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dimanche 1 mai 2016

Henrik Ibsen : Une maison de poupée


Dans Une maison de poupée, Nora est considérée par son époux Torvald Helmer comme une femme-enfant, jolie, délicieuse, gaie mais puérile et sans cervelle et surtout… très dépensière. Mais enfin, l’on ne demande pas à une femme d’être intelligente et le couple s’entend bien, le mari bêtifiant à qui mieux mieux avec son « petit écureuil »  et sa charmante «  alouette », bref sa poupée. Pourtant Nora quand elle se confie à son amie madame Linke est beaucoup plus sérieuse qu’il ne paraît. Pour sauver son mari, malade et à qui il fallait un séjour dans un pays chaud, elle a emprunté en secret de l’argent à un avocat véreux, Krogstad. Et pour cela elle a fait une fausse signature, celle de son père, puisqu’elle n’a pas le droit en tant que femme de signer. Elle rembourse chaque mois sa dette en rognant sur les dépenses du ménage et en se privant de tout. Mais l’avocat qui veut obtenir un poste dans la banque dont Helmer est devenu le directeur la menace de la poursuivre en justice si Helmer ne lui donne pas satisfaction. Nora désespérée pense que Helmer va vouloir prendre sa faute et se faire condamner à sa place. Elle est prête à mourir plutôt que d’envoyer son mari en prison. Mais lorsque celui-ci apprend la vérité, il accepte le chantage de Krogstad et condamne sévèrement la jeune femme. Furieux, il décide de la séparer de ses enfants car elle ne lui paraît pas digne de les élever. Aussi lorsque l’avocat renonce à la poursuivre, Nora refuse de jouer à nouveau à la maison de poupée, avec un mari redevenu indulgent; elle prend conscience qu’elle n’a jamais pu être elle-même et décide de partir pour être libre et devenir enfin adulte.

Jane Fonda dans le rôle de Nora

Une maison de poupée est ma pièce préférée de Henrik Ibsen. Le thème féministe qui m’intéresse particulièrement y est pour beaucoup évidemment. Il pose le problème de la liberté de la femme toujours considéré comme une mineure dans une société où elle doit tout attendre de son mari.
Le mot « féministe » nous explique Régis Boyer dans les notes écrites à propos de La maison de poupée n’est pas le terme qui convient précisément à Ibsen. Il était surtout moraliste et la double morale pratiquée en son temps entre l’homme et la femme, - douce et indulgente pour l’un et implacable pour l’autre-  le révoltait. Il écrivait : « Une femme ne saurait être elle-même dans la société de notre temps, c’est une société exclusivement masculine avec des lois écrites par des hommes et avec des accusateurs et des juges qui condamnent la conduite d’une femme d’un point de vue masculin. »
Or ce thème est traité ici d’une manière relativement optimiste, qui donne du baume au coeur, grâce au personnage de Nora. On sent toute la tendresse de Henrik Ibsen envers ce personnage qu’il a doté de grâce, de vivacité (écureuil, alouette), de sensibilité mais aussi d’intelligence et de courage. Elle dit adieu à son confort douillet, à ses enfants, car elle ne peut vivre dans le mensonge, continuer à faire semblant. Nora est une enfant qui devient une adulte devant nos yeux, qui prend conscience de la réalité et qui n’accepte pas les compromis. La conduite de son mari envers elle lui dessille les yeux, elle acquiert la lucidité et elle dénonce une société qui maintient les femmes dans l’ignorance et dans l’enfance mais qui les stigmatise quand elles ne connaissent pas les lois et commettent des erreurs. Ibsen signifie par là que tous les individus, femmes ou hommes, ont le droit d’être eux-mêmes, de chercher leur « vérité » et de refuser le « mensonge vital », celui de Peer Gynt ou des personnages de La cane sauvage.

Inutile de dire encore une fois que le dénouement de la pièce fit un scandale : une femme qui quitte son mari et qui abandonne ses enfants avait peu de chance de rencontrer la compréhension. D’ailleurs en est-il autrement aujourd’hui?






Bravo à : Aifelle, Eeguab, Keisha... et merci!

Une maison de poupée pièce de Henrik Ibsen
Le film : Une maison de poupée de Joseph Losey





dimanche 30 juillet 2017

Une maison de poupée de Henrik Ibsen mise en scène Philippe Person, festival OFF d'Avignon

Une maison de Poupée : Philippe Calvario et Florende Le Corre
Voilà la note d’intention du metteur en scène d'Une maison de poupée, Philippe Person, qui interprète aussi un des personnages, l’avocat Krogstad.

« C’est Noël chez Torvald et Nora Helmer et Monsieur vient d’être nommé directeur de banque. Mais son employé Krogstad, menace de révéler le lourd secret de Nora. La Maison de poupée se transforme en cage de verre, le drame bourgeois en thriller hitchcockien. »

J'ajouterai le résumé rapide de l'intrigue que j'ai publié dans mon blog pour ceux qui sont intéressés :

Dans Une maison de poupée, Nora est considérée par son époux Torvald Helmer comme une femme-enfant, jolie, délicieuse, gaie mais puérile et sans cervelle et surtout… très dépensière. Mais enfin, l’on ne demande pas à une femme d’être intelligente et le couple s’entend bien, le mari bêtifiant à qui mieux mieux avec son « petit écureuil »  et sa charmante «  alouette », bref sa poupée. Pourtant Nora quand elle se confie à son amie madame Linke, Christine, est beaucoup plus sérieuse qu’il ne paraît. Pour sauver son mari, malade et à qui il fallait un séjour dans un pays chaud, elle a emprunté en secret de l’argent à un avocat véreux, Krogstad. Et pour cela elle a fait une fausse signature, celle de son père, puisqu’elle n’a pas le droit en tant que femme de signer. .. Suite ICI

La pièce mise en scène par Philippe Person n’est pas intégrale. Le personnage du docteur Rank est supprimé ainsi que les scènes avec les enfants et la nourrice. Certaines répliques sont élaguées et j’ai trouvé que la pièce n’avait pas assez de continuité, le rythme étant coupé, haché, par une présentation en tableaux successifs. Ce qui m’a paru gênant pour voir l’évolution des personnages.

La manière de traiter certains personnages secondaires m’a surprise aussi : Christine et Krogstad. Christine (Nathalie Lucas) qui représente une autre facette de l’aliénation de la femme et mériterait, à ce titre, d’être plus mise en valeur est assez effacée. Et Philippe Person qui joue Krogstad paraît prendre de la distance par rapport à son personnage et ne pas y croire du tout. Le dénouement heureux pour eux qui se sont aimés dans leur jeunesse est traité avec dérision, semble-t-il, par le comédien et metteur en scène. Peut-être parce que cela arrive trop brutalement, sans transition. Si on s’intéresse à ces deux personnages, il faudrait leur laisser plus de temps.

Reste donc le couple principal : Nora et Torvald Helmer. C’est sur eux que le metteur en scène a resserré l’intrigue. La comédienne Florence Le Corre qui interprète la femme-enfant, Nora, charmante et mutine, est convaincante et la scène finale nous permet de découvrir un Torvald  humain (Philippe Calvario) qui comprend, mais trop tard, ses torts envers son épouse. Ce sont des moments qui m’ont touchée. Je l'avais jugé trop brutal dans les scènes précédentes.
La cage de verre dont parle Philipe Person est peut-être ce huis-clos du salon de Nora qui permet aux spectateurs de s’immiscer dans l’intimité du couple, c’est aussi cette vitre qui coupe le décor et derrière laquelle se cache la boîte à lettres fatale.  J’avoue, par contre, qu’à aucun moment, je n’y ai vu le thriller Hitchcockien annoncé par le metteur en scène.
 Je n’ai donc pas tout aimé dans cette version de la pièce mais le spectacle, comme je l’ai souligné, a des qualités, en particulier  le jeu de Florence Le Corre, Nora.

Une maison de poupée de Ibsen
Mise en scène de Philippe Person
Théâtre de l’Oulle
Durée : 1h20
à 15h10 : du 7 au 30 juillet
Compagnie Philippe Person
Interprète(s) : Florence Le Corre, Nathalie Lucas, Philippe Calvario, Philippe Person



dimanche 12 juin 2016

Oslo : La presque-île de Bygdoy : Le musée des bateaux vikings/ Le musée folklorique / Le musée du Fram

Oslo musée du bateau viking presque île de Bygdoy Vikingskipshuset
musée du bateau viking

La presque-île de Bygdoy est l'une des plus agréables promenades à faire à Oslo et ceci d'autant plus que vous êtes avec un enfant. D'abord vous pouvez prendre le bateau au port, face à la mairie, et faire une courte et plaisante traversée; ensuite vous pouvez visiter tout à pied, d'un musée à l'autre, il y en a tant et pour tous les goûts! Vous ne pourrez tous les voir en un seul jour!

Le deuxième musée préféré de Léonie (6 ans), après le musée zoologique et le parc botanique d'Oslo est :

Le musée des bateaux vikings : Vikingskipshuset

Oslo Le musée des bateaux vikings : Vikingskipshuset
Le drakkar viking de Gokstad
Les trois bateaux vikings du musée ont été retrouvés dans l'Oslofjord et sont les tombeaux de personnages importants. Le drakkar d'Oseberg date de 834, celui de Gokstad de 900. Celui de Tune a été pillé et les restes sont plus fragmentaires.

Oslo Le musée des bateaux vikings : Vikingskipshuset Le bateau viking d'Oseberg
Le bateau viking d'Oseberg
 
Oslo presqsue île de Bygdoy Le musée des bateaux vikings : VikingskipshusetLe bateau viking d'Oseberg
Le drakkar d'Oseberg
 
 Dans le bateau d'Oseberg on a retrouvé les squelettes de deux femmes, l'une âgée de 50 à 70 ans, l'autre de 25 à 40 ans. On pense qu'il s'agit d'une puissante volve (sorcière) et l'autre, la plus jeune, de sa fille ou d'une servante. Elles étaient accompagnées dans la mort par 15 chevaux, 4 chiens et un taureau sacrifiés sur le drakkar.
Les objets en bois, mobilier, bijoux, armes, outils que l'on y a retrouvés sont d'une grande richesse comme le chariot, le seul connu de la période viking ou les traîneaux admirablement sculptés.

Oslo musée des nateaux vikings Chariot Viking trouvé dans le drakkar
Chariot Viking trouvé dans le drakkar

Le musée folklorique : Norsk Folkmuseum 

Oslo Norsk Folkmuseum : maison rurales presque-île de Bygdoy
Norsk Folkmuseum : maison rurales
Le musée des arts et des traditions populaires de Norvège regroupe des maisons de zones rurales ou urbaines représentatives des différentes régions de Norvège. Nous en avions vu un à Stockholm. Au début mai, beaucoup de ces édifices étaient fermés et les animations à la ferme aussi. Tout commence en Norvège à partir du 15 mai ou parfois début juin. L'intérêt, c'est qu'il y a peu de visiteurs et que la promenade est agréable et reposante. Les quelques maisons visitables sont intéressantes. 
Les maisons rurales dont certaines datent du moyen-âge, sont construites avec des rondins de bois, ont des toits fermés par de l'écorce de bouleaux, réputée imputrescible, elle-même recouverte de tourbe où l'herbe pousse en liberté, ce qui constitue une bonne isolation dans ces pays froids. Bien sûr, elles nous ont rappelé les maisons du village de Nicolaï Astrup. Certaines arborent de belles sculptures.



Oslo presque île du Bygdoy Norsk Folkmuseum maison urbaines musée folklorique
Norsk Folkmuseum maison urbaines

Fenêtre maison ouvrière : photo de Léonie
Intérieur maison d'ouvrier :  Photo Léonie
Oslo presque île du Bygdoy Norsk Folkmuseum maison urbaines musée folklorique
Immeuble bourgeois de Christiana (Oslo)
L'intérieur de cet immeuble d'Oslo reconstitue les appartements de toutes les classes sociales du XIX siècle au XX siècle. A l'étage, le décor qui a servi pour la pièce de Ibsen : La maison de poupée.

Oslo presque île du Bygdoy Norsk Folkmuseum maison urbaines musée folklorique Henrik Ibsen décor de la Maison de poupée
Le salon de La maison de poupée
 Oslo Norvège Folkmuseum  décor de la Maison de poupée musée folklorique
Décor au théâtre pour la première de La Maison de poupées

Le musée du  FRAM Frammuseet


Oslo  Le musée du  FRAM, bateau polire de Fridtjof Nansen Frammuseet
Le Fram

Le musée Fram raconte l'histoire du Fram, navire polaire qui fut construit avec une coque spéciale, renforcée, pour l'explorateur Fridtjof Nansen. Au lieu d'être broyé quand il était pris par les glaces, le vaisseau se soulevait. Il était retenu prisonnier mais ne subissait pas de dommages. La visite de cet immense navire, du pont supérieur aux salles des machines, les films qui jalonnent la visite, les photographies des explorateurs et de leurs activités, les instruments, les vêtements, les objets qui permettent d'imaginer la vie quotidienne dans le bateau pris dans les glaces du Pôle et les jeux instructifs à l'intention des enfants (mais aussi des plus grands!) font du Fram un beau musée moderne et interactif.  


Oslo Films, photographies de la vie à bord du Fram au Pôle Frammuseet
Films, photographies de la vie à bord du Fram au Pôle

Norvège Oslo Films, photographies de la vie à bord du Fram au Pôle frammuseet
Films, photographies de la vie à bord du Fram au Pôle

A l'extérieur, une belle pelouse face au fjord et au port d'Oslo nous accueille pour un pique nique ensoleillé.

Norvège Port d'Oslo vu de la  presque-île de Bygdoy Musée du Fram
Port d'Oslo vu de la  presque-île de Bygdoy Musée du Fram

Norvège Oslo  presque-île de Bygdoy Frammuseet
Oslo  presque-île de Bygdoy Musée du Fram

Sur cette presque-île nous n'avons pas eu le temps de voir le musée du Kon-Tiki et le musée de la Marine norvégienne situé à côté du Fram.

 

 

vendredi 8 avril 2016

Henrik Ibsen : Hedda Gabler


Hedda Gabler, la fille du général Gabler, femme impérieuse, passionnée de tir aux pistolets qu’elle tient de son père, s’est mariée avec Jorgan Tesman. Celui-ci vient de finir sa thèse d’histoire de la culture et attend un poste à l’université. Au retour de leur voyage de noces, ils rentrent à Oslo. L’indifférence de Hedda pour son mari apparaît très vite. Elle ne supporte pas la vieille tante de Jorgan, Julia, qui a élevé le jeune garçon à la mort de sa mère, elle juge son mari peu brillant, terre à terre, ennuyeux, le méprise et refuse de participer à ses soucis lorsque sa nomination à l’université semble compromise.De plus, elle est peut-être enceinte et horrifiée de l’être. La visite de Thea Elvsted, une ancienne compagne de classe, qui va lui donner des nouvelles de Eijlert Lovborg, provoque le drame.
Eijlert Lovborg est un brillant écrivain que sa conduite a mis au ban de la société. Alcoolique, il est tombé dans la déchéance et c’est Thea Elvsted qui le sort de l’ornière en lui redonnant le goût du travail.  Thea est très attachée à cette résurrection morale qui est son oeuvre.  Hedda Gabler qui a été  la maîtresse de l’écrivain ne supporte pas que Thea joue un tel rôle auprès de Lovborg. Or, il est de retour à Oslo. Hedda décide de réapparaître dans la vie de l’écrivain et d’exercer son influence sur lui afin de diriger sa vie. Mais Lobvorg ne se montre pas à la hauteur de ce qu’elle attendait. Hedda Gabler se suicide en se tirant un coup de pistolet.

Ingrid Bergman dans le rôle de Hedda Gabler

Toutes les grandes actrices ont rêvé d’interpréter le rôle de Hedda Gabler car ce personnage aux motivations difficiles à comprendre, qui paraît irrationnelle et peu adaptée à l’étroitesse et au puritanisme de la société dans laquelle elle vit, exige des prouesses d’interprétation. Il faut dire que sa complexité déroute et passionne à la fois.
 Ce qui a retenu mon attention c’est la volonté de Henrik Ibsen de donner, dans le titre de la pièce, le nom de jeune fille et non le nom d’épouse : Hedda Gabler et non Hedda Tesman. Il insiste ainsi sur le fait que la jeune femme reste la fille de son père plus que l’épouse de son mari. Définir ainsi le personnage permet de mettre en relief l’origine sociale de Hedda, la grande bourgeoisie, et une éducation qui a dû être moins conformiste que celle des autres jeunes filles de sa classe, témoin les pistolets dont Hedda adore se servir et le caractère capricieux et libre de la jeune femme. Son dédain des autres, la haute opinion qu’elle a d’elle-même, son désir de s’affranchir des contraintes sociales, se heurtent à un obstacle majeur dans la société de son temps. Elle est femme et ne peut donc se réaliser par elle-même. Elle qui est éprise de liberté et d’absolu, n’a d’autre échappatoire que le mariage. C’est pourquoi elle décide de faire un fin : épouser Jorgan Tesman. Lui ou un autre, cela n’a pas d’importance. Hedda Gabler symbolise l’emprisonnement moral et social de la femme dans une société qui la cantonne au rôle d’épouse et de mère. C’est insupportable pour une femme qui n’en a pas la vocation! Elle est elle aussi la soeur de  la Nora de La maison de poupées, mais une soeur négative et malfaisante. Hedda ne peut prouver sa valeur et trouver un sens à sa vie qu’en manipulant les hommes, en les tenant sous sa coupe, non sans machiavélisme!  C’est pourquoi elle est condamnée à mourir.
Ceci est une interprétation sociale et psychologique du personnage mais il y a en a beaucoup d’autres. Elle a souvent été étudiée par le biais de la psychanalyse à la lumière de Freud ou bien sous l’influence de la philosophie de Nietzsche qu’évoque la volonté de puissance de Hedda. Elle fait le régal des metteurs en scène et suscite les analyses les plus diverses depuis sa création en 1890. Hedda Gabler est  l'une des oeuvres la plus célèbre de Henrik Ibsen.



Henrik Ibsen

Henrik Johan Ibsen est un dramaturge norvégien. Il se présente comme un « anarchiste aristocrate». Fils de Marichen Ibsen et de Knud Ibsen, Henrik Johan Ibsen naît dans un foyer que la faillite des affaires paternelles, en 1835, désunit rapidement.…
Ses œuvres les plus connues sont Une maison de Poupée, La cane sauvage,  Rosmershom, Hedda Gabler, Peer Gynt... Certaines pièces plus politiques, comme Les prétendants à la couronne , les Revenants, Un ennemi du peuple ont souvent heurté l'opinion progressiste ou de la gauche norvégienne. Cependant, selon Jeanne Pailler, Henrik Ibsen est un «auteur de drames historiques et de pièces intimistes, considéré comme un réformiste acharné par les uns, comme un conservateur par les autres » Hostile aux partis cléricaux et au traditionalisme de la monarchie norvégienne de son temps, il est souvent vu comme un libéral en Norvège. ( source wikipedia)



dimanche 28 février 2016

Peer Gynt de Henrik Ibsen et Edvard Grieg

                 
Edvard Munch : affiche pour Peer Gynt (1896)
        

Henrik Ibsen

Henrik Johan Ibsen est un dramaturge norvégien. Il se présente comme un « anarchiste aristocrate». Fils de Marichen Ibsen et de Knud Ibsen, Henrik Johan Ibsen naît dans un foyer que la faillite des affaires paternelles, en 1835, désunit rapidement.…



De sa pièce de théâtre Peer Gynt (1867), Henrik Ibsen disait : « De l’ensemble de mes livres je (le) tiens pour celui qui est le moins susceptible d’être compris en dehors des pays scandinaves ». Et si cela ne tenait qu’à moi, je dirais que c’est bien vrai. Et pourtant elle a joui d’un engouement exceptionnel aussi bien en Norvège que dans le monde entier, et a été traduite dans de nombreuses langues. Lire Peer Gynt m’a bousculée dans mes attentes, en me faisant dévier du chemin théâtral que je connais et je ne parle pas seulement des pièces classiques. Même le théâtre élisabéthain et encore moins le drame romantique et les revendications d’Hugo, ni les pièces contemporaines, ne m’ont permis de m’adapter facilement à un tel chamboulement! je suis allée de surprises en surprises tant en ce qui concerne la langue que le déroulement de la pièce et surtout le sens. Que veut dire le dramaturge? Même à la fin de la pièce, l’on s’interroge.

 La traduction de la Pléïade dans laquelle j’ai lu la pièce n’est pas en vers mais les niveaux de langue toujours changeants sont bien rendues : Poésie et lyrisme, alternent avec un langage protéiforme satirique, familier voire au trivial. Bien sûr, chez Shakespeare ou Hugo aussi, on retrouve aussi ce changement de registre mais la familiarité et la vulgarité sont le propre des personnages grotesques et ne concernent pas, ou alors rarement, les personnages nobles. Dans Peer Gynt, le mélange du fantastique et de l’humour, les personnages sont parfois comiques et même caricaturaux là où l’on s’attendrait à avoir peur,  est aussi étonnant.

Peer Gynt  est un lesedrama c’est à dire une pièce en vers destinée seulement à la lecture, ce qui laissait à son auteur la possibilité de laisser libre cours à son imagination : les personnages fantastiques du folklore norvégien envahissent la scène, les décors sont nombreux et divers, on est transporté des forêts profondes et des fjords norvégiens à l’Afrique, dans le désert, au milieu des palmiers comme au pied du Sphynx égyptien. Une pièce qui ne devait pas être jouée et pourtant elle a été portée à la scène un grand nombre de fois! Ce que l’on peut expliquer par le fait qu’elle stimule par sa complexité même la créativité des plus grands metteurs en scène.

En fait la pièce qui compte cinq actes paraît diviser en trois parties déterminées par les lieux et les périodes de la vie de Peer Gynt.

La jeunesse de Peer Gynt


 La première partie se déroule en Norvège et correspond à la jeunesse de Peer Gynt. Le jeune homme, inspiré d'un personnage folklorique norvégien, ment toujours et prétend vivre des aventures qui sont arrivées à d’autres. Il est incapable d’assumer ses responsabilités, de s’occuper de sa ferme et de venir en aide à sa mère, Ase. C’est dans cette partie que Peer Gynt se met à dos les villageois, veut épouser la fille du roi des trolls, le seigneur des montagnes de Dove. Poursuivi par ses ennemis, il s’enfuit après la mort d'Ase et après avoir salué Solveig, une jeune fille qui l’aime et qui promet de l’attendre.
 C’est la partie que j’ai préférée avec la poésie de la nature norvégienne qui occupe la première place et l’étrangeté du Petit Monde, les trolls, les nixes, les sorcières, qui sont la base des croyances populaires, un héritage de la culture païenne. Notons aussi la très belle scène de la mort d'Ase, si émouvante et poétique dans laquelle le fils accompagne sa mère au seuil de la mort.

Peer Gynt est un ambitieux, à la recherche du pouvoir et de la richesse. Il est prêt à tout pour  épouser la princesse sauf.. à se laisser crever les yeux! C’est alors que le roi des Trolls prononce une phrase qui semble porter le sens (un des sens?) de la pièce. A la question : quelle est la différence entre un humain et un troll? Il répond :  On dit à l’humain «  Homme, sois toi-même! » et au troll  « Troll, sois pour toi-même! »

La maturité de Peer Gynt

dessin de décor : la cabane de Solveig de Nicholas Roerich
La deuxième partie raconte la maturité de Peer Gynt qui a vécu des aventures multiples. On le retrouve courant les mers ou les déserts, l’Afrique ou l’Amérique, tour à tour négrier, contrebandier, prophète, toujours empêtré dans le mensonge qui devient une arme pour manipuler autrui.
C’est la partie que je n’ai pas aimée et qui m’a ennuyée, trop rocambolesque, ni fantastique, ni proche de la réalité. De plus, l’Afrique de Ibsen est très convenue, rien à voir avec l’authenticité qui est la sienne quand il parle de son pays!
Peer Gynt, le mauvais garçon, s’est encore endurci dans le mal, allant jusqu’au meurtre pour sauver sa vie. Le personnage devient de plus en plus corrompu et repoussant. Alors que Solveig, toujours fidèle dans son amour et sa foi, l'attend au pays.
La parole du roi des montagnes de Dove se réalise. Peer Gynt est bien un troll et non un humain car il n’est pas lui-même, il est pour lui-même !

La vieillesse de Peer Gynt
Peer Gynt et les trois pelotes(incarnation des Trolls)

La troisième partie se déroule en Norvège, c’est la vieillesse de Peer Gynt guetté par la Mort et que le diable poursuit de ses assiduités. Peer Gynt, le menteur, s’en sort toujours par une pirouette, en utilisant le mensonge pour berner les autres.  Mais au moment où rien ne paraît pouvoir le sauver, l’amour de Solveig le tire des griffes de ses ennemis. L’amour plus fort que la mort? Oui, mais pour combien de temps? La fin reste ouverte :  
on entend la voix du fondeur de boutons  derrière la maison : Nous nous rencontrerons au tout dernier carrefour, Peer, et alors, nous verrons...si... Je n'en dis pas davantage.
J’ai aimé  ce passage car l’on retourne en Norvège dont l’auteur nous restitue l’essence. L’on retrouve alors les personnages populaires, la mort symbolisée par le Fondeur de boutons, chacun doit passer dans sa cuiller. Le diable apparaît sous les traits d’un personnage maigre, avec un filet d’oiseleur sur l’épaule pour attraper les âmes perdues et avec un sabot à la place d’un pied, figure coutumière des légendes norvégiennes.

Solveig est l’antithèse de Gynt. Si celui-ci incarne le mal, l’égoïsme, la manipulation d’autrui,  Solveig est altruisme, bonté, dévouement. Mais dans ce combat entre le mal et le bien qui est au centre la pièce, jamais l’on ne voit Peer Gynt évoluer vers le Bien. Sauf, un moment éphémère où le chant de Solveig et sa fidélité lui font comprendre ce qu’il a perdu. Quant à Solveig, elle paraît être une idée désincarnée plus qu’un être réel. Le pessimisme et l'amertume d' Ibsen semblent triompher.

Suite musicale de Peer Gynt, musique de Grieg

Henrik Ibsen avait demandé à Edvard Grieg de mettre sa pièce en musique alors que les deux hommes ne s'entendaient pas! Grieg trouvait la pièce "débordante d'esprit et de fiel". Quant à Ibsen, il n'apprécia pas la musique composée par Grieg peut-être trop romantique pour convenir à la noirceur satirique de Peer Gynt? Pourtant l'oeuvre musicale connut un immense succès. Si vous avez le temps, écoutez ces extraits. Vous verrez que même si vous pensez ne pas la connaître, cette musique vous parlera!



Edvard Grieg: Au matin suite 1/1 op. 46



Edvard Grieg Chanson de Solveig  suite 2 /4 op.55 : chanté par la soprano norvégienne Marita  Solberg



Edvard Grieg : Dessin animé sur la suite 1/ 4 Op. 46  de Peer Gynt  Dans l'antre du roi de la montagne. C'est cette musique que Fritz Lang a utilisé dans M. Le Maudit.


Edvard Grieg
 Edvard Grieg naît à Bergen en 1843 et meurt dans sa ville natale en 1907.
Pianiste de formation, Edvard Grieg est un compositeur norvégien de la période romantique. Il est particulièrement attaché à la mise en valeur du folklore norvégien au moyen de la musique.
Edvard Grieg naît dans une famille de musiciens : son père joue en tant qu’amateur dans un orchestre de la ville, sa mère lui donne ses premières leçons de piano et lui fait découvrir l’histoire de la musique à travers Mozart, Weber et Chopin. Grâce aux encouragements du violoniste norvégien Ole Bull dont il fait la connaissance à l’âge de quinze ans, Edvard Grieg part en 1858 au conservatoire de Leipzig pour y faire ses études musicales. Il découvre les œuvres de Schumann ou de Wagner au Gewandhaus, et propose sa première composition à son examen final en 1862 (Quatre pièces pour piano).
Edvard Grieg entame alors une carrière de pianiste. Il déménage à Copenhague où il rencontre les compositeurs Niels Gade et Rikard Nordaak, et commence à éprouver un intérêt prononcé pour la culture nordique. En 1867, il s’installe à Christiana et y fonde l’Académie norvégienne de musique. Il dirige régulièrement l’orchestre de la société de musique et compose de nombreuses pièces (Humoresques, Concerto en la mineur pour piano), ce qui est d’autant plus facile lorsqu’il se voit accorder par l’Etat une rente viagère, à partir de 1872.
En 1876, Edvard Grieg rencontre le succès avec Peer Gynt, un opéra né de l’œuvre d’Ibsen. Après une période de crise durant laquelle il se concentre sur le folklore de sa région, il part en tournée en Europe et se fait acclamer de toutes parts. La qualité de l’écriture pianistique inspirée par Liszt, ainsi que l’audace de l’harmonie, font de Grieg un compositeur majeur de la Norvège et inspireront Debussy ou Ravel. (Source bibliographique:  France Musique)



lundi 29 janvier 2018

Henrik Ibsen : Un ennemi du peuple



Dans Un Ennemi du peuple de Henrik Ibsen, le docteur Tomas Stockmann a été nommé directeur de l’établissement des Bains de sa ville natale par le préfet Peter Stockmann, son frère. Il découvre que les eaux sont polluées par les rejets toxiques des tanneries de la ville et propagent fièvre, dysenterie et typhus. Mais lorsqu’il révèle la vérité, tous, son frère, les journaux, les petits propriétaires et bientôt le peuple, se liguent contre lui. Les travaux concernant la réfection des conduites d'eau seraient trop coûteux, trop longs et la ville ne peut se passer des revenus des Bains qui assurent sa prospérité. Tomas Stockmann va mener la bataille épaulé par son épouse parfois défaillante, sa fille Petra, un ami, le capitaine Horster … Il rassemble tout le monde dans une assemblée générale qui tourne au pugilat.

L'inspiration


Un ennemi du peuple est inspiré semble-t-il par la personnalité et la lutte de Harald Thaulow, pharmacien diplômé, qui s’est efforcé de réformer le système d’attribution des pharmacies. Celles-ci étaient accordées par privilège, héritage ou vente sans tenir compte des connaissances et des diplômes. Un apothicaire était alors un simple vendeur de médicaments même s’il n’avait fait aucune étude médicale. Thaulow a provoqué un scandale lors d’une assemblée générale pour défendre ses idées. Il  a fini par l’emporter mais l’on s’en doute s’est fait de nombreux ennemis, parmi lesquels les apothicaires n’étaient pas les moindres !
Ibsen, lui aussi, a fait scandale avec sa pièce Les Revenants qui stigmatise l’hypocrisie sociale et religieuse et fait allusion à la syphilis, sujet tabou. De là à être traité d’ennemi du peuple, il n’y a qu’un pas.  Ibsen met beaucoup de lui-même dans le personnage principal de la pièce, le docteur Stockmann, qui va représenter ses idées politiques.

Un ennemi du peuple est considérée comme une grande pièce d’Ibsen après La Maison de poupée et Hedda Gabbler. Il paraît que le metteur en scène allemand Thomas Ostermeïr a fait une belle mise en scène de Un ennemi du peuple. Qui sait ? il m’aurait peut-être réconciliée avec la pièce ? Car je ne l’ai pas aimée.

Une pièce démonstrative

 

Mise en scène de Claude Stratz Théâtre national de la Colline
D’abord les personnages :  ou ils sont flous, peu développés tant au niveau psychologique qu’au niveau de l’intrigue comme Petra ou Horster, ou complètement inutiles comme les fils de Tomas Stockmann. Ils sont des fonctions et non des êtres de chair dans une pièce qui est avant tout démonstrative et porteuse d’un message.
Le personnage du docteur Stockmann lui-même est assez caricatural. Sa naïveté quand il pense être porté en triomphe par ses concitoyens est d'une stupidité confondante. Il paraît que c'est comique mais il ne m'a pas fait rire, au contraire ! Cependant, il ne faut pas oublier que Henrik Ibsen a voulu faire de Un ennemi du peuple une comédie.

Un thème très actuel mais ...

 

Au festival d'Avignon : Thomas Ostermeier

Rien n’est plus actuel que le thème de cette pièce à notre époque où la survie de la planète est en jeu ! On pourrait multiplier les exemples ! Je m'attendais donc à ce que Ibsen pourfende les gouvernants, le capitalisme,  tous ceux qui défendent leurs propres intérêts au détriment de la santé des autres et de l’environnement.  Mais  les propos tenus par le "bon"  docteur ont pris un autre tour et m'ont surprise. Certes, il est courageux et se sacrifie pour que la vérité éclate. Il se retrouve sans travail, sans logement dans une ville qui ne veut plus de lui. Mais sa conception de la démocratie est atterrante !

Premier choc : lorsqu’il considère que dans son poste précédent, dans le Norland, ( région norvégienne qui englobe Bodo, Troms, les îles Lofoten et Vesteralen …) les hommes sont  au niveau des animaux.

"J’ai passé plusieurs années dans un horrible trou perdu, là-haut dans le Nord. Parfois, en rencontrant les hommes qui y vivaient comme un amas de pierres, j’ai pensé qu’un vétérinaire leur aurait été plus utile qu’un homme comme moi" 

Deuxième choc : " La majorité n’a jamais le droit pour elle, vous dis-je !(…)  je pense que nous sommes tous d’accord pour dire qu’il y a une majorité écrasante d’imbéciles sur cette terre. Mais, nom d’un chien, on ne peut pas accepter que les imbéciles gouvernent les intelligents !
La majorité a le pouvoir - mais elle n’a pas raison. C’est moi qui ai raison, moi et quelques autres; de rares hommes isolés. La minorité a toujours raison."

Troisième choc : Stockmann compare les hommes au chiens et conclut que d’un corniaud, "vulgaire chien plébéien" "dégoûtants et mal élevés " et d'un caniche "descendant d’une belle lignée", c’est toujours le caniche qui l’emportera et sera le plus intelligent  !

De choc en choc, je n’ai plus trop su ce que Ibsen voulait défendre et j’ai trouvé très aristocratique et anti-démocratique sa vision du peuple. Contrairement à ce que je pensais au début de la pièce, effectivement Ibsen-Stockmann est un ennemi du peuple, non parce qu’il veut faire fermer les bains pour des raisons sanitaires mais parce qu’il est plein de mépris pour lui.
D’ailleurs la découverte qu’il révèle à la fin de la pièce est empreint de cette esprit élitiste et supérieur :

"Le fait est, voyez-vous  que l’homme le plus fort du monde est le plus seul"

Tout en moi s'est révulsé  à cette lecture même si, finalement, il décide d’éduquer le peuple et d’instruire "les corniauds" - "ils peuvent avoir des têtes remarquables"- pour leur donner les possibilités de "chasser les loups" .

Vous admettrez que la pensée de Ibsen est complexe, à la fois  conservateur et libéral. Il s’est mis à dos la gauche norvégienne par sa conception élitiste de l'homme supérieur et les classes dirigeantes et cléricales dont il dénonce l'égoïsme et l'hypocrisie.

A cette pièce politique, je préfère ses pièces psychologiques qui n’en sont pas moins inscrites dans une société et en dénonce les travers.

Mes billets

La maison de poupée ICI et ICI

La cane sauvage ICI

La dame de la mer ICI

Hedda Gabler ICI

Peer Gynt de Ibsen et Grieg ICI

mardi 6 août 2013

Théâtre enfants au festival d'Avignon 2013 : Les coups de coeur de Léonie et sa grand mère(2) : Grat'moi la puce que j'ai dans l'do, La Baba Yaga et la Sorcière Latrouille


Grat'Moi la puce que j'ai dans l'do Cie Minute papillon

Avec Léonie, ma petite fille âgée de 3 ans et 4 mois (il ne faut pas que je les oublie ces mois si je ne veux pas la vexer) nous avons vu 10 pièces pour enfants, plus un spectacle (qu'elle a adoré) donné par le ballet  de l'Opéra d'Avignon en direction d'un public adulte chorégraphié par Eric Bellaud. Et parmi ces pièces, des petits  bijoux. Je vous parle d'abord de nos coups de coeur à toutes les deux pour le théâtre enfants :

Petite divergence entre Léonie et sa grand mère : si le N° 1 est Pogo pour toutes les deux, (voir Ici)

               le  N° 2 est La Baba Yaga  de Carabistouilles et Cie pour Léonie et  pour moi Grat'moi la puce que j'ai dans l'Do  de la Cie Minute papillon. Pas étonnant que la Baba Yaga tienne une telle place dans l'imaginaire de Léonie qui adore les histoires de sorcières. C'est tellement bien d'avoir peur quitte à faire des cauchemars toute la nuit après le spectacle!


La Baba Yaga

La Baba Yaga d'Héloïse Martin

La Baba Yaga d'Héloïse Martin (qui interprète aussi la conteuse et Baba Yaga), mis en scène par Philippe Ferran, est la sorcière des contes russes. Elle est méchante, bien sûr, puisqu'elle croque les enfants, mais pas entièrement méchante... Rassurez-vous tout de suite, elle ne mangera pas Vassilissa, la petite fille envoyée par sa marâtre dans la forêt pour chercher du feu.  La fillette a une poupée magique donnée par sa maman pour lui permettre de surmonter les épreuves. Elle finira par apprécier la vieille sorcière et par la secourir. Grâce à son aide, Vassilissa se libèrera de sa marâtre, grandira et et sortira de ces épreuves plus forte. 

Le conte est destiné aux enfants à partir de quatre ans, peut-être est-ce pour cela que les énigmes données par la Baba Yaga n'ont pas beaucoup marquée Léonie du haut de ses trois ans. Mais ce qui l'a enchantée (et terrifiée) c'est Baba Yaga elle-même ...  que l'on ne voit pas, en fait, car elle reste cachée dans la cabane. Son nez tordu et ses mains d'araignée sortent de la maison par des trous et lorsqu'elle se soulève, ses pattes de poules lui permettent de se déplacer.  (Dans le conte russe, c'est la maison qui a des pieds de poules).  Et ses yeux flamboient! Voilà de belles trouvailles! Succès assurée chez les tous les petits quand ils la voient arriver! Léonie saute dans mes bras et replie ses jambes sous elle de peur d'être attrapée. Les décors et les costumes d'inspiration russe sont très réussis, les couleurs chaudes, les lumières créent une belle ambiance.

Grat'-moi la puce que j'ai dans l'do

Compagnie Minute papillon mise en scène de Margot Dutilleul

Do Ré Mi fa sol la si do
 Gratte-moi la puce que j'ai dans le dos
Si tu m'lavais gratté plus tôt,
Elle ne n'serait pas monte si haut.

Léonie n'était pas peu fière de chanter cette chanson à son grand père en revenant de ce spectacle musical au cours duquel elle est restée bouche bée, étonnée, tout ouïe aussi car les airs d'opéra défilent gaiement, chantés, fredonnés, transformés en onomatopées, rythmés avec des cuillères en bois,  accompagnés à l'accordéon par trois comédiens, chanteurs d'opéra et musiciens très plaisants.

Le prétexte de la pièce est la journée des tout-petits, du réveil au petit déjeuner, au départ à l'école, en passant par les jeux de récréation, le bain, le coucher... La mise en scène est inventive, amusante, animée, à la fois douce et enlevée. L'imprégnation musicale où l'enfant découvre Bizet, Brahms, Mozart, Offenbach, Vivaldi...  s'accompagne d'une découverte picturale, d'un bain de couleurs et de formes qui rappellent Joan Miro et ses personnages insolites.  La  poésie des décors créés par des images, des projections de taches de couleurs, des silhouettes d'ombre  fait de ce spectacle une belle initiation à l'art. Un coup de coeur!


             La sorcière Latrouille




Dans la famille sorcière, il faut que je vous présente un autre coup de foudre de Léonie : La Sorcière Latrouille de (et avec) Frédérique Bassez ,  Compagnie Apremont Musithéa. J'y suis allée un peu à reculons, ayant peur que la pièce ait un humour un peu lourd et puis non, le spectacle était agréable et a bien amusé les enfants.

 Le sujet  : Maman est une sorcière renommée. Elle voudrait que sa fille lui succède.
Mais la petite Latrouille a peur de tout : des cafards, des araignées, des grenouilles, des souris, des crapauds et de toute la panoplie des sorcières. Le grand bal des sorcières approche, elle doit préparer une potion. Parviendra-t-elle à vaincre ses peurs ?

La jeune actrice, Frédérique Bassez, est charmante et amusante. Elle n'en fait pas trop, tour à tour petite sorcière trop gentille qui rêve de robes de princesse et a peur de tout puis "concocteuse" de  potion magique dégoûtante à base de crottes de nez de limaces, baves de crapaud, pattes d'araignée et j'en passe. Berk! Les enfants sont dégoûtés et ravis, ils adorent! Mais comme Latrouille a peur de tout et qu'elle attire la sympathie des jeunes spectateurs qui la prennent sous leurs ailes, ils doivent monter sur la scène pour attraper les araignées géantes et les cafards albinos. Un spectacle interactif donc et qui fonctionne très bien car la comédienne rebondit avec aisance selon les réactions des gamins et les intègre bien dans la pièce.
 La mise en scène de Patrick Wessel tire le maximum de la scène exiguë du Théâtre des Amants qui est l'ancienne (et très jolie) chapelle du XVIII siècle des Pénitents Violets d'Avignon. J'ai juste trouvé la dernière scène un peu longue après le bal des sorcières quand la petite Latrouille est amoureuse et qu'elle doit à nouveau subir les interdictions de sa terrible maman.  Belle idée cependant que la représentation de la mère! Mais c'est peut-être parce que c'est là que Léonie a décroché. Il faut dire que la pièce s'adresse aux enfants à partir de cinq ans. Un spectacle amusant qui a mis en joie le jeune public.

Challenge d'Eimelle

dimanche 24 novembre 2013

Au Centre Pompidou, le surréalisme et l'objet.

Arnaud Labelle-Rojoux : A la main du Diable

Je sortais à peine de la Maison de Victor Hugo où dans La cime des rêves  (voir ici) étaient présentés les rapports du poète avec les surréalistes que je découvre à Pompidou une autre exposition  : Le surréalisme et l'objet. Aussitôt j'y cours. Vous l'avez peut-être compris, je suis accro à ce mouvement artistique! J'en aime l'esprit de dérision, de provocation, de subversion et de liberté; j'aime la volonté affichée de détruire le regard conventionnel, étroit et convenu que l'on porte trop souvent sur l'art; j'aime cet appel à sortir des sentiers battus, à réfléchir sur la notion d'Art; j'aime aussi l'aspect ludique qui parle à l'imagination ou l'impossible devient possible!

La conscience poétique de l'objet


Loup-table de Victor Brauner

En 1924, André Breton proposait de fabriquer dans la mesure du possible, certains de ces objets que l'on n'approche qu'en rêve et qui paraissent aussi peu défendables sous le rapport de l'utilité que sous celui de l'agrément. 
En mettant ainsi la lumière sur l'objet surréaliste, à partir d'objets trouvés mais détournés de leur sens ou à partir d'objets rêvés concrétisés par leur fabrication avec des éléments du réel, l'exposition  montre comment les surréalistes ont donné une conscience poétique à l'objet, lui ont conféré une surréalité que Breton définissait comme "une sorte de réalité absolue". C'est le sens que j'ai retenu de cette exposition.

Les Readymade 


Dans les premières salles on retrouve des objets très connus du surréalisme, comme les Readymade de Duchamp ainsi son Porte-bouteilles, ou le téléphone-Homard de Dali... Pour Duchamp l'objet, même quotidien, banal ou prosaïque acquiert un statut d'oeuvre d'art par le seul fait que l'artiste l'ait choisi. Perçus comme scandaleux, choquants en leur temps, les Readymade ont eu pourtant une grande importance dans la réflexion sur l'art.  


Marcel Duchamp : Porte-bouteilles

Le mannequin et la poupée

 

Pour la première fois le mannequin est introduit dans une oeuvre que Chirico intitule Le Prophète car son  statut hybride -objet de forme humaine- lui confère une inquiétante étrangeté et Hans Bellmer accentue cet effet avec ses poupées de cire démantibulées qui renvoient au mythe de Pygmalion ou à l'Olympia d'Hoffmann  et qui ont aussi une dimension érotique soulignée pleinement par la projection d'une scène du film de Luis Berlanga :Grandeur nature dans lequel Michel Piccoli danse avec une poupée.

Giorgio de Chirico : Le prophète

Hans Bellmer : la poupée et Luis Berlanga : Grandeur nature

Objet à fonctionnement symbolique

 

Les objets à fonctionnement symbolique sont présentés dans une scénographie que j'ai beaucoup aimée. Elles sont plongées dans une semi-obscurité qui met en valeur l'objet éclairé, enfermé dans des écrins de verre comme des bijoux précieux et rares. Une caméra capte l'objet dans un mouvement tournant qui renvoie les images  sur les murs tendues de toile de la salle, permettant de magnifier les détails de ces créations. Ainsi l'objet à fonctionnement symbolique d'André Breton, la Boule suspendue de Giacometti, Le soulier de Gala de Salvador Dali, prennent leur sens en fonction du regardeur.. Et bien sûr il faut accepter de se perdre, de ne pas tout comprendre.
La chaussure de Gala par Dali a un sens érotique évident, associée au dessin d'un couple en train de copuler dans une boîte à chaussures :

Dali : La chaussure de Gala

On sait l'obsession de Dali pour la chaussure de femme, ce qui inspire à Elsa Schiaparelli le fameux chapeau-chaussure que porte Gala sur cette photo :


Gala Dali et le chapeau-chaussure

D'autres objets sont encore plus complexes à décrypter! Et ce n'est pas grave, il faut laisser son esprit cartésien au vestiaire! Parfois les surréalistes agissent comme des enfants facétieux qui cherchent à vous mener en bateau et ce côté ludique est passionnant.

André Breton : objet à fonctionnement symbolique
La compréhension de l'objet surréaliste se mérite! Son mode d'emploi c'est : se laisser aller à son imagination!  Avec cet objet à fonctionnement symbolique André Breton me laisse perplexe : on y voit un timbre et une selle de bicyclette reliés à une fronde munie d'un caillou, et une sorte de petit panier contenant des objets qui évoquent pour moi un utérus avec des embryons, la Naissance? La bicyclette au milieu des feuilles serait donc la représentation de la vie, son mouvement? et la fronde n'est-elle pas synonyme des difficultés, des blessures de la vie? Les feuilles séchées seraient alors la mort annoncée? Et que signifient certains objets que je n'identifie pas bien. Regardons un de ces détails grâce au film qui le sélectionne et le grandit :

André Breton : objet à fonctionnement symbolique(détail)
 Cet détail se révèle être un sablier, il évoque donc bien le temps qui s'écoule et nous amène inexorablement vers la mort.
Un objet surréaliste est une énigme! Et peu importe si ce n'est pas ce que l'artiste a voulu dire parce que voilà ce que déclare Dali à ce propos : Ces objets, qui se prêtent à un minimum de fonctionnement mécanique, sont basés sur les fantasmes et représentations susceptibles d’être provoqués par la réalisation d’actes inconscients. [...] Les objets à fonctionnement symbolique ne laissent aucune chance aux préoccupations formelles. Ils ne dépendent que de l’imagination amoureuse de chacun et son extra plastiques. » (Salvador Dalí, « Objets surréalistes », Le Surréalisme au service de la révolution, n° 3, décembre 1931.

 

Meret Oppenheim : Ma gouvernante


J'adore l'humour de ces chaussures blanches ficelées comme un gigot prêt à enfourner (ou à passer à la casserole) que Meret Oppenheim intitule : Ma gouvernante.
A noter tous les détails symboliques de l'objet :
Et d'abord la chaussure qui est la représentation érotique et fétichiste par excellence. On peut imaginer la gouvernante, objet des fantasmes prépubères du petit garçon.
La blancheur, symbole de pureté, de virginité,  est détournée par la ficelle qui ligote les chaussures et évoque des relations sado-maso ou tout simplement la domination du mâle impliquant la soumission de la femme voire son non-consentement.
Enfin le plat sur lequel est disposé cet objet a pour moi une double référence : Il renvoie d'une part à une video de l'exposition dans laquelle on voit Oppenheim et ses convives prendre un repas sur une table-femme, ce qui est peut-être l'image d'un cannibalisme amoureux faisant un sort aux expressions :" je te mangerai!""Tu es à croquer"!
D'autre part, je ne peux m'empêcher d'y voir un pastiche des tableaux de la Renaissance ou de l'art Baroque représentant la tête de Saint Jean-Baptiste posée sur un plat, offrande sacrificielle offerte à Salomé.

Andrea Solario, La tête de Saint Jean-Baptiste, 1507
Le Caravage : Salomé et Saint Jean-Baptiste

Les autres objets sont regroupés d'après les expositions internationales auxquelles ils ont participé, de 1933 à  1960 selon des thèmes divers, l'objet et son rapport avec  la sculpture, Eros, une dernière salle est consacrée à  Joan Miro,  après 1960, où l'artiste invente l'objet selon le principe des "cadavres exquis" avec des objets divers.

Joan Miro : personnage

Joan Miro : personnage


 Et enfin je vous laisse regarder certaines oeuvres et vous interroger sur leur sens si le coeur vous en dit!

 
Salvador Dali

Alberto Giacometti : Table
 
Dali : Le veston aphrodisiaque




Centre Pompidou, Paris
Le surréalisme et l'objet
30 octobre 2013 - 3 mars 2014
de 11h00 à 21h00 Galerie 1 -