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jeudi 31 août 2017

Anne-Cathrine Riebnitzsky : Les guerres de Lisa


De retour de mission en Afghanistan pour l’armée danoise, dans l’avion qui la ramène au Danemark, Lisa se retrouve aux côtés d’Andreas, médecin, à qui elle décide de raconter l’histoire de sa vie. Une histoire familiale lourde à ­porter : une mère manipulatrice et dépressive, un père violent, la tentative de suicide de sa jeune sœur… Mais aussi l’histoire de quatre frères et sœurs liés par un même combat : survivre — à la guerre comme dans la vie.
Lisa dévoile de terribles secrets, comme les cir­constances exactes de la mort accidentelle du père, et les conséquences tragiques d’une mission para­chutiste en ­Russie à laquelle son petit frère Peter a participé. (Quatrième de couverture)

 Si le livre Les guerres de Lisa de Anna-Cathrine Riebnitzsky aux éditions Gaïa commence en Afghanistan où Lisa et son frère Ivan, tous deux soldats comme le fut l’auteure elle-même, mènent leur guerre, le roman nous ramène bien vite au Danemark au chevet de la petite soeur Marie, musicienne, qui vient de faire une tentative de suicide. Et l’on s’aperçoit que la guerre ne cesse pas mais se déplace de l’extérieur vers l’intérieur, au sein de la cellule familiale où la fratrie, deux frères, deux soeurs dont Lisa est l’aînée, est unie dans la lutte pour la survie qui les a opposés à leurs parents et dont ils porteront toujours les marques. Le roman alterne, en effet, les retours dans le passé et les moments présents.
La mère admirée mais malade, suicidaire, dont on découvre comment elle joue avec l’affection de ses enfants disant à chacun d’eux qu’il est le préféré ; le père violent et brutal qui attise la haine de ses enfants. Haine qui unit aussi les époux qui ne se sont jamais aimés, jamais entendus. Oui, la guerre est à l’intérieur. C’est ce qu’exprime Marie, la jeune soeur artiste, plus fragile que ses aînés : « Elle dit que les munitions, dans cette maison, ce sont les gifles et les mots. »
L’auteure dont il semble que le récit soit en partie autobiographique crée une atmosphère pesante autour de cette famille sur laquelle pèse, même après la mort du père, des non-dits, ce que l’on soupçonne sans jamais le formuler. Une version des Atrides au Danemark qui permet de comprendre pourquoi deux des enfants Lisa et Ivan se réalisent dans les combats de l'armée danoise qui mettent leur vie en danger, vie que les poussées d’adrénaline rendent précieuse tandis que le second frère Peter est sur un fauteuil roulant. On y voit aussi comment les névroses se forment d’une génération à l’autre, de la grand-mère de Lisa à sa mère qui dès l’âge de huit ans avait la conviction: « que la seule façon de rendre sa mère heureuse était de mourir. »  L’écrivain arrive à rendre la complexité des rapports humains mais j’ai trouvé que les enfants étaient singulièrement tendres entre eux contrairement à ce que leur enfance à la dure laissait attendre !

Si l’enfance malheureuse et ses séquelles est un thème largement exploité dans la littérature, Anne-Cathrine Riebnitsky, écrivaine danoise, a une manière personnelle de traiter ce sujet grave qui se termine contre toute attente par une note optimiste.



vendredi 18 août 2017

Elizabeth George : Un patience d'ange



En promenant son chien dans la lande près du cercle de pierres de Nine Sisters Henge, au nord de l'Angleterre, une vieille dame découvre le cadavre d'un jeune homme, poignardé. La police, rapidement arrivée sur les lieux, ne tarde pas à trouver, non loin de là, le corps d'une jeune femme, tuée d'un violent coup à la tête. Et très vite les premières questions se posent : les victimes se connaissaient-elles ? Existait-il un lien entre elles ? Y a-t-il une raison pour que le meurtrier les ait tuées de deux façons différentes ? (Résume quatrième de couverture)

Un double meurtre sur une lande dans le Derbyshire. Elizabeth George nous concocte ici une intrigue vraiment complexe avec une foule de personnages qui tous auraient eu une raison - y compris ses propres parents-  pour tuer Nicola Maiden! Nicola, une fille qui n’a pas froid aux yeux et collectionne les amants comme des vieilles chaussettes ! Voilà de quoi  faire quelques mécontents ! Mais ce n’est pas tout ! Ce que l’on va découvrir sur elle au cours de l’enquête complique encore le récit  et l’on peut en dire tout autant, quoique pour d’autres raisons, du jeune homme occis en même temps qu’elle, Terry, artiste autoproclamé. Bien, n’oublions pas le prologue qui a une importance extrême et pourrait nous mettre sur la voie si nous étions plus fûtés.
 C’est tout à l’honneur de Elizabeth George de pouvoir nous tenir en haleine en nous amenant de fausse piste en fausse piste ! De plus elle nous balade dans des milieux interlopes pas piqués des vers qui feront votre éducation ! Et oui, l’on apprend beaucoup dans ce livre sur les milieux sado-masochistes !
J’ai bien aimé aussi, dans un tout autre ordre, me promener dans ce paysage du Derbyshire (même si l’auteure nous dit qu’elle a pris des libertés envers les lieux) au milieu de ces landes trouées de grottes, qui offrent des sites préhistoriques et des vieux châteaux en ruine.

C’est le premier livre que je lis de cette auteure aussi ai-je découvert ses personnages récurrents, les deux policiers : le très aristocrate Thomas Linley chargé de l’enquête, homme à principes, peut-être un peu misogyne, et sa coéquipière Barbara Havers issue du peuple. Celle-ci a du caractère et a l’air assez difficile à gérer mais est généreuse et humaine. Ma sympathie va à la seconde et j’aimerais bien lire le roman précédent qui l’a mise dans une situation difficile et l’a fâchée avec son chef. Quant à la victime Nicola, Elizabeth George a créé un personnage assez étonnant au point de vue psychologique  : une femme tellement exempte de préjugés et tellement libérée de toute morale judéo-chrétienne en ce qui concerne la sexualité déviante ou non, qu'elle paraît être une ovni.

En résumé un livre qui se lit bien et maintient notre intérêt pendant 650 pages !



samedi 12 août 2017

André Gardies, Jacques Mauduy : Je t'écris du Gévaudan, ma Lozère

Le Causse et la stippe pennée (source)
Retirée dans mes Cévennes natales, voici ce que je lis en ce moment : Je t'écris du Gévaudan, ma Lozère. Je rédigerai un billet sur ce livre qui se présente sous forme épistolaire quand je l'aurai terminé. En attendant voici  des extraits de la lettre 7 sur le Causse Méjean pas très loin de l'endroit où j'habite.

 Aujourd'hui, je t'écris de Hielzas sur la Causse Méjean.

"Ce qui me fascinait aussi c'était le paysage. Une immense steppe ondulée, grise en hiver, soyeuse, plus que verte au printemps, surmontée de croupes chauves. A l'assaut de ces versants doux, des murs, des murailles délimitaient d'immenses rectangles. J'y voyais volontiers d'anciennes fortifications, des enclos préhistoriques. Les chazelles, les capitelles couvertes de pierres m'attiraient : à l'intérieur de ces cabanes, un banc de pierre permettait de s'asseoir, un trou dans la couverture laissait échapper la fumée d'un feu dont on voyait les brandons éteints au sol dans un foyer sommaire. Je croyais dur comme fer que tout cela était préhistorique jusqu'au jour où, gardant les moutons avec l'oncle Sully, un violent orage nous attaqua et, réfugiés dans une de ces bories ("construite par le grand-père de sa femme") l'oncle avec son briquet en amadou alluma "un petit feu pour se sécher" avec un fagot qu'il prenait soin de renouveler après usage. Sa capitelle lui servait aussi à se mettre à l'ombre car elle  était bien fraîche en été grâce au frêne qui la protégeait."

Stippe pennée (source)

"Nous étalions nos cueillettes des plumets doux et chatouillants, de ce que les savants nomment la stippe pennée pour moi ce n'était que de l'herbe de soie joyeuse jouant au vent; lorsque j'ai vu la mer pour la première fois, je me suis retrouvé devant les ondulations de cette steppe. Mais la mer bleutée est violente alors que la mer herbue du Causse apaise. Pourtant les oiseaux, les araignées et les sauterelles y mènent d'âpres combats."

Le chardon-baromètre ou Carline à feuilles d'acanthe
"Quand mon grand-oncle venait voir son frère (discrètement) et et que nous cheminions tous les trois de chardons en chardons-baromètres, une grande tranquillité me gagnait : les histoires de beau temps, les légendes du géant enterré sous le dolmen et le mystère de ces eaux souterraines, des grottes, des avens, me fascinaient. Nous passions dans les combes ou du blé, de l'orge, attendaient d'être moissonnés. Des taches circulaires, vertes, jaunes et rouges en hiver, trouaient l'espace gris du Causse. J'avais alors, comme Tintin, aluni dans ces cratères, et les vrombissements des moteurs de ma fusée sortaient de la doline*, se perdaient dans l'immensité de la planète lunaire."
                                                                                                                  Jacques Mauduy

Doline en Lozère (source)

*Les dolines :  Les dépressions circulaires créées par la dissolution dans le calcaire du Causse sont appelées dolines ; elle sont cultivables.

Editions du Mont Ici


AndrRené Gardies, spécialiste de cinéma, est l’auteur de nombreux romans, enracinés dans le pays languedocien, cévenol et lozérien. En Gévaudan, il réside en Margeride.
Jacques Mauduy, géographe, historien, cartographe des Camisards, a inventorié et publié l’ensemble des monuments aux morts des pays catholiques et huguenots de la Lozère. En Gévaudan, il vit sur le versant nord du Bougès.

vendredi 4 août 2017

Pause estivale : Lozère et derniers échos du festival

Lozère  : le Petit Arbre Tourmenté sur le chemin de l'Arbre Foudroyé


Philadelphie, deux frères vivent seuls dans une grande maison depuis la disparition de leurs parents. L'aîné, Treat, est un petit délinquant qui vole les passants, armé de son cran d'arrêt. Il rapporte bijoux et argent à la maison, où son petit frère, Phillip, un garçon un peu lunaire, guette son retour, non sans crainte car Treat a pour habitude de le terroriser. Un soir, Treat ramène chez eux un homme alcoolisé, un peu loufoque, Harold, qui lui paraît fortuné. Harold s'endort et les deux frères découvrent dans sa mallette beaucoup plus d'argent qu'ils ne l'imaginaient. Ils décident de le kidnapper pour l'échanger contre une rançon ... Ils obtiendront beaucoup plus...
 
Un peu trop bon sentiment pour mon goût.

1830. Hugo est le porte-drapeau du romantisme, Sand, celui du féminisme, et Balzac invente le réalisme. Tels leurs héros, ils sont tourmentés et rebelles. Leur vie privée est une source intarissable d’anecdotes, de combats politiques et de passions amoureuses.
Emportés dans l'explosif 19ème siècle, les spectateurs accompagnent Victor, George et Honoré, boulimiques de travail et d'amour, au milieu des génies de la peinture (Delacroix), du roman (Dumas), du théâtre (Musset) et de la musique (Chopin).
 Assez pédago.




C'est avec ses deux derniers spectacles que s'achève mon festival d'Avignon 2017.

Et maintenant pause estivale en Lozère pour fuir la canicule avignonnaise : 41° à l'ombre aujourd'hui!  Il paraît que dans quelques dizaines d'années, les régions du sud de la France connaîtront des température avoisinant les 55° .. si l'on ne fait rien pour inverser la courbe !

A bientôt ! Un bel été à tous !

mardi 1 août 2017

Fausse note de Didier Caron Festival OFF d'Avignon



Comment vivre confortablement avec son passé ? Faut-il l’effacer ou l’assumer ?
Nous sommes au Philharmonique de Genève, dans la loge du chef d’orchestre de renommée internationale, Alexandre Miller. A la fin d’un concert, ce dernier est importuné à maintes reprises par un spectateur envahissant, Léon Dinkel, qui prétend être un grand admirateur venu de Belgique pour l’applaudir.
Cependant, plus l’entrevue se prolonge, plus le comportement de ce visiteur devient étrange et oppressant. Jusqu’à ce qu’il dévoile un objet du passé…
Qui est cet inquiétant Monsieur Dinkel ? Que veut-il réellement ?
Un face à face poignant entre deux acteurs saisissants. 

La pièce paraît reposer sur un suspense mais il n'en est rien. Dès que Leon Dinkel est là, on comprend de quoi il retourne! Le spectateur sait que Alexandre Miller est nommé à l'orchestre de Berlin dont il est originaire. Il est fait allusion au chef d'orchestre Karajan qui était membre du parti nazi, et donc l'on comprend tout de suite que l'envahissant personnage vient démasquer la véritable identité d'Alexandre Miller. Il ne faut pas être grand devin pour deviner qui il est et ce qu'on lui reproche.
 J'ai trouvé cette pièce un peu lourde dans sa démonstration et la mise en scène plate, sans changement de rythme. Les réapparitions de l'importun visiteur auraient pu être traitées avec plus humour  et de fantaisie pour devenir de plus en plus inquiétantes. Faire rire pour mieux asséner la vérité. Un crescendo accompagné d'une montée de l'angoisse aurait donc été le bienvenue. Il n'en est rien ou seulement esquissé. Tout est sur le même ton et Christophe Malavoy est raide comme la justice (qu'il incarne, c'est vrai) d'un bout à l'autre de la pièce comme le veut la mise en scène. Quant au dénouement de la pièce, il paraît bien consensuel, avec le pardon magnanime du juif martyrisé envers le criminel nazi.
Un bon moment pourtant, quand Alexandre Miller s'empare du revolver et révèle ce qu'il pense vraiment des juifs alors qu'il avait protesté de son innocence et invoqué sa jeunesse au moment du drame. Cela rend le personnage plus complexe, plus trouble et pose le problème de la liberté humaine et de la responsabilité.
Bien sûr, Christophe Malavoy et Tom Novembre sont de grands acteurs et ont une présence indéniable. C'est pour les voir que j'ai choisi ce spectacle. Mais la pièce ne m'a pas entièrement convaincue.

Fausse Note
Théâtre du chien qui fume
  • Interprète(s) : Christophe Malavoy, Tom Novembre
  • Co-metteur en scène : Didier Caron, Christophe Luthringer
  • Assistante mise en scène : Isabelle Brannens
  • Lumières : Florent Barnaud
  • Scénographie : Marius Strasser
  • Costumes : Christine Chauvey
  • Son : Franck Gervais

lundi 31 juillet 2017

Quand souffle le vent du nord de Daniel Glattauer mise en scène Judith Wille Festival OFF d'Avignon


"Une faute de frappe... Et les e-mails d’Emmi atterrissent chez un parfait inconnu, Léo. De ce quiproquo, un dialogue s'engage. Tour à tour drôles, sensibles et piquants, ils se dévoilent avec humour et malice. Au fil des mots, sans se voir, ils s'attirent. Finiront-ils par se rencontrer ?
Après son succès à Paris et au Festival d'Avignon, la comédie contemporaine adaptée du best-seller de l’écrivain autrichien Daniel Glattauer revient pour notre plus grand plaisir !"


La pièce Quand souffle le vent du nord s’annonce agréable : Charmants comédiens, pétillants et pleins d’humour, dialogue vif, malicieux où chaque partenaire fait preuve à la fois d'une drôlerie et d’un esprit acéré. Décor modulable et ingénieux qui devient, en un tour de main,  bureau, lit, table de café, canapé…  Oui, tout partait bien ! Et puis… Pourquoi faut-il que ce qui aurait pu être une comédie légère, certes, bulle de savon, peut-être, mais agréable divertissement, prenne peu à peu le ton du mélo, avec vieux mari malade, enfants impotents ? J e n'ai pas lu le roman mais au théâtre je vous assure que cela ne passe pas. Du coup, l’on ne peut plus croire à cette histoire d’amour par correspondance qui vire au tragique et le tout devient un peu prétentieux. L’humour n’est plus là et l’on s’ennuie en trouvant la fin longuette.
Bon, les comédiens, eux, n’y sont pour rien. Ils étaient très bons dans la fantaisie et je me suis bien amusée en leur compagnie dans la première partie de la pièce.

Condition des soies
Quand souffle le vent du nord
À 19h00
Durée : 1h15
 du 7 au 30 juillet    
 Matriochka productions
 Interprète(s) : Caroline Rochefort, Stéphane Duclot
 Metteur en scène : Judith Wille

dimanche 30 juillet 2017

30 juillet dernier jour du festival OFF d'Avignon, dernière pièce...



1830, Sand, Hugo, Balzac Tout commence...  est la dernière pièce que je vais aller voir ce soir au festival  OFF d'Avignon 2017 ...  en fait dans un peu plus de deux heures !


 30 Juillet ! Dernier jour du festival OFF d'Avignon !  Mais cela fait déjà quelques jours que les rues d'Avignon se vident, que certains théâtres sont fermés, que les affiches disparaissent peu à peu...

Ce matin, en allant voir  le spectacle Orphans à l'Essaïon théâtre, j'entendais les compagnies qui se plaignaient du manque de spectateurs de cette dernière semaine surtout depuis jeudi. Effectivement le public qui doit retourner dans le nord essaie de devancer le fameux week end du mois d'août avec ses bouchons interminables.
Restent le public avignonnais et les courageux venus d'ailleurs, les irréductibles, qui vont jusqu'au bout. J'en fait partie.

Ce soir, à 18H30, je vais voir 1830 Sand Hugo Balzac tout commence de la compagnie Chouchenko au Théâtre Pandora. Espérons que je ne serai pas seule et que le spectacle me plaira pour finir en beauté. Vous le saurez dans les deux jours qui suivent ! J'ai encore quelques billets théâtre en retard avant de partir en Lozère. A bientôt !

Défaite des maîtres et des possesseurs de Vincent Message mise en scène Nicolas Kerszenbaum Festival OFF d'Avignon



« Il y a pour résumer trois catégories d'hommes : ceux qui travaillent pour nous ; ceux qui s'efforcent de nous tenir compagnie ; ceux que nous mangeons. Nous les traitons, tous, comme des êtres à notre service. »

"La compagnie "franchement, tu", dirigée par Nicolas Kerszenbaum, adapte "Défaite des maîtres et possesseurs", le trop lucide roman de Vincent Message, lauréat du Prix Orange du Livre 2016 : roman dystopique où l'espèce humaine n'est plus au sommet de la chaîne alimentaire, où nous ne sommes plus les maîtres et possesseurs de la nature, et où les nouveaux venus nous imposent le sort que nous réservions quelque temps plus tôt aux animaux. Roman d'épouvante, donc, mais aussi roman d'amour brechtien, où la puissance des sentiments permet la remise en cause radicale de l'ordre de notre monde. "

Je n'ai pas lu le roman Défaite des maîtres et des possesseurs mais je sais que Aifelle l'a beaucoup aimé aussi j'ai eu envie de voir l'adaptation. 
Dans un décor noir juste éclairé par des néons rouges ou blancs, évolue un couple : lui le monstre, venu d'ailleurs, d'une intelligence et d'une force supérieure à celles des humains, elle l'humaine, son "animal" de compagnie. Et l'amour entre eux. L'on comprend très vite le propos de l'auteur et la dénonciation de notre attitude vis à vis des animaux.  On pense, bien sûr, au roman de Pierre Boulle, La planète des singes qui offre aussi ce changement de point de vue.  Les comédiens disent très bien le texte qui a l'air poétique et descriptif.  Mais je n'adhère pas.  Les personnages sont désincarnés, le texte est froid, l'on ne peut ressentir de sentiments et de ce fait tout paraît être une démonstration et non pas une histoire réelle.  C'est dommage pour les comédiens qui méritent l'intérêt mais je suis restée en dehors.

Collège de la Salle
Durée : 1h30
à 13h15 : du 7 au 28 juillet
  • Interprète(s) : Marik Renner, Nicolas Martel
  • Musique : Guillaume Léglise
  • Lumières : Nicolas Galland
 

Une maison de poupée de Henrik Ibsen mise en scène Philippe Person, festival OFF d'Avignon

Une maison de Poupée : Philippe Calvario et Florende Le Corre
Voilà la note d’intention du metteur en scène d'Une maison de poupée, Philippe Person, qui interprète aussi un des personnages, l’avocat Krogstad.

« C’est Noël chez Torvald et Nora Helmer et Monsieur vient d’être nommé directeur de banque. Mais son employé Krogstad, menace de révéler le lourd secret de Nora. La Maison de poupée se transforme en cage de verre, le drame bourgeois en thriller hitchcockien. »

J'ajouterai le résumé rapide de l'intrigue que j'ai publié dans mon blog pour ceux qui sont intéressés :

Dans Une maison de poupée, Nora est considérée par son époux Torvald Helmer comme une femme-enfant, jolie, délicieuse, gaie mais puérile et sans cervelle et surtout… très dépensière. Mais enfin, l’on ne demande pas à une femme d’être intelligente et le couple s’entend bien, le mari bêtifiant à qui mieux mieux avec son « petit écureuil »  et sa charmante «  alouette », bref sa poupée. Pourtant Nora quand elle se confie à son amie madame Linke, Christine, est beaucoup plus sérieuse qu’il ne paraît. Pour sauver son mari, malade et à qui il fallait un séjour dans un pays chaud, elle a emprunté en secret de l’argent à un avocat véreux, Krogstad. Et pour cela elle a fait une fausse signature, celle de son père, puisqu’elle n’a pas le droit en tant que femme de signer. .. Suite ICI

La pièce mise en scène par Philippe Person n’est pas intégrale. Le personnage du docteur Rank est supprimé ainsi que les scènes avec les enfants et la nourrice. Certaines répliques sont élaguées et j’ai trouvé que la pièce n’avait pas assez de continuité, le rythme étant coupé, haché, par une présentation en tableaux successifs. Ce qui m’a paru gênant pour voir l’évolution des personnages.

La manière de traiter certains personnages secondaires m’a surprise aussi : Christine et Krogstad. Christine (Nathalie Lucas) qui représente une autre facette de l’aliénation de la femme et mériterait, à ce titre, d’être plus mise en valeur est assez effacée. Et Philippe Person qui joue Krogstad paraît prendre de la distance par rapport à son personnage et ne pas y croire du tout. Le dénouement heureux pour eux qui se sont aimés dans leur jeunesse est traité avec dérision, semble-t-il, par le comédien et metteur en scène. Peut-être parce que cela arrive trop brutalement, sans transition. Si on s’intéresse à ces deux personnages, il faudrait leur laisser plus de temps.

Reste donc le couple principal : Nora et Torvald Helmer. C’est sur eux que le metteur en scène a resserré l’intrigue. La comédienne Florence Le Corre qui interprète la femme-enfant, Nora, charmante et mutine, est convaincante et la scène finale nous permet de découvrir un Torvald  humain (Philippe Calvario) qui comprend, mais trop tard, ses torts envers son épouse. Ce sont des moments qui m’ont touchée. Je l'avais jugé trop brutal dans les scènes précédentes.
La cage de verre dont parle Philipe Person est peut-être ce huis-clos du salon de Nora qui permet aux spectateurs de s’immiscer dans l’intimité du couple, c’est aussi cette vitre qui coupe le décor et derrière laquelle se cache la boîte à lettres fatale.  J’avoue, par contre, qu’à aucun moment, je n’y ai vu le thriller Hitchcockien annoncé par le metteur en scène.
 Je n’ai donc pas tout aimé dans cette version de la pièce mais le spectacle, comme je l’ai souligné, a des qualités, en particulier  le jeu de Florence Le Corre, Nora.

Une maison de poupée de Ibsen
Mise en scène de Philippe Person
Théâtre de l’Oulle
Durée : 1h20
à 15h10 : du 7 au 30 juillet
Compagnie Philippe Person
Interprète(s) : Florence Le Corre, Nathalie Lucas, Philippe Calvario, Philippe Person



samedi 29 juillet 2017

Clouée au sol de George Brant mise en scène Gilles David festival OFF d'Avignon


"Une femme pilote qui n’a pas de nom, qui s’est construite à force de courage et de volonté avec pour seul objectif : devenir pilote de chasse pour l’US Air Force. Une rencontre de hasard, une grossesse accidentelle, mais acceptée avec joie. Puis l’appel du ciel qui se fait de plus en plus irrésistible. Quand elle se présente pour reprendre du service, c’est un drone qu’elle devra désormais piloter depuis une base militaire située à Las Vegas. La réalité de la guerre est bien là et malgré le danger de mort écarté, la frontière qui sépare sa vie de famille et la guerre devient de plus en plus poreuse. Enfermée dans une prison pour désobéissance, elle redécouvrira son humanité."

Cette pièce Clouée au sol  écrite par l’auteur américain George Brant, mise en scène par Gilles David, a  bénéficié du fameux bouche à bouche d’Avignon et de bonnes critiques si bien que j’ai voulu aller la voir. Je dois dire que cette pièce m’a mise mal à l’aise.

J’ai cependant tout de suite compris pourquoi elle a été plébiscitée. Le texte est porté avec  force par une actrice impressionnante, Pauline Bayle. Seule en scène, sur un plateau nu, sans aucun autre artifice que la lumière et le son,  elle interprète ce rôle difficile avec une implication totale. Elle entre dans la peau de ce personnage féminin à qui elle prête l’innocence de son visage et sa jeunesse. Pilote de chasse, major, ayant sous ses ordres des hommes qui la respectent, elle vit sa passion du vol, du « bleu » comme elle dit, son amitié virile entre « mecs », son mépris des femmes Barbie, son orgueil de châtier les « coupables ». Elle capte l’attention du spectateur et l’entraîne dans son drame.

Mais… cette femme qui largue ses bombes en Irak avec légèreté et insouciance m'a mise mal à l'aise.  Un jeu d’enfants :  « et Boum! » s’écrie-t-elle !  On se demande ce qu’elle a dans le cerveau, si elle est intelligente et si elle est humaine. Ce n’est que lorsqu’elle est amenée à piloter des drones et à voir ses victimes de près que son insensibilité va se fissurer.  Peut-être est-ce la maternité qui l’a rendue plus apte à éprouver de l’empathie? Peut-être est-ce parce qu’il n’y a plus de frontière entre la guerre et  la maison et qu’elle exerce ce  « travail »  comme n’importe qui, style métro boulot dodo. Plus de danger pour les militaires puisqu’ils sont très loin du théâtre de la guerre.

 Ce qui est super dans la pièce, c’est de voir la comédienne se transformer, perdre ses certitudes, avoir des doutes, glisser dans la dépression, le rejet. Mais ce qui est m'a gênée, quant au personnage, c'est  que son évolution ne peut avoir lieu que parce qu'elle est "clouée au sol". Si elle avait continué à piloter son Tiger, en plein ciel, aurait-elle continué à faire "boum" allègrement ?
Ce qui m’a interrogée aussi c’est que cette  pièce pose le problème au niveau individuel mais jamais collectif. L’auteur remet-il en cause les certitudes des américains et leur notion de Bien et de Mal ? Remet-il en cause les méthodes de l'armée américaine? Quand une bombe tombe, elle tue les "coupables". Et les autres ?

Je lisais la mise au point suivante dans une critique de la pièce :

" Les États-Unis, on le sait, disposent plus de 7.000 drones en service depuis plus de vingt ans ! Dont environ 200 appareils de haute altitude comme les  Predator, Repaer, etc. ce qui nécessite des budgets importants. Amnesty International accuse les États-Unis d’utiliser clandestinement ces drones pour des exécutions en violation absolue du droit international, et en faisant de très nombreuses victimes, comme au Pakistan, civils innocents ou proches des personnes visées… Elimination garantie ou presque de personnalités et chefs de guerre ennemis mais aussi… dommages collatéraux sans réplique possible donc sans aucun danger physique pour les équipes américaines ultra-compétentes et expérimentées qui les commandent bien à l’abri dans un désert, à des milliers de kilomètres de distance." Voir ICI


Le nouveau ring
Clouée au sol de George Brant
À 16h20
Durée : 1h20
du 7 au 28 juillet
  • Interprète(s) : Pauline Bayle
  • Traduction : Dominique Hollier
  • Mise en scène : Gilles David
  • Scénographie : Olivier Brichet
  • Eclairagiste : Marie-Christine Soma
  • Costumes : Bernadette Villard
  • Son : Julien Fezans
 

Ombres sur Molière de Dominique Ziegler festival OFF d'Avignon




Installée à Versailles, la troupe de Molière, l’Illustre Théâtre, s’est remise au travail et répète une nouvelle comédie pour l’ouverture des Plaisirs de l’île enchantée. C’est alors qu’elle apprend la mort d’un acteur. Excommunié pour avoir pratiqué son métier, il vient d’être conduit à la fosse commune… Terrassé et contre l’avis de ses compagnons, Molière entreprend l’écriture d’une nouvelle pièce pour le roi, réveillant la querelle entre l’Église et le Théâtre. Tartuffe voit le jour, jetant un voile sur la vie de l’auteur. Les ombres rôdent.

Dans ce décor rouge sang qui voit la consécration de Molière, protégé du roi, va se dérouler un épisode tragique de la vie du dramaturge. Tout d'abord dans sa vie privée : sa rupture avec Madeleine Béjart, son mariage avec Armande, la naissance de son  fils Louis qui devient le filleul du roi Louis XIV, vite suivi de la mort de l'enfant.  Ensuite dans sa carrière théâtrale : le Tartuffe va lui valoir les foudres de l'église et la haine de la Reine mère. La cabale des dévots se déchaîne sur sa tête avec une violence inouïe. Molière voit se profiler les bûchers de l'inquisition. Le roi est contraint d'interdire la pièce mais il sauve son protégé. La pièce ne  sera autorisée que plus tard, après une réécriture. Entre temps, il y aura Dom Juan qui n'arrange pas les affaires de Molière !

La pièce de Dominique Ziegler est assez surprenante parce que, écrite à notre époque, elle a un petit air désuet lié à l'emploi de l'alexandrin mais il faut reconnaître que le mètre passe bien et coule facilement. Il n'y a aucun essai de la rattacher à notre époque actuelle par une méditation sur le pouvoir et la liberté. C'est au spectateur de le faire s'il le souhaite. Non, l'auteur nous raconte une histoire qui a le mérite de faire comprendre la puissance de l'Eglise au XVII siècle, pouvoir qui pouvait contrebalancer celui de Louis XIV.
Le sujet est traité en comédie, ce qui n'empêche pas de souligner la violence des attaques contre Molière et les dangers qu'il encourrait, lui qui sera enterré de nuit et en cachette pour éviter les foudres de l'église.
Le spectacle est plaisant et a le mérite de faire connaître aux élèves, sous le couvert du rire,  (là, c'est le professeur qui parle, même à la retraite! ) comme à ceux qui ne connaissent pas bien cette époque et la vie de Molière, les dangers d'une religion fanatique et les contre-pouvoirs qui limitaient la monarchie absolue.


Ombres sur Molière de Dominique Ziegler 
Chêne noir  18h30

Durée : 1h35
  du 7 au 30 juillet -
Interprète(s) : Jean-Alexandre Blanchet, Caroline Cons, Jean-Paul Favre, Yves Jenny, Olivier Lafrance, Yasmina Remil 

vendredi 28 juillet 2017

Le chant du cygne-Fantaisie d'après Tchekhov Robert Bouvier Festival OFF d'avignon



Une salle de théâtre en pleine nuit. Lieu de tant de souvenirs et d’enchantements pour le vieux comédien qui s’y est endormi. Une arène aussi bien qu’un refuge, où il ne reste pas longtemps seul…
Un spectacle festif, entre dérapages et télescopages s’amusant des codes et paradoxes du théâtre et de la folie douce d’artistes rêvant de suspendre le temps. Des échappées rebelles dans un texte poignant d’humanité, dont les comédiens s’emparent intimement, laissant malicieusement leurs songes rimer avec mensonges, s’abandonnant à de joyeuses variations et digressions. Une version surprenante, conjuguant tendresse et légèreté et ménageant quelques savoureux coups de théâtre.

Le chant du cygne, c'est la dernière plainte sublime que lance le cygne avant de mourir. Ici, dans cette courte pièce de Tchekhov, c'est le chant du vieil acteur Vassili Vassilievitch Svetlovidov qui se retrouve seul dans un théâtre après s'être endormi dans sa loge. La salle noire, métaphore de la mort, l'effraie et sa vieillesse lui pèse, le souvenir de son ancienne gloire aussi. L'apparition du souffleur, le vieux Nikita Ivanitch le rassure et tous deux vont évoquer les succès du vieux comédien en célébrant les auteurs célèbres qu'il a servis de son art.

C'est à partir de cet texte que le metteur en scène Robert Bouvier réalise une libre adaptation à la  fantaisie  débridée dans laquelle nous entraînent deux excellents comédiens Roger Jendly et Adrien Gygax.  En fait les personnages sont doubles  : Roger joue son propre rôle et  interprète Vassili et Adrien est à la fois Adrien et Nikita. Ainsi a lieu une mise en abyme qui va permettre au spectateur de voir se créer le spectacle théâtral et de confronter le passé et le présent.

Le vaste plateau souvent plongé dans le noir au grand dam de Svetlovidov qui prend à partie le technicien, présente une table et des chaises où sont entreposés les verres de la fête au cours de laquelle on a oublié le vieil homme. Et puis le reste de la scène est vide, coupé seulement par deux rideaux, l'un blanc, l'autre représentant le tableau de Giandomenico Tiepolo, le Nouveau Monde, qui montre une foule de dos regardant une lanterne magique, allusion bien sûr à la magie du théâtre, monde de l'ombre et de l'illusion et pourtant peut-être "plus  vrai que la vie".

La tristesse qui s'empare du vieil acteur a pour ponctuation les rires que provoquent son ivrognerie et ses exhortations à la tempérance, ses trous de mémoire qui obligent les deux personnages à reprendre le texte tout en modifiant avec humour les jeux de scène. Et puis soudain, le vieillard renaît de ses cendres, et nous transmet son amour des beaux textes qu'il dit magnifiquement.
 Le souffleur quant à lui est interprété de manière cocasse par Adrien Gygax qui nous propose plusieurs versions différentes et hilarantes de ce personnage tout en se plaignant, en tant qu'Adrien, des caprices du metteur en scène. La mise en scène se fait et se défait sous nos yeux pour notre grand plaisir.
 En même temps et toujours en provoquant le rire, il y est question  de la disparition du rôle du souffleur dans le théâtre contemporain et de ses équivalences technologiques, oreillette, surtitrage... des mises au point sur le son, sur  la lumière. La scénographie et ses secrets se mettent en place.  Nous sommes au coeur de la création. Tout nous parle du théâtre, de cette passion qui habite Svetlovidov et Nikitouchka et qu'ils transmettent aux spectateurs.  

La pièce est donc un bel hommage au théâtre et aux grands auteurs, c'est aussi une réflexion nostalgique sur la vieillesse et la mort et le  regret de la jeunesse enfuie. Entre rire et émotion. Pourtant, je place ici un petit bémol :  j'ai trouvé que  la mise en abyme, aussi riche soit-elle, détournait parfois de l'histoire du "vrai" Vassilievitch, c'est pourquoi je suis curieuse de voir un jour la pièce de Tchekhov. Mais ne boudons pas notre plaisir, le spectacle est intéressant et je l'ai beaucoup aimé.


Théâtre Girasole
Le chant du Cygne -Fantaisie
À 20h30
Durée : 1h15
à 20h30 : du 7 au 30 juillet
Compagnie du Passage
Interprète(s) : Roger Jendly, Adrien Gygax 
Metteur en scène : Robert Bouvier 
Collaboration artistique : Vincent Fontannaz
  • Scénographie, costumes : Catherine Rankl
  • Musique originale : Mirko Dallacasagrande
  • Univers sonore : Julien Baillod
  • Création lumières : Pascal Di Mito
  • Création vidéo : Alain Margot
  • Maquillage : Talia Cresta
  • Régie générale : Bastien Aubert
  • Administration : Danielle Monnin Junod
  • Production : Damien Modolo
  • Diffusion : Créadiffusion