estime de son père, un gentleman fort riche et très fier de ses origines, qui les élève son frère, Edouard, sa soeur, Clara, et lui, dans le sentiment de l'honneur et l'orgueil de sa famille dont les ancêtres remontent au-delà de la Conquête. Si Edouard, l'aîné et l'héritier de la fortune, n'hésite pas à jeter sa gourme en faisant des dettes et en fréquentant les grisettes, Basil, lui, d'un naturel introverti, vit paisiblement entre sa soeur qu'il adore et son père dans la maison familiale. Il veut se consacrer à l'écriture et confie ses écrits à Clara qui est sa confidente et sa première lectrice. C'est peut-être parce qu'il est si ignorant de l'amour qu'il commet une erreur qui va modifier le cours de sa vie à jamais et le conduire au bord de l'abîme.  En effet, lorsqu'il rencontre la jolie Margaret Sherwin, il se jette tête baissée dans le piège que lui tend le père de celle-ci, un marchand de linge, qui a bien compris l'intérêt de sa fille et le sien à ferrer un aussi bon parti! Monsieur Sherwin propose donc le mariage à Basil dans la semaine qui suit sa rencontre avec Margaret et la non-consommation de ce mariage pendant un an. Basil est pris entre deux loyautés : celle due à son père, qui, il le sait, ne supportera pas une mésalliance et celle due à Margaret qu'il vénère et idéalise au plus haut point sans la connaître. cependant, l'amour est le plus fort et le mariage a lieu secrètement. L'année d'attente commence. Comment Basil pourra-t-il avouer à son père ce qu'il a fait? et quel est ce personnage mystérieux,  l'inquiétant Monsieur Mannion, employé de monsieur Sherwin, précepteur de Margaret à ses heures perdues, mais très nettement au-dessus de sa condition par son éducation et son intelligence?
Comme toujours dans les romans de Wilkie Collins, que ce soit dans La dame en blanc, Mari et femme, La robe noire ...  l'intrigue présente un être jeune, fragile et  sans défense (souvent, une femme mais pas obligatoirement ), victime de la société, dans une position de  dépendance financièrement, physique ou morale; celui-ci devient la proie d'un "méchant", un être sans scrupules qui le poursuivra de sa vengeance. Basil n'y échappe pas!
Ce qui rend la lecture du roman passionnante, c'est que nous sommes parti prenante de l'histoire, comme acteurs. Pris comme la victime dans les rets qui se referment sur elle, nous cherchons  les issues et entrevoyons parfois un espoir, une lueur qui s'éteint aussi vite. Si Basil, est ridicule aux yeux de la société  d'avoir accepté les conditions du père de Margaret, il ne l'est pas pour le lecteur tant son caractère probe force le respect. Sa naïveté, sa crédulité puérile, sont à mettre sur le compte d'une éducation mais plus généralement d'un système de valeurs qui étouffe l'individu. La société est  donc toujours très présente dans Collins. Même s'il ne l'attaque pas directement, il montre la marque qu'elle imprime sur les  individus.. On peut  plaindre Basil mais il reste très attachant.
D'autre part, les autres personnages sont d'autant plus forts qu'il sont à la fois bourreaux et victimes. Par leur complexité que le lecteur découvre au fur et à mesure de l'intrigue, ils prennent un relief qui les rend d'autant plus redoutables. Margaret, par exemple, n'est pas la jeune fille insipide qu'elle paraît être. Au fur et mesure que se dévoile son caractère, apparaissent des zones d'ombre, un partage trouble entre peur et désir, soumission et révolte, passion et intérêt. Et bien sûr, tel est le cas de monsieur Mannion qui introduit le thème de la vengeance cher à Wilkie Collins. A partir du moment où nous savons qui il est et quels sont ses mobiles, le personnage du "méchant" atteint une dimension tragique proche de la fatalité et certaines scènes comme la poursuite sur les falaises de Cornouailles sont hallucinantes.
Il faut donc se méfier de l'apparente simplicité de Wilkie Collins. S'il est le maître du suspense, si comme on le dit, il a inventé le "thriller" en littérature, il est aussi maître dans l'art de peindre la psychologie des personnages, de faire faire émerger à la conscience les sentiments intimes, un maître aussi dans la manipulation des lecteurs qu'il tient en haleine jusqu'à la fin.

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Je n'ai pas vu ce film mais j'avoue que j'aimerais bien! Voir les personnages s'incarner ainsi est très plaisant.
Margaret est aussi belle que ce que l'a décrite Wilkie Collins et je ne l'imaginais pas autrement.
Le jeune Basil est  tout mignon et il a l'air aussi pur et naïf que dans le roman. Quant à monsieur Mannion on comprend qu'il puisse exercer une fascination sur sa jeune élève et dominer aisément Basil.

Maintenant la mise en scène de scène de Radha Bharadwaj est-elle à la hauteur du roman? C'est ce que je ne sais pas.
Quelqu'un a-t-il vu le film?

Charlotte Brontë : Le Professeur


Le Professeur ou la xénophobie et l’intolérance de Charlotte Brontë

Il est des livres qu'il vaudrait mieux ne pas lire! Non seulement parce qu'ils sont mauvais mais parce qu'ils détruisent l'image idéalisée d'un écrivain que l'on a  aimée  depuis l'enfance. Tel est le cas du roman de Charlotte Brontë Le Professeur et je comprends qu'il ait été en son temps refusé par l'éditeur. Mais ce qui m'afflige davantage, c'est de découvrir la personnalité de Charlotte Brontë. Quand on aime un écrivain, on aimerait pouvoir aussi estimer l'homme ou la femme qui est derrière.

L'intrigue?
Un jeune homme de noble condition mais pauvre, William Crimsworth, perd l'appui de ses oncles en refusant d'entrer dans l'église car il ne se sent pas la vocation. Il est donc obligé de gagner sa vie pour vivre. Après un essai raté dans l'entreprise de son frère Edouard qui le traite en subalterne et ne cesse de l'humilier, il décide, sur les conseils d'un ami, monsieur Hundsen, de partir en Belgique. Là, il est engagé comme professeur dans un pensionnat de garçons et de jeunes filles. Cependant les intrigues de la charmante directrice, Mademoiselle Zoraïde Reuter, lui fait perdre son double poste. Pourra-t-il retrouver un travail? Pourra-t-il épouser  Frances, la femme qu'il aime?
Charlotte Brontë fait appel pour écrire ce roman à  sa propre expérience d'enseignante en Angleterre et à Bruxelles où elle est allée perfectionner son français.
J'ai été horrifiée par la xénophobie, l'intolérance, le conformisme et l'étroitesse d'esprit qui  forment le fond de ce roman! Voilà la présentation des élèves du pensionnat belge de William Crimsworth qui les juge selon leur nationalité.

Xénophobie et racisme   
Les jeunes filles :
les flamandes : Derrière elles, deux flamandes vulgaires, parmi lesquelles se faisaient remarquer cette difformité physique et morale que l'on rencontre si fréquemment en Belgique et en Hollande, et qui semble prouver que le climat est assez insalubre pour amener la dégénérécence de l'esprit et du corps.
Les françaises : Les deux premières ne sortaient pas du commun des mortels, leur physionomie, leur éducation, leur intelligence, leurs pensées, leurs sentiments, tout en elles était ordinaire; Zéphyrine avait un extérieur et des manières plus distinguées que Suzette et Pélagie; mais c'était au fond une franche coquette parisienne, perfide, mercenaire et sans coeur.
L'espagnole : (mi-belge, mi-espagnole) Je suis étonné  qu'en voyant cette jeune fille quelqu'un ait pu consentir à la recevoir sous son toit.  (...) La partie supérieure de son crâne conique  était large et saillante, et le sommet fuyant et déprimé (..) mais la couardise se lisait quelque part sur son visage..
La russe (mi-russe, mi germaine) Quant au moral une ignorance crasse, une inintelligence complète
 les garçons :
Certes, les deux garçons étaient belges et avaient la figure nationale, où l'infériorité intellectuelle est gravée de manière à ne pouvoir s'y méprendre : mais ce n'en était pas moins des hommes...

sentiment de supériorité britannique
Les anglaises  sont nettement au-dessus des autres jeunes filles du pensionnat :
un visage moins régulier que celui des belges, mais plus intelligent, des manières graves et modestes (...) on distinguait du premier coup d'oeil l'élève du protestantisme de l'enfant nourrie au biberon de l'église romaine et livrée aux mains des jésuites.
  
sentiment de supériorité de la classe sociale
 Mais si les anglaises s'en sortent mieux que les autres, elles ne sont pas exemptes de défaut quand elles sont de condition modeste!
et répulsives (plus d'un aurait appliqué cette dernière épithète aux deux ou trois anglaises solitaires, roides, mal habillés et modestes dont j'ai parlé tout à l'heure)..

Intolérance religieuse
Je ne sais rien des arcanes de la religion et je suis loin d'être intolérant en matière religieuse; mais je soupçonne que cette impudicité précoce si frappante et si générale dans les contrées papistes, prend sa source dans la discipline sinon dans les préceptes de l'église romaine. Ces jeunes filles appartenaient aux classes les plus respectables de la société (...) et cependant la masse avait l'esprit complètement dépravé.



la conception de la femme
Le seul domaine où Charlotte Brontë fasse preuve d'ouverture d'esprit et soit en avance sur la société de son temps c'est lorsqu'elle parle du rôle de la femme et de l'épouse.
Frances, la femme idéale  dans Le professeur est douce mais sans faiblesse. Son mari peut avoir de l'influence sur elle mais sans la dominer. Elle est intelligente, curieuse et aime étudier. Elle est prompte à se révolter devant l'injustice. Elle affirme qu'elle préfèrerait se séparer de son époux s'il se montrait indigne et tyrannique. Enfin, elle veut travailler car elle s'ennuierait à son foyer en attendant son mari. Elle veut être active, entreprenante et préfère contribuer à l'entretien de son foyer.
Il faut dire, cependant, que si Frances est un  femme supérieure c'est que, bien que belge par son père, elle est anglaise par sa mère et protestante, bien sûr! Ouf! On l'a échappé belle!

Charles Dickens : Les grandes espérances


                                


Les grandes espérances est l'oeuvre que je préfère de Charles Dickens. C'est aussi le roman qui me paraît le plus différent - malgré les ressemblances- des deux autres récits sur l'enfance, David Copperfield et Olivier Twist.
Comme David et Olivier, Pip, est un enfant pauvre, orphelin, qui n'a pas d'appui pour faire son chemin dans la vie si ce n'est sa soeur et le mari de celle-ci, un forgeron sans fortune.
Cependant, Les grandes espérances échappe  à la description réaliste d'une enfance vouée au travail dans les usines ou à la déchéance de la rue, car l'auteur introduit dans le récit une dimension fantastique et laisse planer sur toute l'oeuvre un mystère qui ne sera résolu qu'à la fin. D'où cette oeuvre envoûtante dont les personnages inoubliables  demeurent dans l'esprit du lecteur bien longtemps après que le livre  ne soit refermé.
Philip, dit Pip, est tout jeune lorsqu'il fait la connaissance de Miss Havisham, une vieille dame qui l'engage chaque mercredi pour venir la distraire. Introduit dans la demeure par Estelle, la fille adoptive de Miss Havisham, jolie mais fière et dédaigneuse, il découvre un spectacle hallucinant : dans une salle  éclairée par des chandelles, une femme âgée, semblable à un spectre, vêtue d'une robe de mariée, semble présider à un festin étrange. Sur la table couverte de poussière et de toiles d'araignées, trônent, en effet, un gâteau de noces et les restes en décomposition d'un repas interrompu depuis très longtemps, jamais terminé. Qui est cette mariée figée dans le passé, dans cette maison où le jour ne pénètre jamais et où toutes les horloges sont arrêtées à la même heure?
Auparavant, le jeune garçon avait vécu une autre aventure étrange. Dans les marais qui entourent la maison où il vit avec sa famille, il aide un bagnard à s'échapper en lui apportant  de la nourriture et une lime pour se débarrasser de ses fers. Un Jean Valjean? On pense au roman de Victor Hugo, Les Misérables. Qui est ce personnage étrange qui va se fondre dans le brouillard pour ne réapparaître que longtemps après?
Pip  devient donc apprenti dans la forge de son oncle jusqu'au jour où un homme de loi lui apprend qu'un mystérieux donnateur lui a légué sa fortune, qu'il pourra en disposer à sa majorité et que ses études et son entretien seront assurés d'ici là. Il devient donc un jeune homme "aux grandes espérances" et pourra échapper à sa condition pour s'élever dans la société. Mais qui est ce bienfaiteur?
Le roman présente un personnage attachant, Pip, malgré toutes ses faiblesses qui le poussent à avoir honte de sa famille et de son milieu social. Charles Dickens brosse aussi avec beaucoup de talent et d'humour une galerie de portraits de gens du peuple très bien observés et criants de vérité.
Avec Les grandes espérances, tout à la fois roman d'inititiation traditionnel dans la lignée de Balzac et roman qui s'éloigne du réalisme, Charles Dickens crée une oeuvre tout à fait originale dont le personnage devenue mythique de la vieille Miss Havisham est entré dans la littérature.



Antony Trollope :




Antony Trollope est un auteur de l'époque victorienne (1815-1882), auteur de deux séries qui l'ont rendu célèbre, l'une s'articulant autour de Londres : Les Palliser Novels dont Plantagenet Palliser, homme politique, est le personnage fictif et Barchester Novels qui se passe dans le comté imaginaire de Barchester.
Miss Mackenzie ne paraît appartenir ni à l'un ni à l'autre même si le nom de Pallister apparaît brièvement et de façon allusive.
Margaret Mackenzie est une vieille fille avec ce que cela comporte de dépréciatif dans une société où le statut de la femme ne se définit que par son rôle d'épouse ou de mère. Elle a servi de garde malade à son père et à son frère, héritier d'une grosse fortune, moins considérée qu'une domestique puisqu'elle n'a même pas le droit d'intervenir dans les affaires du ménage. Elle ne connaît donc rien du monde,  n'est jamais sortie, est restée très seule. Aussi quand à la mort de son frère, elle hérite de sa fortune, elle est bien décidée à faire quelque chose de sa vie. Elle part à Littlebath, une ville d'eau provinciale, décidée à se faire des amis et à vivre agréablement dans le respect de la religion bien sûr! Et d'abord se marier! Mais si possible par amour! A 35 ans et bien que la société réprouve ce souhait, elle a bien envie d'être aimée. Oui, mais voilà, si elle ne manque pas de soupirants et de demandes en mariage, Miss Mackenzie, naïve mais intelligente, sait bien qu'ils ne soupirent que pour "les beaux yeux" de sa cassette.
Loin de nous conter une bleuette, Antony Trollope brosse ici une satire de la société qui ne manque pas d'audace : pouvoir tout puissant de l'argent, calculs, malhonnêteté, tromperies, égoïsme, mépris et rejet des plus humbles et surtout des femmes, snobisme, hypocrisie religieuse et sociale, obéissance à un conformisme mesquin...
De plus, il se livre à une  analyse psychologique  tout en finesse de ses différents personnages, en particulier de Margaret, de sa naïveté, son manque de confiance, son sentiment de dévalorisation liée à son éducation, sa soumission et son conformisme aussi, en particulier, religieux que son intelligence et son sens de la justice parviennent à secouer dans de beaux élans de révolte, sa générosité qui va à l'encontre des milieux qu'elle fréquente.
Deux scènes, excellentes, se répondent dans le roman, l'une dans la première partie de l'ouvrage à Littlebath, au cours d'un thé chez Miss Todd où Miss Mackenzie a été invitée, l'autre dans une vente de charité à Londres où se côtoient les Grands de ce monde, bourgeois bien en place et nobles. C'est avec un humour élégant mais féroce que Trollope brosse ces deux grands tableaux qui sont des morceaux de bravoure.
A vous de les découvrir!

James Matthew Barrie : Le Petit oiseau blanc




Le petit oiseau blanc de James Matthew Barrie est un roman qui, au-delà de de la féérie et de la fantaisie propres à Barrie, est imprégné d'une mélancolie douloureuse par ce qu'il nous laisse entrevoir des sentiments et de la personnalité de l'auteur. J'ai été très sensible au climat particulier de cette oeuvre  qui semble devoir être lue à plusieurs degrés. Il m'est apparu qu'une simple lecture ne suffisait pas et qu'il fallait toujours essayer de lire autre chose que ce qui était écrit.. un peu comme si les mots imprimés en recouvraient d'autres. En particulier l'étrange humour de Barrie qui dit toujours le contraire de ce qui est écrit.
Ce livre a d'abord été célèbre par les chapitres qui sont consacrés à l'histoire de Peter Pan dans les jardins de Kensington dont JM Barrie tirera une pièce de théâtre qui le rendra célèbre. Nous savons tous, en effet, que Peter Pan est ce petit garçon qui a cessé de grandir et est parti vivre avec les fées, dans un pays où les enfants ne vieillissent pas. Peter Pan est donc le frère d'Alice au pays des Merveilles. Mais alors qu'Alice échappe à Wonderland pour retrouver le réel, sortir de l'enfance, devenir femme, donc accepter la vie, Peter Pan reste à jamais prisonnier de ce monde féerique, à jamais petit garçon avec tout ce que cela représente de renoncement et de souffrances. Si bien que lorsque l'on débarrasse Peter Pan des oripeaux dont la nunucherie Waltdysnéenne l'a affublé, l'on s'aperçoit que son histoire n'est peut-être bien qu'une métaphore de la mort. Et il faut lire pour s'en persuader une scène très belle mais terriblement triste où Peter Pan essaie de revenir près de sa mère après l'avoir quittée. Dans le livre, en effet, nous apprenons que les enfants, avant de naître, sont de petits oiseaux qui conservent quelque temps le pouvoir de voler après être devenus humains; c'est pourquoi, il ne faut pas les laisser échapper en laissant les fenêtres ouvertes. Or Peter Pan s'est envolé lorsqu'il était encore un tout petit bébé, il est revenu déjà une fois chez sa mère mais est reparti pour profiter encore un peu du pays des fées; cependant, il toujours su qu'il rentrerait un jour chez lui :
 Il était si désireux de se nicher dans ses bras que, cette fois-ci, il vola tout droit jusqu'à la fenêtre qui était toujours ouverte pour lui.
Mais la fenêtre était fermée et il y avait des barreaux et, à travers eux, il vit sa mère qui dormait paisiblement, les bras enlacés autour d'un autre petit garçon.
Peter cria : "Mère! Mère!". Mais elle n'entendit pas. En vain, il frappa avec ses petits bras contre les barreaux en fer. Il dut retourner en pleurant aux jardins et il ne revit plus jamais son adorée... Ah! Peter! nous qui avons commis de grandes erreurs, comme nous agirions différemment si nous avions une seconde chance! Mais Salomon avait raison : il n'y a pas de seconde chance, pas de seconde chance pour la plupart d'entre nous. Quand nous atteignons la fenêtre, l'Heure de la Fermeture a sonné. Les barreaux de fer sont mis pour la vie.
 Une philosophie bien pessimiste pour ce maître de la fantaisie et de la féerie, cet homme dont on nous dit qu'il a toujours gardé son âme d'enfant, qui a été le compagnon de jeux, le pourvoyeur de rêves des cinq garçons de Sylvia Lleweling Davies, une jeune femme à qui il a voué un amour platonique et dont il a adopté les fils,  après sa mort... Mais être un éternel enfant est douloureux. Barrie qui, comme son personnage, n'a pas pu grandir ni physiquement, ni mentalement, ni socialement, l'a payé de l'échec de sa vie d'homme : le divorce d'avec sa femme, Mary Ansell, l'impossibilité d'être père. Il porte toujours le deuil de son frère David disparu à l'âge de treize ans, le fils préféré de sa mère, dont il est devenu l'ombre, empruntant même ses vêtements, pour essayer mais en vain de le remplacer auprès d'elle.
De là naît ce roman en marge du réel qui en dehors des passages qui font vivre Peter Pan, relate l'histoire d'un homme vieillissant, le capitaine W., amoureux de Mary, une jeune femme qu'il n'approchera jamais. Le fils de Mary, David, qui l'appelle "père", est l'enfant que Barrie n'aura jamais. Cependant, en enfantant Le Petit oiseau blanc, par la création littéraire, l'écrivain accède lui aussi à la paternité.
Transposition évidente de sa propre vie. Barrie prend pour modèle Georges Llewling Davies, le fils de Sylvia, et lui donne le nom de son frère, David. Les promenades dans le jardin de Kensington avec David nous introduisent dans un pays imaginaire qui accueille ceux qui refusent de grandir, ceux qui préfèrent le rêve à la réalité. C'est pourquoi alors même que le monde de Barrie est extrêmement séduisant, il est en même temps effrayant. Attrait-répulsion. Comment choisir entre l'enfance et l'âge adulte? Abandonner l'un, c'est obligatoirement se priver de l'autre, d'où le désenchantement, la nostalgie qui sourdent toujours sous la prose de Barrie. C'est ce que ressent David lorsque le capitaine W. l'amène, en imagination, six ans en arrière, dans la machine à remonter le temps :
En quelques bribes, je décrivis à David ce qui existait à cette époque.
"Cela ne va pas me rendre plus petit, n'est-ce pas?" demanda-t-il, avec anxiété. Et soudain, un terrible doute s'insinua en lui : "cela ne me rendra pas trop petit, n'est-ce pas, père?"...



Jane Austen : Northanger Abbey et Bath (2)

Pulteney Bridge

Dans Northanger Abbey de Jane Austen, la jeune Catherine se rend à Bath avec ses amis, les Allen, venus prendre les bains. voir texte 1
Lors de ma visite à Bath, me voici donc partie comme bien d'autres admiratrices de Jane Austen sur les traces de son héroïne. La ville entretient une sorte de culte envers l'écrivain à qui est dédié un musée.
Dans le roman, dès son arrivée, Catherine was all eager delight quand elle passe en voiture dans les rues qui la conduisent à son hôtel situé dans Pulteney Street.

Le pont de Pulteney sur la rivière Avon mène dans la rue du même nom où vont s'installer Mr Allen, son épouse et Catherine pendant leur séjour à Bath
Arrive enfin le soir très attendu où Catherine va être introduite dans le monde par Mrs Allen. Celle-ci  l'amène au bal dans the Upper room ou Assembly Rooms qui offre tous les divertissements jugés indispensables aux curistes oisifs : la salle de bal, le salon de thé et la salle de jeu.


Hall d'entrée de Assembly Rooms
 
La première expérience de Catherine dans la salle de bal est tout sauf idyllique. La foule y est si dense que les deux femmes sont obligées de se frayer un chemin comme elles le peuvent, bousculées, écrasées, n'apercevant des danseurs que les plumes des chapeaux de ces dames. De plus, Catherine ne trouve pas de cavalier et ne peut pas danser.

The Ball room


Au salon de thé où elles ne connaissent personne, elles se sentent bien seules et très gênées. Leurs voisins de table ne leur adressent pas la parole si ce n'est l'un d'entre eux qui condescend à leur offrir du thé. Ce n'est que quelques jours après que la jeune fille sera présentée à Henry Tilney.

The Tea room


Un autre lieu rassemble la bonne société, c'est The Pump Room que l'on fréquente dans la journée pour se montrer, étrenner ses belles toilettes, retrouver des connaissances. De cette salle, l'on pouvait alors accéder aux Bains par un escalier.  De nos jours The Pump Room est un restaurant où j'ai eu le plaisir de déjeuner et un salon de thé qui a conservé le lustre des années passées.

The Pump Room

On apprend dans le roman que Mr Allen was ordered to Bath for the benefit of a gouty constitution. Les curistes se baignaient alors dans le bassin ci-dessous.




 Les thermes de Bath

Jane Austen : Northanger Abbey (1)

Bath: Bain romain

Northanger Abbey ou l'anti-romantisme

On ne peut pas visiter Bath sans relire Northanger Abbey de Jane Austen. C'est donc ce que j'ai fait et en anglais, qui plus est! Jugez de l'exploit...enfin pour moi!
Northanger Abbey est l'histoire de Catherine Morland, dix sept ans, fille de pasteur, jamais sortie de sa campagne natale, que des amis, monsieur et madame Allen, amènent à Bath. Pour la jeune fille naïve et ignorante, Bath est la ville des Merveilles.  Les bals, le théâtre, les salons de thé, les rues bondées qui offrent la richesse de leurs beaux magasins, une société aisée et brillante, tout éblouit la jeune campagnarde. Et puis il y a les rencontres, celle de l'adorable Isabella Thorpe qui aime tant sa "sweetest Catherine" et de son frère John, lourdaud et importun. Il y a aussi le beau Henry Tilney qui fait battre son coeur et Eleonor, sa soeur, réservée et discrète. Et enfin, pour couronner le tout, l'invitation miraculeuse du Général Tilney, père de Henry et d'Eleonor,  dans son domaine de Northanger Abbey. C'en est trop pour Catherine! Voilà qui lui fait tourner la tête. Une abbaye! Un vieil édifice mystérieux, rempli de secrets, de portes dérobées, de squelettes cachés, comme dans les romans d'Ann Radcliffe, par exemple, qu'elle dévore avec avidité. Quelle aventure! Mais ce qu'elle va vivre dans ce lieu la délivrera de ses rêveries gothiques et lui ôtera ses illusions romantiques!
Quand on lit Jane Austen, c'est d'abord l'humour que l'on retient car l'on s'amuse beaucoup à la lecture de ce roman, on en savoure l'ironie toute en nuances, les traits d'esprit, les portraits subtilement acides qui révèlent par un détail le ridicule ou les faiblesses d'un personnage.
Northanger Abbey est d'abord un pastiche du roman gothique et Jane Austen feint d'adopter les codes du genre pour mieux en démontrer les excès. Lorsque Catherine, dans la solitude de sa chambre, au milieu de la nuit, dans la sombre abbaye battue par la tempête, découvre, comme le lui avait prédit malicieusement Henry Tilney, un  mystérieux manuscrit, ce n'est que pour mieux s'apercevoir qu'il s'agit d'une facture de blanchisserie! De même que le jeune homme, Jane Austen rit de son héroïne et de sa vive et fertile imagination, tout en nous faisant partager la tendresse qu'elle éprouve pour elle. Ce personnage, en effet, est profondément attachant malgré ses défauts ou peut-être aussi à cause d'eux.
Car Northanger Abbey est aussi un roman d'apprentissage :  naïve, inculte, ignorante, romantique, d'une sensibilité extrême, la jeune fille a une vision simpliste de la vie. Sa franchise, sa droiture, le respect de la parole donnée, son incapacité à mentir, l'empêchent de percevoir chez les autres ce qui ressemble à de la duplicité. Et c'est pourquoi elle tombera de bien haut en découvrant le monde tel qu'il est et nul doute qu'elle aura appris beaucoup lors de cette visite à Bath! Sa vision du monde en sera radicalement transformée.
En effet, sous des dehors d'apparente légèreté, les romans de Jane Austen sont souvent très pessimistes quant à la nature humaine et la société.
Les personnages de Jane Austen sont complexes. Derrière un extérieur gracieux et plaisant, se cachent parfois les plus sordides motivations. Les paroles élégantes et policées sont souvent en désaccord avec les actes. C'est toujours avec étonnement que la sincère Catherine constate que celui qui parle pense le contraire de ce qu'il  dit.  Elle l'apprend à ses dépens lorsque sa chère et jolie Isabella, malgré l'amour qu'elle affiche pour James, le frère de Catherine, trahit son engagement pour courir après la fortune du frère aîné de Henry. Elle le découvre avec le Général Tilney, si charmant en public, qui se révèle un véritable tyran domestique exigeant et autoritaire envers ses propres enfants.
Quant à la loi qui régit cette société  hypocrite, elle peut se résumer en un mot : l'argent qui détermine la position sociale; le respect se mesure à l'aune de la fortune que l'on possède. Aussi  la première préoccupation des uns et des autres dans cette ville où l'on fait beaucoup de rencontres, est de s'enquérir des biens de ses nouvelles connaissances.  Là encore, Catherine  en fait les frais. Très courtoisement reçue par Le Général tant qu'il la croit riche, elle est chassée ignominieusement quand il la sait sans le sou.
Cette expérience bien amère la prive de sa joie de vivre et pourrait lui donner définitivement une opinion négative de l'humanité. Heureusement, la bonté et l'amour de sa famille et  de ses vrais amis la réconfortent. Il ya donc des gens capables de sentiments vrais.  Et puis, Henry  vient la rejoindre et la demande en mariage, bravant l'interdiction de son père. Tout est bien qui finit bien, donc? Oui, mais que l'on ne me parle pas du romantisme de Jane Austen si l'on sait que Henry ne s'est intéressé à Catherine que par gratitude :
I must confess that thus affection originated in nothing than gratitude; or, in another words, that a persuasion of her partiality for him had been cause of giving her a serious thought.
et qu'il se sent lié à Catherine autant par sens de l'honneur que par amour. Voilà des sentiments sincères mais très (trop) raisonnables! Anti-gothique, anti-romantique, Jane Austen affiche ainsi son refus :
It is a new circumstance in romance, I acknowledge, and dreadfully dérogatory of an heroine's dignity; but if it be as new in common life, the credit of a wild imagination will at least be all my own.
Enfin, Jane Austen n'oublie pas de nous faire rire en décochant un dernier trait acéré au Général Tilney
I leave it to be settled by whomsoever it may concern, wether the tendency of this work be altogether to recommend parental tyranny or reward filial disobedience.


Voir Northanger Abbey et la ville de Bath (2)

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Walter Scott : Rob Roy



Walter Scott  qui est né à Edimbourg en 1771 fut non seulement le plus grand écrivain de l'Ecosse mais eut aussi une place considérable dans la littérature romantique par l'énorme retentissement de son oeuvre qui mit à la mode le roman historique en Europe.
De plus, par son engagement en faveur des coutumes, de la culture et de la langue écossaise  il est considéré comme  un héros national. C'est lui qui rétablit le port du tartan et du kilt  qui avait été interdit en 1746 après la défaite des écossais jacobites, partisans de Bonnie Prince Charlie (Stuart), à  la bataille de Culloden contre les anglais. En effet, lors d'une cérémonie officielle dont il est l'ordonnateur, il demanda non seulement aux notables mais aussi au roi d'Angleterre de revêtir le costume traditionnel de l'Ecosse, coutume qui est toujours en vigueur dans la famille royale de nos jours. Un monument à sa gloire se dresse au pied du château médiéval dans la Ville Neuve.


Rob Roy

 Monument à Walter Scott  Edimbourg


Son roman Rob Roy s'appuie sur un personnage historique Rob Roy, du clan Des Mc Gregor dont le nom avait été aboli par un décret en 1617. En dépit de cet interdit les Mc Gregor continuèrent sous des noms d'emprunt à former un clan. Rob Roy est un de leurs descendants. Eleveur de bestiaux, il devint insolvable en 1712 à cause de la mauvais foi d'un associé.
C'est alors que commença la vie de brigand et de proscrit, protégé par ses amis, alliés, parents. Jacobite, il menait la vie dure à ceux qui soutenaient le gouvernement anglais, distribuant généreusement ses prises à ceux qui en avaient besoin. On a souvent dit qu'il était le Robin des Bois de l'Ecosse.
Le récit commence pourtant à Londres avec un personnage fictif, Francis Osbaldistone, jeune homme épris de poésie, qui est banni par son père après avoir refusé de prendre ses responsabilités dans la maison de commerce familiale. Il est envoyé dans le Northumberland, à la frontière de l'Ecosse chez son oncle. Là, dans le manoir de la famille, il fera connaissance de la belle, intelligente et mystérieuse Diana et du perfide Rasleigh, son cousin. Les machinations de Rasleigh qui menace l'entreprise paternelle et son honneur amèneront Francis Osbaldistone en Ecosse, au coeurs des Highlands, à la recherche de Rob Roy, le seul qui puisse lui venir en aide.
L'histoire est romantique à souhait et l'on prend bien vite le parti du jeune et fougueux Osbaldistone même s'il a la tête près du bonnet et ne réfléchit pas toujours avant d'agir. Pourtant le récit traîne un peu en longueur et il m'a fallu attendre plus de 200 pages avant de franchir la frontière et plus de 300 avant de pénétrer dans le domaine de Rob Roy, territoire ingrat et montagneux situé entre les trois lacs Lomond, Ard et Katrine, et qu'on nommait vulgairement le pays de Rob-Roy ou de Mc Gregor.
Ce que j'ai aimé dans le roman, c'est toute cette partie sur L'Ecosse, la description de ces paysages sauvages et beaux, de ces villages misérables, de cette population réduite à la famine, hostile et farouche, de ces hommes toujours prêts à manier la dague, de ces guerriers qui ne trouvent leur subsistance que dans les raids et la rapine.
A gauche, à travers une vallée, serpentait le Forth, dont une guirlande de bois taillis dessinait le cours vers l'orient, autour d'une charmante colline entièrement isolée. A droite, au milieu d'une quantité de rocs nus, d'épais halliers et de monticules, s'étendait un vaste lac; le souffle d'une brise matinale y soulevait par places de courtes vagues, où pointaient en reflets étincelants des facettes de lumière....
La connaissance de l'Ecosse, des mentalités de l'époque avec la solidarité des clans, le sens de l'honneur bien particulier des Highlanders, les dissensions religieuses, la description des coutumes et des vêtements donnent au roman un intérêt non seulement historique mais ethnologique.
Les nouveaux-venus portaient la plupart des pistolets à la ceinture, et presque tous des dagues (dirk) suspendues à la gibecière (sporran) qu'ils ramenaient par devant. Chacun d'eux était muni d'un bon fusil, d'une claymore, et d'un solide bouclier rond, ou targe, en bois léger, doublé de peau et artistiquement plaqué de cuivre, avec une pointe de fer au centre...


Robert Louis Stevenson et Dr Jekyl et Mr Hyde

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 la maison de William Brodie
The Deacon's house

C'est au moment de la pause-repas, au cours de mon voyage en Ecosse, que j'ai découvert The deacon's House Cafe, dans la Vieille Ville d'Edimbourg, installé dans les vestiges de l'ancienne maison des Brodie, plus exactement dans ce qui a dû être l'atelier de cette famille.

Francis Brodie, ébéniste réputé, était chef (deacon) de la guilde des ébénistes et menuisiers. Il fut aussi conseiller munipal, charge qu'il transmit en mourant à son fils William né en 1741.
Deacon William Brodie était connu dans la ville comme artisan et conseiller municipal et respecté en tant que tel. Il semblait mener une vie irréprochable (tout au moins le jour!) mais il profitait de ses fonctions pour fabriquer de fausses clés pendant qu'il travaillait chez ses clients. La nuit, il se transformait en voleur, s'introduisant dans les maisons pour en dérober les richesses qui lui permettaient d'entretenir deux maîtresses, de nombreux enfants et de s'adonner au jeu. Il fut arrêté, jugé et pendu en 1788 sur le gibet qu'il avait lui-même fabriqué et dont il se vantait qu'il était le plus efficace..
Mais ce qui n'était qu'un fait divers est devenu grâce à Robert Louis Stevenson une oeuvre littéraire et plus encore, un mythe sur le Bien et le Mal qui se partagent l'âme humaine ..

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William Brodie a, en effet, inspiré deux livres à  l'écrivain : en  1876 il écrit une pièce en collaboration avec William Henley : la double vie de William Brodie et en 1878 :  L'étrange cas de Dr Jekkill et Mr Hyde.

Voir des extraits de la pièce de Stevenson ici 


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L'entrée du café : atelier de William Brodie



Philippe Jaccotet : Une référence au poème de William Blake

William Blake

William Blake ( 1757- 1827) était aussi doué pour le dessin que pour la poésie; Il a été peintre et graveur et reconnu comme un grand poète britannique.

*Tyger! Tyger! burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Dare frame thy fearful symmetry?
In what distant deeps or skies
Burnt the fire of thine eyes?
On what wings dare he aspire?
What the hand dare seize the fire?
And what shoulder, and what art,
Could twist the sinews of thy heart?
And when thy heart began to beat,
What dread hand? And what dread feet?
What the hammer? What the chain?
In what furnace was thy brain?
What the anvil? What dread grasp
Dare its deadly terrors clasp?
When the stars threw down their spears,
And water'd heaven with their tears,
Did he smile his work to see?
Did he who made the Lamb make thee?
Tyger! Tyger! burning bright
In the forests of the night,
What immortal hand or eye
Dare frame thy fearful symmetry?


La lampe apprivoisée et le tigre bondissant

 Ainsi de cette fin du jour où, au-dessus de la maison dont s'allume la première lampe, flamboie en même temps un grand nuage empourpré.
Voici les mots qui me sont venus alors à l'esprit, comme un titre : "la lampe apprivoisée et le tigre bondissant". Problablement un souvenir du poème de Blake : "Tiger! Tyger! burning bright/ In the forest of the night"*; et la rencontre de la lumière domestiquée avec celle, sauvage, d'une sorte d'incendie. Ce furent encore, un instant superposées, les images de deux façons de vivre; puisque vivre, si prudent qu'on se veuille, c'est brûler.
 
Phillippe jaccotet :  Après beaucoup d'années, une couronne
 film d'animation de Guilherme Marcondes

Lire le poème de Blake dans le beau blog de mathématiques de Guy Marion qui nous renvoie au film d'animation du brésilien Guilherme Marcondes inspiré par ces vers.
 ou  Art et maths voir 11 Avril 2008