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samedi 6 novembre 2010

Daeninckx et Tardi : Le der des ders (BD)



Je n'ai  pas lu le livre de Daeninckx Le der des ders que Tardi a adapté pour sa bande dessinée. Je ne peux donc juger de la valeur de l'adaptation et c'est donc sur la BD de Tardi que je m'attarderai.
Varlot, détective privé, aidé par sa secrétaire et petite amie Irène, enquête sur une affaire confidentielle à la demande du colonel Fantin de Larsaudière. Celui-ci un héros de la guerre de 14 se voit menacé dans son honneur par un maître chanteur qui est au courant des infidélités de sa femme. Histoire banale et simple, pense Varlot! Le détective va s'apercevoir peu à peu que l'enquête est beaucoup plus complexe que prévu et qu'elle met en cause le passé du colonel et sa conduite en temps de guerre. Une affaire dangereuse qui pourrait bien être fatale à plus d'un comme nous le constaterons en lisant le livre!
Dans cette BD, on retrouve un thème commun aux deux hommes, Daeninckx et Tardi, tous deux hantés par la guerre de 14-18 dont ils sont devenus des spécialistes. Ils dénoncent l'horreur la stupidité de ces combats meurtriers présents partout et d'une manière presque hallucinatoire dans l'image et le texte : Varlot passe devant l'abattoir de la Villette vers lequel est conduit un troupeau de  moutons et l'image se transforme sous ses yeux en une armée de poilus marchant en rangs serrés vers la mort, prêts à l'abattage dans cette grande "boucherie héroïque" dont parle Voltaire. Varlot aperçoit, en ouvrant une porte, les corps enlacés d'un club échangiste? Se substituent alors la vision  et les râles des corps gisant dans la douleur et le sang des soldats de la Grande Guerre. La guerre est partout. Elle poursuit le jeune détective jusque dans ses rêves violents et obsessionnels qui ne le quittent jamais. Ici, on visite l'hôpital des Gueules cassées. Là on voit une charmante mariée sortant de l'église à côté d'un infirme, assis dans un fauteuil roulant. C'est donc avec véhémence et passion que Daeninckx et Tardi dénoncent la guerre mais aussi ceux qui en vivent, ceux qui envoient les simples soldats se faire tuer en se retranchant derrière leur tenue galonnée. Autant dire que l'antimilitarisme des deux est virulent et que leur vision de la société est pessimiste parce que la raison du plus fort, comme nous le prouve le dénouement, est toujours la meilleure. Une vision amère et désabusée à la Céline!
J'aime beaucoup les illustrations de Tardi. Le Paris des années 1920 nous y apparaît reproduit avec une précision et une richesse qui se révèlent dans le moindre détail. Le choix du noir et blanc est fidèle à l'esprit du livre, à son pessimisme et rappelle le cinéma de l'époque. Détailler chaque image est un plaisir ainsi que reconnaître les rues, les quartiers de Paris, constater la différence avec la ville contemporaine. La circulation a bien changé, peu intense. Les voitures hippomobiles concurrencent encore l'automobile surtout pour les véhicules utilitaires servant aux livraisons. La bébé Peugeot voisine avec la petite anglaise Carden ou l'énorme Vauxhall, la grosse anglaise des riches, du colonel et de la colonelle Fantin. Le train à vapeur avec sa grosse colonne de fumée, le métro avec la publicités du lait Maggie, les pavés des rues minutieusement dessinés luisant sous la pluie, le siège de l'Humanité, l'Opéra, Neuilly avec ses hôtels particuliers, la place Clichy , Roissy ... le Paris des riches et des pauvres apparaît ici avec une foule de personnages dont certains ont pratiquement disparu du paysage français : les Hirondelles, agents de police sur leur vélo avec leurs grandes capes déployées comme des ailes, les religieuses en cornette, la Nurse coiffée d'un bonnet blanc promenant les trois enfants de bonne famille en costume de marin, les ouvriers grévistes (ceux-là, non, ils sont toujours d'actualité!), cigarette au bec, casquette enfoncée sur la tête, surveillés par les gardes mobiles à cheval.. Un monde passé ressucite traversé par des images de cauchemar et fait de cette BD une réussite!