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jeudi 30 septembre 2010

Jacques Prévert : le temps mène la vie dure..

 

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Le temps
mène la vie dure
à ceux qui veulent le tuer.
(Jacques Prévert. Fatras )

mercredi 29 septembre 2010

TERRA MARE : exposition de Miquel Barcelo à Avignon

Miquel Barcelo
Il est toujours là! il fait des galipettes sur la place du Palais

C'est Yvelinoise qui a trouvé d'où venait cet éléphant facétieux et léger malgré sa taille respectable.  Il s'est échappé de l'exposition : Terra -Mare du 27 Juin au  7 Novembre 2010, consacrée à  l'artiste espagnol Miquel Barcelo né à Majorque?
L'exposition investit  trois lieux différents : le musée Lambert pour les oeuvres picturales, le Palais des papes pour les sculptures et les céramiques. Le musée du Petit Palais présente des oeuvres gothiques de Majorque jamais sorties d'Espagne.

J'ai bien l'intention d'aller voir cette exposition et je vous en parlerai!

dimanche 26 septembre 2010

Naissance d’une étoile

 Le blog Des jours et des nuits  vient de naître avec ce beau texte d'Emma que je vous invite à aller lire chez elle. Un bon dimanche poétique!

…car les blogs sont comme des étoiles. On se déplace de l’un à l’autre d’un clic de souris, d’un mouvement du doigt. Comme le Petit Prince, on les visite dans le désordre, on pioche un mot ici, une photo là. Parfois un titre fait mouche et on se dit, je reviendrai… et puis on poursuit son voyage à saute-moutons, d’hyperlien en hyperlien, tel un petit singe facétieux sautant de liane en liane.
L’herbe est plus verte dans le cyber-espace… ou le papier plus tendre sous la plume virtuelle. Les mots s’impriment tout seuls, et puis voyagent, pliés en quatre dans un bateau de fortune qui vogue et parfois fait des vagues…
Profondeur merveilleuse ou canopée bruissante dans l’aube nouvelle, la blogosphère reçoit ces messages venus d’ailleurs ou de nulle part, les recueille au creux des mains qui se tendent. L’impression soudaine de n’être plus tout à fait seul…
Etre entendu, c’est déjà beaucoup.
Les compagnons Troubadours  de  Celsmoon:
Edelwe, Mango, Abeille, Emmyne, Chrestomanci, Mariel, Laurence , Ankya, Herisson08, Anjelica , George, Uhbnji , Fleur, Esmeraldae, Armande, Satya, Zik, Lystig, Amos, Bookworm, Emma, Julien, Marie, Yueyin , Soie , Alex , Hambre , Katell , Mathilde, Schlabaya, Hilde, Saphoo, La plume et la page, Tinusia, Chrys, Roseau, MyrtilleD, Cagire, Caro[line], L’or des chambres, Violette, claudialucia, Séverine, Maggie, Sev, Azilis.

samedi 25 septembre 2010

Elizabeth Strout : Olive Kitteridge


Elizabeth Strout ! Attention écrivain de talent! Quand elle nous fait pénétrer avec son dernier roman Olive Kitteridge qui a eu le prix Pulitzer, dans la vie intime des habitants de Crosby, une petite ville du Maine, c'est pour nous faire partager les joies, les souffrances, les doutes, l'amour et la haine, la vie et la mort de chacun de ses personnages.. Trente années se déroulent devant nous et nous plongent au coeur de la comédie humaine, pour reprendre l'image de Balzac, dans un microcosme plus vrai que nature.
Chaque chapitre fonctionne comme une nouvelle : Pharmacie, marée montante, la pianiste, l'affamée... et nous raconte une histoire, un moment d'une vie quotidienne, d'une vie qui ne sort pas de l'ordinaire et pour cela si proche de nous. Ces récits ont une telle force que nous, lecteurs, nous sentons totalement impliqués, pris dans la gangue de l'humaine condition avec ses espoirs et ses désespérances, avec ses réussites et ses erreurs
Le personnage central qui est le lien entre tous, c'est Olive Kitteridge, professeur de mathématiques, redoutée par des générations d'élèves mais curieusement aimée par ceux que la vie a malmenés. Cette sorte de virago, immense et grosse femme au franc parler, est une notoriété incontournable de la société de Crosby. Selon le point de vue présenté et d'un récit à l'autre, Olive Kitteridge nous apparaît nuancée par des éclairages divers et contradictoires. Et c'est là tout l'art de l'écrivain qui, en peignant toutes  les facettes d'un être humain, nous montre que celui-ci est bien plus complexe que l'on ne saurait l'imaginer, que les rapports entre les hommes sont souvent cruels et injustes.
Un très beau livre, nostalgique et plein d'émotion mais aussi de sagesse et de maturité, qui nous suggère que le bonheur est si fragile que bien souvent nous ne prenons conscience de son existence que lorsqu'il est passé. Il nous dit qu'il ne faut pas attendre de la vie plus que ce qu'elle peut nous donner et surtout pas qu'elle soit juste, que seul l'amour peut parfois permettre de la rendre supportable et que somme toute - c'est la conclusion du roman et c'est ce que pense Olive - elle est passionnante.
Ce monde ne cessait de l'étonner. Elle ne voulait pas le quitter- pas encore.

logobob01.1285430691.jpg Merci à B0B  et aux éditions Ecriture pour la lecture de ce très beau livre.

vendredi 24 septembre 2010

Chantal Thomas : Le testament d’Olympe




Dans Le testament d'Olympe, Chantal Thomas a choisi de nous faire évoluer dans un XVIIIème siècle situé hors des Lumières, dans un univers obscurantiste et rigide où la foi mène  à la mortification du corps comme dans la famille d'Apolline où le père et la mère sont capables de se priver de manger pour être plus près de la Divinité. Dans la Sphère des Grands, on ne doit pas prononcer le nom de Voltaire, ce fléau de la France. Et lorsque, enfin, il est question de Rousseau chez Madame de V. où Apolline est préceptrice des enfants, ce n'est pas du Contrat Social dont il est question mais de la lecture de La Nouvelle Héloïse, dont le moins que l'on puisse dire, c'est que Chantal Thomas-Appoline ne l'aime pas!
"J'entendais déjà la musique funèbre des phrases qu'il allait falloir lui administrer"
Rousseau donc comme un médicament, un poison ! Si l'amour en se fait  sentir que par la souffrance, pourquoi est-ce un état si convoité? s'insurge Apolline.
C'est ainsi que Chantal Thomas, spécialiste du XVIIIème siècle, auteur de "Adieux à la Reine", prix Fémina 2002, réinvestit l'époque de Louis XV pour raconter l'histoire de deux soeurs,  Apolline  et Ursule qui vivent à Bordeaux.
La première partie à la première personne laisse la parole à Apolline qui raconte sa vie  d'enfant pauvre, entourée de ses soeurs, dans une famille dévote, ruinée par un père qui considère le travail comme  une "malédiction originelle.."
ll fallait être bien prétentieux par rapport au pouvoir de la Nature pour oser se targuer d'en obtenir davantage que ce qu'elle nous offrait, et bien méfiant par rapport à Dieu pour ne pas s'en remettre dans l'insouciance, à son Parfait Amour.
Au nom de cette dévotion poussée à l'extrême, les enfants ont toujours faim et si Apolline qui aime son père se résigne, la fille aînée Ursule, à l'esprit rebelle, s'insurge et s'enfuit de chez elle. Apolline apprendra que le nom de sa soeur préférée ne doit plus être prononcé devant ses parents. Elle-même est envoyée au couvent de Notre-Dame- de-Miséricorde pour y être éduquée. L'amitié de Mathilde Terville lui permet de survivre malgré les rigueurs de la vie monastique à laquelle elle s'habitue. Pourtant, au moment du choix elle refuse de prendre le voile.. Commence le début d'une aventure qui va l'amener à Paris où elle retrouve sa soeur Ursule rebaptisée Olympe; celle-ci avant de mourir lui livre ses carnets où elle a écrit son histoire. C'est le testament d'Olympe, qui formera la seconde partie.
Ursule-Olympe, après avoir fui la maison paternelle, par horreur de la pauvreté et la piété paternelle a décidé monnayer sa beauté et sa virginité chèrement! Ceci l'amène dans la sphère du Maréchal-Duc, Richelieu, le petit-neveu du célèbre cardinal; celui-ci, un noble débauché, grand seigneur cruel et imprévisible, joue de lettres de cachet pour envoyer ceux qui lui déplaisent à la Bastille et se fait le rabatteur de jeunes Vierges pour le Roi. Dans cette société libertine et sans scrupules, la jeune fille va atteindre le sommet et se croire puissante. Sentiment illusoire dans un monde où tout peut être défait par un simple caprice des Grands. La chute n'en sera que plus grande!
Le changement de style et de ton entre le récit d'Apolline qui nous emprisonne au fond d'un couvent et celui d'Olympe qui nous fait visiter les alcôves du roi est réussi. Et si l'histoire d'Apolline finit comme un conte de fées, ce qui me paraît être une faiblesse du roman, l'écrivain semblant se désintéresser de son personnage, ne chipotons pas sur notre plaisir! Le Testament d'Olympe présente, en effet, une époque haute en couleurs, mouvementée, pleine de contrastes et de contradictions!
Belle description, par exemple, de l'éducation des filles dans le couvent de Notre-Dame de la Miséricorde, des conditions de vie des pensionnaires qui meurent en grand nombre, de l'inégalité de traitement entre les filles riches et les autres réléguées au grenier, vie conventuelle dominée par le portrait de la terrible et hystérique Mère Lamproie, la supérieure. Tout est contraire aux principes chrétiens dans ce couvent et d'une manière générale, il ne fait pas bon être être enfant à l'époque d'Emile. Les fillettes sont mises au couvent dès l'âge de cinq ans et ne revoient plus jamais leurs parents, d'autres encore dans l'enfance sont épousées par des vieillards, Mathilde et son frère sont battus par leur père. Quant à la condition de la femme, elle est tout aussi noire : Une maîtresse peut être jetée une fois consommée, une femme mariée est sous le joug de son mari dont elle subit humiliations ou violences comme madame de V.
Le thème de la mort est aussi omniprésent dans le roman à une période où la frontière entre la mort et la vie était  mince, sans doute illusoire. Apolline apprend à lire en épelant les noms sur les tombeaux de ses frères et soeurs morts en bas âge. A la cour le roi se vautre dans la luxure pendant que sa fille se mortifie pour le pardon des péchés de son père ! Chantal Thomas peint un roi taraudé par l'idée du péché et la menace de l'Enfer rêvant de s'amender, d'obtenir l'absolution. L'Eglise règne par la peur et la menace de la Damnation.
C'est ainsi qu'à travers le portrait de ces deux soeurs, Chantal Thomas brosse un tableau de la France déchirée par les injustices et la misère, en proie aux superstitions et à la peur, une France qui ne cesse de s'enfoncer de plus en plus dans la tourmente, malmenée comme un navire sans pilote.

capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1285358696.png Merci à Dialogues croisés et aux éditions du Seuil



jeudi 23 septembre 2010

Beaumarchais et l’actualité : Aux vertus qu'on exige d'un domestique..

 



En cette journée de manifestation contre la réforme des retraites, cette citation plus vraie que jamais si l'on pense à certains hommes politiques qui nous demandent toujours des sacrifices mais sont loin de donner l'exemple!
Aux vertus qu'on exige dans un domestique, votre excellence connaît-elle beaucoup de maîtres qui fussent dignes d'être valets ?

 Acte I scène II  Le barbier de Séville


56270471_p.1283356242.gifla citation du jeudi initiée par Chiffonnette.

lundi 20 septembre 2010

La Journée du patrimoine 2010 : Avignon, un succès!


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Si l'on en juge par la foule qui se pressait  devant le Palais des Papes et Le Petit Palais, pour ne parler que de ces lieux, la journée du patrimoine a été un succès à Avignon.

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Musée du Petit Palais : une foule pour l'exposition : l'Héritage de Simone Martini : Avignon-Sienne

La Journée du patrimoine à Avignon 2010 : L’héritage artistique de Simone Martini



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Ce que je suis allée voir pendant cette journée du patrimoine à Avignon? L' exposition : L'héritage artistique de Simone di Martini au Petit Palais d'Avignon.

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l'or des tissus (détail)

Le but de l'exposition est  de montrer, le titre l'indique, l'influence du peintre siennois, Simone Martini, sur l'activité artistique du XIV et XVème siècles. Simone Martini est né probablement à Sienne vers 1284. C'est  dans l'atelier du Duccio, célèbre chef de file de la peinture siennoise qu'il se forma. Vers 1335, Simone Martini vint s'installer à Avignon où il mourut en 1334 après avoir été un des plus grands peintres de son époque.
Dans le  catalogue de l'exposition  sous la direction de Anna Maria Guidicci et Dominique Vingtain (éditions Petit Palais diffusion), le style de Simone Martini est défini ainsi :
Le style de Simone di Martini se caractérise, d'une part, par l'éclat du coloris et le sens savant de la forme remarquablement maîtrisé, d'autre part, par la recherche de suggestion de la narration, de puissance dans l'expression et par l'insertion de traits naturalistes tendant vers l'art du portrait.
L'exposition est riche, très bien présentée. Chaque tableau, en provenance de la Pinacoteca de Siena et du Musée du Petit Palais d'Avignon, est commenté d'une manière claire, précise, qui permet de saisir la filiation existant entre l'oeuvre de chaque artiste et celle de Simone di Martini.


Quelques artistes
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La Vierge de Bartolo di Fredi (1330- 1410)peut être comparée à celle de Simone Martini dans l'Annonciation conservée au Musée des Offices à Florence
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Taddeo di Bartolo( vers 1384-1422)

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 Martino di Bartolommeo (?-1434)

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Sano di Pietro (1405-1481)

vendredi 17 septembre 2010

Jennifer McMahon : Tu ne m’attraperas pas


Le livre de Jennifer Mc Mahon aux éditions Belfond a pour titre français Tu ne m'attraperas pas. C'est la phrase leit-motiv du roman, c'est l'appel que lançait Del à son amie Kate lorsqu'elles étaient enfants, c'est le souvenir de leur amitié, de leurs courses d'enfants dansla nature, avant que Del ne soit assassinée. C'est aussi aussi le cri que Kate entendra par une nuit glaciale de Novembre, trente deux ans après la mort de Del!
Mais le titre anglais Promise not to tell est tout aussi explicite. Kate avait promis de ne pas révéler le secret de Del. Pourtant, elle l'a fait! Et parce qu'elle a trahi sa meilleure amie, elle n'a jamais pu se pardonner ce qui est arrivé!
Le roman se déroule sur deux périodes parallèles, Novembre 70 et Novembre 2002. Entre ce laps de temps, deux assassinats, celui de deux adolescentes, Dell et  Tori. La mort violente de Tori en 2002, si longtemps après celle de Del réveille le fantôme du passé et fait revivre aux habitants de cette petite ville du Vermont le drame qu'ils avaient vécu. La narratrice, Kate, explore les deux périodes et, à travers ses souvenirs qui naviguent entre présent et passé, nous entrons au coeur de l'histoire, à la recherche de l'assassin mais aussi des secrets enfouis dans le coeur de chacun.
Tu ne m'attraperas pas est un thriller et il en observe les codes :  L'amie de Tori, Opal, une fillette de douze ans qui vit dans un village hippie avec quelques membres nostalgiques de l'ancienne communauté des années 70, ressemble étrangement à Del. Ne serait-ce pas elle que le meurtrier a voulu atteindre lorsqu'il a tué Tori alors que cette dernière portait le blouson d'Opal? Pourquoi l'assassin a-t-il reproduit avec exactitude le rituel de l'autre crime? Pourquoi a-t-il attendu si longtemps avant de frapper à nouveau? Kate parviendra-t-elle à protéger Opal? L'auteur sait maintenir jusqu'à la fin un suspense assez efficace. J'ai moins aimé l'introduction du surnaturel qui nous est imposé comme une réalité. J'aurai préféré que l'auteur nous laisse le doute et le choix d'interpréter.
Tu ne m'attraperas pas est aussi et surtout l'histoire d'une amitié entre deux filles marginales que les autres écoliers tiennent à distance. C'est l'aspect du roman que j'ai préféré. Kate habite New Hope, le village hippie à l'écart de la ville. Nous sommes dans les années 70 et Kate est venue vivre avec sa mère et l'amant de celle-ci dans un tipi indien sans eau et sans électricité. L'autre Del, vit avec ses frères et un père violent qui la maltraite; elle est sale et mal habillée. Les autres enfants la surnomment Patate Pourrie.. de quoi être tout à fait heureuse dans la vie! Mais Del a un sacré caractère et une imagination qui lui tient lieu de tout!
Les personnages sont analysés avec justesse et précision. Jennifer Mc Mahon décrit leurs sentiments complexes, l'ascendant que Del exerce sur Kate, l'attrait-répulsion qui les lie. Elle montre combien l'investissement d'un monde imaginaire permet à l'enfant d'échapper à la réalité quand celle-ci devient insupportable. Elle dévoile aussi la vision qu'ils ont des adultes. L'enfance et le début de l'adolescence sont donc bien observés et dépeints : la cruauté des enfants entre eux, leur conformisme qui les fait rejeter tous ceux qui sont différents d'eux, l'instinct grégaire, ce désir d'appartenance au groupe qui pousse Kate à trahir Del pour obtenir la reconnaissance des autres, l'éveil à l'amour entre Del et Mike le Muet, dont l'infirmité éloigne les autres. C'est cette analyse psychologique et sociale qui me paraît le plus intéressant dans le roman.

capture-d_ecran-2010-05-27-a-10-14-261.1284208871.png Merci à Dialogues Croisés et aux éditions Belfond. Le roman paraîtra  dans la traduction française le 7 octobre 2010

mercredi 15 septembre 2010

Jean-Louis Fournier : Poète et paysan


Le nouveau livre  de Jean-Louis Fournier :  Poète et paysan est une petite gourmandise vite dégustée et appréciée, une bulle de savon dont on admire les couleurs irisées et qui éclate dans l'air.

Dans ce livre Jean Louis Fournier raconte un épisode de sa vie et de sa jeunesse. Etudiant à l'IDHEC,  l'institut des Hautes Etudes Cinématographiques (actuellement  FEMIS), bien décidé à suivre la trace de ses réalisateurs préférés, il tombe amoureux d'une étudiante, fille de paysan. Or cet agriculteur, propriétaire d'une ferme dans le Nord de la France, n'a que des filles et un fils unique allergique aux travaux des champs. Que ne fait-on pas par amour? Voilà notre jeune homme  fiancé et futur héritier de la ferme du papa, enterré à la campagne qu'en bon citadin il idéalise. Mais les travaux des champs, l'arrachage des betteraves, l'élevage des vaches, n'ont rien de facile ni d'idyllique! Le jeune homme se retrouve dans le fumier jusqu'au cou pendant que sa Belle restée à Paris prend le parti de l'oublier bien vite!

Jean-Louis Fournier, c'est un style, un humour aussi. Le livre est plaisant, agréable, drôle avec un brin de poésie et de nostalgie et beaucoup d'auto-dérision. On rit des mésaventures du poète paysan. Sa vision de la campagne ne manque pas d'originalité et d'invention. Le propos est parfois désabusé, voire un peu triste mais jamais grave. Rien avoir avec la force et la violence de Où on va papa?
Bref! pas le livre du siècle ni même un grand roman mais un bon moment de lecture que j'ai savouré.

vendredi 10 septembre 2010

Robin Hobb : Le Soldat chamane

J'aime les romans Fantasy et, je le précise tout de suite, j'estime qu'il ne s'agit pas d'un genre inférieur car, à travers la fiction, c'est bien évidemment une vision voire une critique de notre monde qui est présentée.

Le Soldat chamane de Robin Hobb se déroule dans un royaume fictif, La Gernie. Jamère Burvelle, le jeune héros, est  fils d'un "seigneur de la guerre" anobli par le roi. Son rang dans la famille - il est le deuxième fils- détermine sa carrière. Il sera militaire et servira le roi. Ce que Jamère, très conventionnel et sans imagination, ne remet aucunement en cause. Mais un jour il sera confié par son père à un chamane nomade qui l'introduira dans un autre univers.
Dans le roman, les Gerniens ont perdu une guerre et un territoire qui leur assurait des débouchés sur la mer. Le roi et son armée se sont lancés à la conquête des plaines intérieures, asservissant les peuples nomades à qui ils apportent "la civilisation", selon les termes du père de Jamère, détruisant leurs pouvoirs magiques. Oui, mais lorsqu'ils parviennent dans les hautes montagnes, domaine des Ocellions, peuple sylvestre dont les Dieux sont des arbres, ils se heurtent alors à un pouvoir magique qui les dépasse et les effraie. La supériorité des armes, la haute technologie des Gerniens viendront-ils à bout de la Magie et de l'intraitable détermination des Ocellions. La nature, les arbres millénaires de la forêt qui abritent l'âme de leurs ancêtres seront-ils définitivement détruits par les Gerniens? Et quel rôle Jamère est-il amené à jouer dans ce combat décisif ?
Vous l'avez compris, le thème principal est celui de la colonisation et de l'extermination d'une civilisation par une autre au nom d'intérêts économiques. Inutile de dire à quels peuples Robin Hobb, américaine, née en Californie, fait référence!
Un autre thème est celui de la dualité, de la double appartenance. Comment peut-on rester fidèle aux siens? Comment continuer à obéir aux codes de sa société, aux règles d'honneur inculquées depuis l'enfance quand on sait que son propre peuple a des torts et détruit une civilisation passionnante?
Thème aussi de la condition de la femme, soumise et effacée, qui ne peut jouer aucun rôle dans la société. C'est pourquoi la cousine de Jamère, ardente et révoltée, est un personnage auquel l'on s'attache.
De plus, on retrouve dans le roman l'idée du relativisme : ce qui est bien dans une civilisation, ne l'est pas dans l'autre. Les Gerniens traitent les autres peuples de "sauvages" parce qu'ils n'admettent pas d'autres critères que les leurs! On pense aux écrits de Montaigne ou de Pascal et à ceux du siècles des Lumières, Voltaire, Rousseau..
Le roman ne manque donc pas d'intérêt et la lecture en est agréable et distrayante. L'écrivain fait preuve d'une imagination débordante, à son habitude, et nous réserve de nombreuses surprises.
Pourtant je n'ai pas aimé Le soldat chamane autant que la précédente saga de Robin Hobb : L'assassin royal. Pourquoi?  A cause du personnage de Jamère qui n'a aucune consistance, qui ne remet jamais rien en question, qui ne pense pas par lui-même! Il accepte tout, l'autorité paternelle même injuste, la discipline militaire malgré le dysfonctionnement et l'inégalité sociale, le pouvoir du Roi même si cela conduit à  l'anéantissement d'un peuple.
Il faudra attendre la fin du troisième roman pour qu'il se rebelle contre son père et le cinquième pour qu'il tranche son dilemme entre les deux civilisations. Et encore s'il y parvient, c'est parce qu'il y est obligé par la magie qui est maître de son corps et de son âme. On ne peut donc dire, du moins jusqu'au volume 5 (je n'ai pas encore lu les autres) qu'il ait une vision intelligente et claire de la situation. Dès lors, c'est difficile de se passionner pour un personnage aussi falot et inconsistant même s'il est courageux et gentil!  Il me semble que si le choix de Jamère avait été volontaire et réfléchi, le propos de l'auteur en aurait été plus fort. Heureusement, les femmes ont plus de personnalité et sont plus intéressante mais, hélas! ce sont des personnages secondaires!
Ceci dit, j'ai bien l'intention de lire la suite car je VEUX savoir ce qui se passe!
Livres de poche  Fantasy éditions France Loisirs : Le soldat chamane
1     La Déchirure
2     Le Cavalier rêveur
3     Le Fils rejeté
4     La Magie de la peur
5     Le Choix du soldat
6     Le Rénégat
7     Danse de terreur
8     Racines

jeudi 9 septembre 2010

Samuel Johnson : Il ya une grande différence...

  

"Il y a une grande différence entre celui qui veut lire un livre et celui qui veut un livre à lire."

                                                 Samuel Johnson(écrivain anglais  1709-1784)
 
 
56270471_p.1283356242.gif la citation du jeudi imaginée par Chiffonnette.

mercredi 8 septembre 2010

Harold Cobert : L’entrevue de Saint-Cloud



Je suis l'homme du rétablissement de l'ordre et non du retour à l'ancien ordre.

C'est avec cette formule à l'emporte-pièces que Mirabeau, député du Tiers-Etat mais très attaché à la monarchie, aborde Marie-Antoinette dans l'Entrevue de Saint-Cloud. A partir d'un fait historique tenu secret mais avéré de nos jours, Harold Cobert, écrivain et historien -le sujet de sa thèse est Mirabeau, c'est dire s'il connaît bien le personnage et la période historique! - imagine ce qu'a été ce tête-à-tête entre le député et la reine. Le but de l'historien est très clair puisqu'il s'exprime par un sous-titre inscrit sur la première de couverture : La rencontre qui aurait pu changer le cours de l'Histoire et par les citations en exergue en particulier celle de Serge Lancel dans Hannibal :  La légende se nourrit des lacunes de l'Histoire.
Le 3 Juillet 1790, Mirabeau affronte donc le danger d'être tenu pour traître par l'Assemblée nationale en rencontrant dans les jardins de Saint-Cloud Marie-Antoinette, celle que le peuple appelle péjorativement l'Autrichienne et considère :
"comme une femme faible et sans coeur, une femme trop soucieuse d'elle-même et de sa personne pour entendre et comprendre les malheurs de son peuple".
C'est que l'enjeu est de taille! Mirabeau est persuadé que seule la reine est capable de remédier à  l'impéritie du roi en le convaincant de signer la déclaration des Droits de l'Homme, d'accepter la constitution non en la subissant mais en devançant les aspirations à la liberté du peuple. Il conseille à Marie-Antoinette de regagner l'amour de ce peuple en se portant à sa rencontre, en devenant non la reine de France mais la reine des Français.
Mais l'Histoire nous le dit, Marie Antoinette, n'a pas su entendre les conseils de Mirabeau. Trop attachée à ses privilèges, rigide dans sa conception de la monarchie absolue de droit divin, imbue du pouvoir et de la grandeur de sa caste, la reine est trop orgueilleuse et manque de souplesse pour accepter d'évoluer. Elle n'a pas le recul et la grandeur de vue nécessaires pour comprendre que l'ancien temps est définitivement terminé :
"..parce qu'on ne peut, affirme Mirabeau, reconstruire ce qui n'existe plus, parce qu'il est périlleux de défier un peuple qui recouvre sa liberté."
Ainsi Mirabeau est peint en visionnaire, en Cassandre qui prédit l'avenir sans jamais être écoutée :
Faites-vous un allié plutôt qu'un ennemi..Sinon il se dressera comme un seul homme, il fondra sur vous comme une nuée de sauterelles, dévastant tout sur son passage... Un  ouragan que rien ni personne ne pourra arrêter.
D'ailleurs, quand bien même Marie-Antoinette l'aurait compris, aurait-elle eu assez d'influence sur le roi pour changer le cours de l'histoire? C'est la question que je me pose en lisant ce récit. Louis XVI n'est pas seul, il représente des forces en action dans son Etat et dans les pays limitrophes, la noblesse, l'Eglise, non négligeables et dont il doit tenir compte. De même, à présent, un homme d'état ne saurait gouverner sans tenir compte des pouvoirs et contre-pouvoirs en place et sa marge de manoeuvre paraît parfois bien limitée. Par contre, là où Mirabeau a raison, c'est lorsqu'il souligne la force de l'opinion. On pense à la façon dont les hommes politiques actuels utilisent les médias.
C'est d'ailleurs ce que j'ai le plus apprécié dans L'entrevue de Saint Cloud, c'est que sans cesse, à partir du passé, nous sommes renvoyés dans le monde contemporain. L'Histoire joue ici pleinement son rôle, celui d'éclairer le présent par la leçon du passé. Ce qui prête parfois à sourire (amèrement) devant des aphorismes tellement d'actualité que l'on se demande s'ils sont moins reflet de la pensée de Mirabeau que celui de l'auteur :
Croyez-vous vraiment que les jacobins ministres seront des ministres jacobins? interroge Mirabeau en recommandant à la reine de placer ses adversaires au pouvoir. Et il poursuit :  Que valent les meilleures convictions contre l'argent, la gloire, le pouvoir?
Le court roman de Harold Cobert présente donc le dialogue des deux protagonistes entrecoupé par des retours en arrière qui nous permettent de revenir sur des évènements du passé. Le 15 Mai 1790 : le droit du roi à décider de la paix ou la guerre; Le 6 ou 7 Novembre 1789, la possibilité de choisir les ministres parmi les députés, scène où Mirabeau apparaît comme un grand homme politique. J'en vois peu (ou pas) qui, de nos jours, serait capable comme lui de sacrifier leur carrière à une idée. Le contraire me paraît plus vrai! Le 5 octobre 1789, les femmes envahissent le palais de Versailles, Marie-Antoinette manque de perdre la vie... Il est donc très facile à ceux qui, comme moi, n'ont pas revu leur cours d'histoire depuis de nombreuses années de suivre le récit.
Retour aussi sur des épisodes du passé des personnages qui nous permettent de mieux les cerner, de comprendre leur personnalité.
Ce qui me frappe le plus cependant dans ce roman c'est la force du dialogue, le brio des maximes qui résument la pensée de Mirabeau à qui Marie-Antoinette sert de faire-valoir. En fait, j'ai eu l'impression d'être devant une forme théâtrale plus que romanesque. Je n'ai pas été surprise d'apprendre en lisant une interview de l'écrivain qu'il voulait adapter son récit au théâtre. En fait, en tant qu'Avignonnaise, c'est une pièce que je m'attends à voir bientôt au festival!

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« Ce livre a été chroniqué dans le cadre de la  HYPERLINK "http://chroniquesdelarentreelitteraire.com/" rentrée littéraire 2010 en partenariat avec  HYPERLINK  "http://fr.ulike.net/" Ulike   »

dimanche 5 septembre 2010

Lucien Jacques, Credo


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James Ensor

CREDO
 
Je crois en l’homme, cette ordure.
Je crois en l’homme, ce fumier,
Ce sable mouvant, cette eau morte.
Je crois en l’homme, ce tordu,
Cette vessie de vanité,
Je crois en l’homme, cette pommade,
Ce grelot, cette plume au vent,
Ce boute-feu, ce fouille-merde.
Je crois en l’homme, ce lèche-sang.
Malgré tout ce qu’il a pu faire
De mortel et d’irréparable.
Je crois en lui.
Pour la sûreté de sa main,
Pour son goût de la liberté,
Pour le jeu de sa fantaisie.

Pour son vertige devant l’étoile.
Je crois en lui
Pour le sel de son amitié
Pour l’eau de ses yeux, pour son rire,
Pour son élan et ses faiblesses.

Je crois à tout jamais en lui
Pour une main qui s’est tendue.
Pour un regard qui s’est offert.
Et puis surtout et avant tout
Pour le simple accueil d’un berger.


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Léonard de Vinci

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mercredi 1 septembre 2010

Prix Nobel 1904 : Frédéric Mistral

 
Frédéric Mistral : un roi parmi les poètes
Frédéric Mistral (1830-1914), prix Nobel de littérature en 1904 connut une gloire sans égale. Père du Félibrige, ce mouvement occitan qui avait décidé de remettre le provençal à l'honneur en codifiant la langue, en la dotant d'une grammaire, en la faisant vecteur d'une littérature digne de ce nom, il était alors unanimement reconnu non seulement en Provence mais en France et dans le monde entier. En 1909 une foule de près 20 000 personnes vient saluer la statue de Mistral érigée de son vivant devant le Museon Arlaten, musée du Vieux Arles. A Aix-en-Provence pour la fête de Sainte Estelle, les étudiants détellent sa voiture pour avoir l'honneur de la tirer eux-mêmes. Les hommages se multiplient. En 1913, le président de la République, Raymond Poincaré, se fait conduire à Maillane pour saluer le prince des poètes. La réputation du Félibre est internationale et atteint les Etats-Unis, le légendaire Buffalo Bill lui-même lui rend visite.
En Provence, de nos jours, il conserve une place privilégiée dans le coeur des provençaux cultivés et soucieux de conserver leur patrimoine mais ils sont une minorité. Le muséon Arlaten qu'il a fondé avec l'argent de son prix Nobel consacré à l'ethnographie provençale lui rend hommage, des lycées portent son nom, des statues ornent les places.

Qui lit encore Mistral?
Mais qui le lit en France hors du pays d'Oc? Comme c'est le cas de bien des prix Nobel, il est tombé dans l'oubli. Pourquoi? Il y a plusieurs réponses à cette question. Selon ses détracteurs, Mistral a préféré la langue provençale, ce qui est semble-t-il un obstacle infranchissable. C'est vrai que dans un pays centralisé où la littérature régionale même de langue française est considérée comme inférieure, cela joue en sa défaveur. Mais il s'agit d'un faux problème. Nous lisons bien des traductions quand il s'agit de livres étrangers. Pourquoi n'en ferait-on pas de même avec la langue provençale?
D'autres l'accusent d'être régionaliste donc passéiste. Il est vrai que le souci de Mistral de faire oeuvre d'ethnographe en décrivant la Provence, ses paysages, ses coutumes, ses métiers, en rendant compte des croyances, des contes, des chansons populaires, en utilisant le vocabulaire spécifique de cette région peut éloigner de lui certains lecteurs. Mais c'est faire fi de la valeur littéraire de l'oeuvre qui sous-tend cette description, valeur pourtant incontestable comme en témoignent les universités étrangères aux Etats-Unis, au Japon, en Norvège qui, encore de nos jours continuent à étudier le grand Félibre, ce qui est plutôt rare en France tant nos préventions sont grandes..
Un régionaliste et un poète de talent
Non, Mistral n'est pas seulement un ethnographe et s'il s'affirme comme régionaliste et même indépendantiste, il est avant tout un poète, un grand poète! Cependant ses écrits sont tellement riches, tellement foisonnants, qu'ils peuvent dérouter car ils sont à la croisée de diverses influences. Baignés dans la lumière de la civilisation méditerranéenne antique (Mistral était un humaniste, il a étudié et aimé les langues, la littérature, la mythologie de la Grèce et de Rome), son oeuvre est aussi nourrie par la lecture de la Bible, la poésie du livre saint, les grandes figures bibliques. De plus, le poète est marqué par les croyances, les contes populaires de la Provence, les récits sur les êtres surnaturels qui peuplent les eaux des rivières et du Rhône, le paganisme de certaines légendes même quand elles sont récupérées par le christianisme, tout ce qui a imprégné son imaginaire depuis son enfance. C'est à la croisée de ces trois influences qu'il faut chercher Mistral. Ce n'est donc pas une lecture facile mais si l'on fait l'effort d'entrer dans cette oeuvre, la récompense est certaine.

Mireille aux Saintes Marie
Mes trois oeuvres préférées du Félibre
Est-ce à dire que j'aime tout dans l'oeuvre de Frédéric Mistral? Non! et je suis persuadée que tout écrivain, prix Nobel ou non, ne peut pas écrire que des chefs d'oeuvre. Certains vous parleront avec ferveur de Calendal, des Isles d'or... Quant à moi, mes trois oeuvres préférées sont Mireille que j'ai choisi de commenter ici, premier poème publié en 1859, salué par Lamartine comme un chef d'oeuvre, qui a la fraîcheur de la jeunesse, l'éclat de la passion et l'ardente couleur de la terre provençale brûlée par le soleil; les Mémoires et récits où Frédéric Mistral fait revivre le mas de ses parents, paysans aisés, enfance dominée par la figure du père, noble patriarche, et celle de la mère, digne et fière paysanne, figure maternelle pleine de tendresse; enfin Le Poème du Rhône, l'oeuvre testament, un peu alourdie par la volonté de Mistral de rendre compte minutieusement des derniers sursauts de la navigation sur le Rhône supplantée par le chemin de fer mais d'une richesse ethnologique passionnante. Un récit sombre et étrange, mystérieux et tragique, que Mallarmé admirait, oeuvre ultime où le symbolisme et l'obscurité contrastent avec la simplicité et la clarté de Mireille.


Mireille : Je chante une jeune fille de Provence...
Mireille que j'ai lu en français (car, contrairement aux apparences, je ne suis pas provençale) est un long et beau poème divisé en douze chants. On connaît souvent l'histoire de Mireille par l'opéra de Gounod. Si le livret reprend mot à mot certains passages des vers de Mistral, si le musicien a été fidèle à l'intrigue, il n'a pas pu rendre entièrement la poésie, la beauté épique de la description, la fraîcheur des deux amoureux, Mireille et Vincent, Roméo et Juliette de la terre provençale, enfants âgés de quinze ans prêts à mourir plutôt que de consentir à être séparés.
L'histoire est éternelle : Vincent, fils d'un pauvre vannier est amoureux de Mireille, fille d'un riche propriétaire de la Crau, Maître Ramon, au mas de Micocoules. Celui-ci veut donner sa fille à un homme de sa caste, le bouvier Ourrias qui, jaloux et violent, cherche querelle à Vincent et le blesse. Ce dernier, guéri par la sorcière Taven, envoie, selon la coutume, son père demander la main de Mireille. Mais Maître Ramon refuse avec mépris. Mireille, désespérée, entreprend la longue traversée du désert de La Crau pour aller prier les Saintes de fléchir la volonté son père. Mais le soleil de la Crau va avoir raison de la jeune fille qui meurt en arrivant aux Saintes Marie où l'attendent ses parents et Vincent.
Les personnages sont attachants. Mireille déformation de Merahivo qui signifie merveille est pour Mistral un dérivé du prénom Myriam donc de Marie. Ce n'est pas sans raison qu'il donne à son héroïne le prénom de la Vierge dont elle a la pureté, la candeur. L'extrême jeunesse des deux jeunes gens les préserve des préjugés des adultes, des considérations de fortune et de rang social. Leur amour est entier et leurs sentiments définitifs, exacerbés, sans concession. Mistral peint cet âge encore adolescent avec beaucoup de vérité comme une étape douloureuse, une épreuve qui peut conduire aux actes les plus extrêmes. Il se souvient peut-être, lui aussi, qu'il n'a pu épouser la jeune fille qu'il aimait, refusée par son père car elle n'avait pas de biens.

Homère portrait imaginaire Louvre

Une épopée : Humble écolier du grand Homère
En se proclamant au début du premier chant de Mireille, "humble écolier du grand Homère", Frédéric Mistral compose une épopée, certes, mais pastorale qui se déroule dans un mas provençal.
L'odyssée
Ainsi l'odyssée de Mireille, ce n'est pas la navigation périlleuse d'Ulysse qui essuie les tempêtes les plus terribles, poursuivi par la vindicte des Dieux, c'est la traversée du désert de La Crau, l'épreuve du feu du soleil, la souffrance de la soif, la mort. L'exploit de Mireille n'est pas celui d'un héros terrassant des monstres mais le courage dune petite fille obstinée, dévouée, amoureuse, qui continue à avancer vers le but qu'elle veut atteindre malgré la solitude et la douleur.
Les Héros guerriers
Les héros ne sont pas des rois mais de riches paysans, maîtres de grands domaines; les guerriers sont les farouches bouviers de Camargue, peuple fier et arrogant dont les chevauchées sauvages sur leurs petits chevaux camarguais endurants et fougueux à la poursuite des taureaux sont des faits de bravoure. Les prétendants de Mireille- car semblable à Penélope, elle doit repousser les amoureux qui veulent l'épouser - sont Alari, le berger, Véran, le gardien de cavales, Ourrias, le toucheur de boeufs. J'aime beaucoup ces paysans provençaux devenus sous la plume du poète, fier de ses origines, semblables à des princes, beaux ou redoutables, puissants dans leur humilité, dignes dans leur maintien même dans les occupations les plus quotidiennes.
 Ourrias. Né dans le troupeau, élévé avec les boeufs, des boeufs il avait la structure, et l'oeil sauvage et la noirceur, et l'air revêche et l'âme dure... Combien de bouvillons et de génisses dans les ferrades camarguaises n'avait-il pas renversé par les cornes. Ainsi en gardait-il entre les sourcils, une balafre pareille à la nuée que la foudre déchire; et les salicornes et les trainasses, de son sang, s'étaient teintes jadis. (chant IV)
 Ourrias,tel un héros grec (Achille?) bouillant, coléreux, orgueilleux, qui n'accepte pas l'échec et veut soumettre la femme qu'il a choisie. Tous sont dépeints dans un style ample, lyrique, avec un grandissement épique qui les transfigure, qui permet à notre imagination de s'envoler vers ce pays d'eau, de salins et de mer, la Camargue où la liberté, le souffle du mistral, les grands espaces s'offrent à nous, où se déroulent les exploits de ces hommes proches de la nature, en accord avec les éléments.
Véran : il avait cent cavales blanches épointant les hauts roseaux des marécages. (..) Jamais on ne les vit soumises car cette race sauvage, son élément c'est la mer; du char de Neptune échappée sans doute, elle est encore teinte d'écume ; et quand la mer souffle et s'assombrit, quand des vaisseaux rompent les câbles, les étalons de Camargue hennissent de bonheur et font claquer comme la ficelle d'un fouet leur longue queue traînante... (chant IV)
 Les Dieux
Une épopée donc, où les Divinités sont le Drac, le Dieu du Rhône qui entraîne ses victimes au fond de ses eaux sombres, les Trèves, lutins qui dansent sur les eaux quand le soleil ou la lune les fait miroiter. C'est ainsi que Ourrias trouvera le châtiment de sa cruauté envers Vincent en cherchant à traverser le Rhône dans une scène hallucinante où les Noyés du fleuve viennent le réclamer :
Les voilà! pauvres âmes éplorées! les voilà! sur la rive pierreuse ils montent, pieds nus : de leurs vêtements limoneux, de leur chevelure feutrée coule à grosses gouttes l'eau trouble. Dans l'ombre sous les peupliers ils cheminent par files, un cierge allumé à la main. (Chant V)
 Vision infernale de ces ombres glacées qui rappellent celles entraperçues par Ulysse lors de sa descente aux Enfers, une épreuve qui est celle aussi de Vincent succombant à l'attaque d'Ourias dans un lieu nommé Le Val d'Enfer, aux Baux. Ce site bien réel (on voit comment Mistral utilise les paysages de sa région comme décor) ) est constitué d'un amas de rocs tourmentés, d'un chaos sauvage où au fond de son antre appelé la grotte des Fées, vit Taven la sorcière. Taven, la magicienne, autre Circé avec ses filtres guérisseurs.
Le fantastique de ce chant VI est un étonnant mélange entre paganisme et christianisme. L'invocation du Christ et de Laurent le saint martyr, les farces des "follets", lutins tour à tour malicieux ou méchants, l'apparition de La Lavandière qui assemble les nuées, la mandragore dont se pare Taven, les sorciers de Fanfarigoule, La Garamaude et le Gripet, la Vieille de Février qui ramène le Froid, tous les êtres surnaturels du Pays d'Oc ... se rassemblent pour former un creuset bouillonnant de toutes ces croyances, scène irréelle, à couper le souffle où l'imagination du Poète ne connaît plus de limite et nous entraîne dans une danse haletante qui ne cesse de s'accélérer.
Quel vacarme!.. ô lune, ô lune, quel malencontre te courrouce pour descendre ainsi, rouge et large, sur les Baux!... Prends garde au chien qui aboie, ô lune folle! S'iI te happe, il t'engoulera comme un gâteau, car le chien qui te guette est le Chien de Cambal" (chant VI)
eglise.1283331218.jpgMais le Merveilleux chrétien reprend bien vite ses droits avec la figure des Saintes Marie à qui Mireille adresse ses prières et qui viendront l'encourager dans sa marche et l'accueillir en leur paradis.
O saintes qui pouvez en fleurs changer nos larmes, inclinez vite l'oreille devers ma douleur! Donnez-moi Vincent.
Mon père s'oppose à cet accord : de toucher son coeur, ce vous est peu de chose, belles saintes d'or!
bien que dure soit l'olive, le vent qui souffle à l'Avent, néanmoins la mûrit au point qui convient..(chant X)
Eglise des Saintes Marie

Virgile

L'influence de Virgile
Il y a un autre maître dont Mistral se réclame aussi : Virgile! Comme lui, Mistral célèbre la nature pastorale, les travaux des champs. Comme lui, il chante la terre Méditerranéenne, éternelle, à l'ombre de l'olivier, l'arbre symbolique de ce pays éclaboussé de soleil, saturé de couleurs et d'odeurs. Le lecteur est baigné dans cette atmosphère particulière aux pays méditerranéens et pris par le charme de cette description, de cette langue poétique qui célèbre les joies humbles des travailleurs et qui magnifie le travail champêtre : cueillette des feuilles de mûriers, dépouillement des cocons, fenaison, labourage, moisson...
Dans une terre labourable quand la culture se fait en temps propice, j'ai vu parfois attelées à la charrue six bêtes grasses et nerveuses; c'était un merveilleux spectacle! La terre friable, lentement devant le soc au soleil s'entrouvrait. Le fin laboureur, l'oeil sur la raie, la chanson sur les lèvres, y allait à pas tranquilles, en tenant le droit. Ainsi allait le ténement qu'ensemençait Maître Ramon, magnifique, tel qu'un roi dans son royaume.

Costume d'Arles: une Mireille


Mireille est un très beau poème injustement méconnu, une oeuvre riche et généreuse dont le personnage principal devenu un mythe a donné lieu en Provence à un type, celui d'une jeune fille portant le costume arlésien, doté de qualités de fraîcheur, de simplicité, de courage, jeune personne que l'on appelle : " une Mireille".
J'ajouterai que je suis assez amère quand je vois, par exemple, que le poème de Longfellow, chantant l'amour d'Evangeline, jeune acadienne déportée, figure devenue mythique en Acadie, est unanimement et justement reconnue et célébrée dans la littérature anglo-saxonne; alors que les français passent à côté d'une oeuvre qui, bien qu'elle ait la force d'un mythe, est rejetée seulement parce que l'auteur s'est affirmé comme provençal.


Cet article est écrit dans le cadre du blogoclub créé par Silyre et Lisa